Chapitre IV

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Quelques semaines plus tard, je reçois une courte lettre de Marcus, me demandant si j'ai réfléchi à sa proposition, car le temps presse pour l'organisation du stratagème censé fausser le tirage au sort.

Evidemment que j'y pense, à cette fichue proposition ! Tous les soirs, dans l'obscurité de ma chambre, je pèse le pour et le contre de chaque argument avancé par mon cousin pour défendre la cause des Nordistes. Certes, j'ai les mêmes attentes qu'eux, je souhaite que Illéa  vive en paix avec ses voisins et que la pauvreté soit éradiquée, mais parfois, je me dis que notre situation actuelle n'est pas si mal : je n'ai absolument pas à me plaindre, moi qui suis une Trois. Je n'ai jamais manqué de rien, et l'idée que ce confort me soit enlevé si nous décidions de nous révolter pour de bon me fait frémir. Que deviendrai-je, sans ma caste qui règle ma vie ? Cependant, depuis que l'idée de participer à la Sélection a germé dans mon esprit, je porte de plus en plus d'intérêt à la personne du prince Maxon, et inutile de dire qu'en lisant les quelques interviews qu'il a donné, ainsi qu'en regardant toutes les photos officielles prises de lui, je le trouve de plus en plus attirant.

Le voilà, mon dilemme. Est-ce que je préfère continuer ma petite vie confortable, entourée de mes amis et ma famille ? Ou est-ce que je suis prête à me lier aux Renégats du Nord pour apporter ma pierre à l'édifice du changement et avoir une véritable opportunité de rencontrer le prince ?

Finalement, je m'installe à mon bureau d'où je tire une liasse de papier à lettres, un papier très fin que j'adore, et que j'utilise souvent pour écrire à mes amis. Le stylo plume suspendu au-dessus de la lettre, je cherche mes mots.

Marcus,

Ta dernière lettre me pressant de répondre à ta proposition, je t'avoue ne toujours pas savoir quoi faire : je suis profondément partagée entre l'amour que je porte à Illéa  et à mon désir de vivre en paix, même si cela doit passer par de nombreux sacrifices ; mais d'une autre part, quelque chose au fond de moi me dit que notre situation actuelle n'est pas si mauvaise, et je ne sais pas si je suis prête à me lancer dans une compétition pareille, en abandonnant par cette occasion ma petite vie que j'ai à Columbia.

Je ne sais vraiment pas quoi faire, et j'espère que tu pourras m'éclairer sur ce que je devrais faire à ton sens. N'hésite pas à passer me voir ou à m'appeler.

Affectueusement,
                                                                                                                                              Kriss

Satisfaite de ma lettre, je la glisse dans une enveloppe et inscris l'adresse de Marcus, et décide d'aller la poster moi-même en allant à l'université. Je passe tout l'après-midi là-bas, le nez dans un livre d'arithmétique, mais mon esprit a du mal à se concentrer.

Soudain, un grand bruit se fait entendre dans la bibliothèque : je lève la tête, curieuse, puis me désintéresse rapidement en constatant que ce n'est qu'une jeune fille a trébuché en entrant. Je me replonge dans mon travail, mais une main sur mon épaule m'interrompt.

- Excuse-moi. C'est toi, Kriss ? me demande la jeune fille étant entrée quelques minutes plus tôt.

-  Oui..? Comment connaissez-vous mon nom... ? dis-je en fronçant les sourcils

- Peu importe. Je peux te déranger cinq minutes ? J'ai quelque chose d'important à te dire, de la part de Wilkes.

En disant ses mots, elle porte sa main à sa gorge, où se cache un minuscule pendentif en forme d'étoile. Je comprends de suite.

- J'arrive, attendez moi dehors, dis-je en rassemblant mes affaires.

Elle s'éclipse et je la retrouve dehors, adossée contre la façade, fumant une cigarette. Je suis un peu surprise car ce n'est pas chose habituelle, surtout pour une femme, mais je suppose qu'en tant que Renégate, elle ne porte pas beaucoup d'attention aux normes de notre société. Dès qu'elle m'aperçoit, elle m'en propose une, mais je refuse.

- Wilkes m'a demandé d'aller te chercher, il a bien reçu ta lettre. Et il veut te montrer quelque chose, dit-elle en faisant tourner sa cigarette entre ses doigts.

- Hum, oui bien sûr. Où dois-je aller ?

- Je vais t'accompagner, mais il faut que tu repasses chez toi prendre quelques affaires. Ce n'est pas tout près, me révèle-t-elle, un peu gênée.

- Oh. Il va falloir que je trouve une excuse pour ma mère... Je vais me débrouiller. Où est-ce qu'on se retrouve ?

- J'ai nos déjà nos billets, donc sois à 16h45 à l'aéroport. Je t'attendrai devant.

Je la fixe, incrédule. L'aéroport ? Nous allons si loin que ça ?

- Oui... dit-elle en comprenant mon expression. Elle baisse la voix, et chuchote : nous nous rendons dans le camp principal des Renégats du Nord.

Très bien. Je vais donc me rendre illégalement dans un camp de rebelles, sans le dire à mes parents, pour y découvrir je ne sais quoi, alors que je ne suis même pas encore membre de l'organisation. Respire Kriss, respire.

Une fois arrivée chez moi, je grimpe les marches quatre à quatre et m'enferme dans ma chambre. Qu'est-ce que je suis en train de fabriquer ? J'attrape deux pulls dans la penderie, ainsi qu'un jean, et je troque mes bottines contre des chaussures plus confortables. Je rédige rapidement un mot pour mes parents, leur disant de ne pas s'inquiéter et que je serai de retour demain soir, ce que j'espère ne pas être un mensonge. Je suis soulagée de ne pas avoir à leur expliquer en face pourquoi je pars, je ne pense pas que j'aurais été très crédible.

Une fois dehors, je m'engouffre dans le premier bus, et une demi-heure plus tard, j'arrive à l'aéroport, où je retrouve la jeune fille dont je ne connais même pas le nom. Elle est de nouveau adossée à un mur, près du terminal des départs, et occupée à rouler une autre cigarette. Elle s'interrompt en m'apercevant, et fouille dans la poche pour me tendre mon billet d'avion. Je jette un coup d'œil à la destination, Bankston. Je vais vraiment m'envoler pour l'autre bout du pays, sans que mes parents ne sachent où je suis réellement.

-  Merci. On va vraiment au Nord alors ? dis-je, en espérant glaner quelques informations supplémentaires

- Effectivement... Cette région d'Illéa est très peu peuplée et donc parfaite pour nous. Heureusement, ce n'est pas très loin d'ici, une heure d'avion tout au plus.

- D'accord. Et toi, tu vis là-bas ou ici, à Columbia ?

- Actuellement, je suis dans le coin, mais je n'ai pas d'endroit fixe. Disons que les Renégats ont des soutiens qui peuvent les héberger un peu partout dans le pays.

Je hoche la tête, pensive. Il semblerait qu'il y ait beaucoup plus de partisans des Renégats que ce que le gouvernement nous laisse croire. La jeune rebelle écrase sa cigarette consumée sous son talon, et me fait signe de la suivre. Nous passons les contrôles de sécurité sans problèmes, et je ris sous cape en pensant à la tête que feraient les gardiens de sécurité s'ils savaient qu'ils ont sous les yeux un membre du groupe rebelle le plus puissant du pays.

Avant d'entrer dans le petit avion, elle enfile sa veste en jean, sur laquelle on peut distinguer des broderies en forme de fleurs. Elle se retourne vers moi avant de passer le seuil :

- Au fait, je ne t'ai pas dit mon nom. Je m'appelle Georgia Whitaker.

- Enchantée,Georgia, dis-je avec un sourire.

The Other One | Kriss AmbersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant