Tu m'avais promis qu'on vieillirait ensemble

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Ce soir là je me suis endormie, sereine, je te savais en sécurité dans ton lit. Malheureusement rien ne s'est passé comme prévu, mon téléphone a sonné, c'est en sursaut que je me suis réveillée et que je l'ai attrapé, j'ai décroché, je n'étais pas prête à entendre ce que tu avais à me dire. J'ai écouté ta voix tremblotante avec la plus grande attention, chacun de tes mots avait l'effet d'un coup de poignard dans le cœur, chacune des secondes de cet appel me paraissait être une éternité, et chacune des larmes qui coulaient sur mes joues m'annonçait qu'une centaine d'autres allaient la suivre.

Quand tu as raccroché je me suis effondrée, j'ai tant pleuré, puis je me suis habillée, et j'ai laissé un mot à ma mère afin qu'elle ne s'inquiète pas pour mon absence. J'ai détaché mon vélo, et avant de monter dessus j'ai regardé une photo de nous, puis j'ai pédalé, pédalé encore et encore, j'ai pédalé si vite. J'ai parsemé la route de mes larmes qui brillaient sous la lumière pâle de la lune.

Enfin je suis arrivée devant ce bâtiment blanc froid et peu chaleureux qu'est l'hôpital. Je me suis présentée à l'accueil où l'on m'a indiqué ta chambre. Encore sous le choc, j'ai marché dans les couloirs jusqu'à te trouver. Assis sur un banc non loin de là tes parents pleuraient, je les ai salués puis je suis rentrée.

Je t'ai vu allongé dans ce lit, immobile, tu as tourné lentement la tête dans ma direction, et tu as sourit. Je me suis posée sur une chaise à coté de toi, j'ai pris ta main et j'ai commencé à te parler. Je t'ai supplié de te battre, de rester, de vivre, et alors tu m'as répondu que ça n'était pas aussi simple, et que si tu avais eu le choix tu l'aurais fait. A ce moment j'ai réalisé que c'était la fin, que je ne te verrais plus jamais, qu'on ne jouerait plus jamais ensemble, que plus jamais je n'allais entendre ta voix, que plus jamais je ne recevrais de message de ta part... Alors j'ai pleuré, encore et encore.

Puis j'ai voulu te rappeler tout nos souvenirs, notre voyage au Canada, cette poutine qu'on avait mangé, ce pont suspendu qu'on avait traversé, cet aquarium qu'on avait visité. Tu te souviens de ce requin qui ai passé tout près de nous ? Et de ces enfants qui étaient effrayés ?

Mais souviens toi aussi de ces moments au Texas, sous la chaleur, où nous avons découvert la vie dans le Far West. Ou encore de ce manoir abandonné dans lequel on avait réalisé une excursion nocturne. J'avais si peur, puis tu avais pris ma main et tu m'avais rassurée. Ou aussi de cette soirée au théâtre, moi j'avais apprécié mais toi tu t'étais endormi, je crois que tu t'étais un peu ennuyé. Souviens toi de la fois où nous sommes allés à Chinatown, on s'était régalés, et en rentrant de notre voyage nous étions allés voir le départ des bateaux au port, face à la mer et au coucher de soleil, on avait tellement discuté de notre avenir qu'on idéalisait.

Je crois que le moment que j'ai préféré à tes côtés c'était cet appel Face Time un soir d'été, on se disputait pour savoir lequel était le plus mignon, j'avais réussi à te faire accepter que c'était toi. Je t'avais aussi montré ma chambre bien rangée, et toi la tienne en désordre. Une à une je t'avais présenté les peluches avec lesquelles j'ai grandit, et toi ton unique ourson que tu n'as jamais abandonné. On avait aussi inauguré mon nouveau pêle-mêle de photos sur lequel il y en avait plusieurs de nous deux.

Quand j'ai relevé la tête tes yeux étaient fermés, je t'ai appelé, j'ai crié ton nom, je t'ai secoué mais tu n'as pas réagit. Tu étais déjà parti. J'ai couru chercher de l'aide, mais ils n'ont pas pu te réanimer. Alors j'ai hurlé, j'ai crié si fort ce jour là, puis je me suis calmée, j'ai fini par ne verser que des milliers de larmes. Ensuite ils t'ont emmené. Je suis rentrée chez moi et j'ai tout raconté à ma mère. Elle m'a autorisé à venir à ton enterrement. C'est vêtue d'une robe noire que je suis venue, j'ai salué tes parents avant la cérémonie. Quand cette dernière fut finie les gens partirent uns à uns, et moi je suis restée sur ta tombe, je la fixais de mes yeux rouges qui étaient cachés par des lunettes. J'ai refusé de te dire au revoir car je sais que même la mort ne peut nous séparer, je savais que tu serais toujours avec moi. J'ai regardé le bracelet que tes parents m'avait donné, tu voulais me l'offrir, mais tu l'as oublié en partant aux urgences.

J'ai eu le temps de réfléchir à tout ce que tu m'avais dit, j'ai eu le temps, avec toute ces fois où je suis venue te voir, je suis venue tout les jours pendant plus d'un an. J'ai continué de t'envoyer des messages bien que je savais que jamais tu ne répondrais. J'ai continué à t'aimer comme l'on aime un meilleur ami, et je continuerais chaque jour de mon existence. Le jour de ton anniversaire, je t'ai amené des fleurs et un cadeau. Je me suis assise face à ta tombe et j'ai pleuré jusqu'à ce que le soleil se soit couché. Puis je suis rentrée en contemplant le ciel étoilé dans lequel tu te reposais, jamais je ne t'oublierais tu sais, et c'est parce que tu es gravé dans ma mémoire, que je sais désormais qu'on vieillira ensemble, et que jamais on ne sera séparés.

Merci d'avoir tenu ta promesse.

L'innocence finit toujours par s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant