Le poids de l'absence

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Les journées suivantes furent bien différentes de ce que les deux magouilleurs avaient prévu. Suite aux récents évènements, il fut décidé qu'ils resteraient à l'abri pendant quelque temps, et surtout... adieu le train. Plus personne ici ne voulait monter dans un train ni entendre le sifflet d'une locomotive. Ensuite, les blessures d'Alec ne lui permettaient pas de se déplacer pendant plusieurs semaines. Pas si on voulait le faire arriver en bonne santé et, de préférence, sans une infection qui lui coûterait un membre. Il y avait aussi ce bébé. Ils devaient l'amener à un médecin avant de reprendre la route. Ainsi que lui trouver quelques vêtements. Des frais imprévus, mais qu'ils firent tous avec un grand plaisir.

Ragnor venait donc de s'absenter de leur abri — une cabane trouvée, abandonnée depuis longtemps — pour gérer leurs affaires et Magnus rentrait avec de la neige fraîche, qu'il comptait faire fondre pour avoir de l'eau. Le seul coincé dans un lit était Alec, qui fulminait à l'idée d'être aussi inutile. Enfin... il servait de bouillotte au bébé, mais ça n'entrait pas dans la liste des choses vraiment primordiales.

— Cesse donc de faire cette tête. On dirait que tu es puni. J'aimerais me prélasser comme toi, avec rien d'autre à faire que m'occuper de ce petit ange.

Le petit ange en question venait de s'endormir et bavait copieusement sur le torse d'Alec. Le jeune homme, malgré son envie de bouder, ne put qu'esquisser un sourire. L'enfant brun pouvait sans doute adoucir bien des cœurs, comme le sien. Mais rester ainsi, sans rien faire... c'était presque trop pour celui qui fut habitué à vivre là où l'on devait aider pour espérer un repas ou autre chose. Certains se plaignaient d'un excès de travail, lui de son manque absolu.

— Magnus ? Je peux te poser une question ?
— Tu viens déjà de le faire, mais je t'en prie...

Malgré lui, Alec roulait des yeux et se redressait un peu contre ses oreillers. Cette douleur au bras risquait bien de le rendre fou avant qu'ils ne reprennent la route, sauf si l'immobilisme le rendait fou avant. C'est d'ailleurs pour cette raison que le brun décidait d'engager la conversation avec son camarade d'infortune.

— Cette chose dans le train... qu'est-ce que c'était ?

La question le hantait depuis sa chute du train. Depuis qu'il pensa sa dernière heure venue, quand les flammes de la locomotive léchèrent sa peau. Alors que son corps chutait droit vers ce qu'il pensait être sa mort soudaine et violente. Dès lors, il ne cessa de se demander qui pouvait être la personne vue dans le train... ou plutôt, la chose. Car rien d'humain ne pouvait faire ce qu'il vit aussi bien dans ses yeux, que dans de très rapides flashs de son passé. Sa question fit se tendre Magnus, qui fixa pendant quelques longues secondes ses mains fermement serrées sur un bol en bois. Un bref instant, Alec se demandait s'il venait de gaffer... mais si quelque chose les unissait tous les deux, alors ils pourraient envisager de devenir amis, de se rapprocher. Pas au point de partager tous leurs secrets, mais d'au moins pouvoir compter l'un sur l'autre. Juste quand le plus jeune allait proposer d'oublier sa question, une voix nouée par l'émotion commença à s'élever dans l'air.

— Autrefois, cette créature était un homme presque ordinaire. Il régnait sur un royaume voisin à celui des Lightwood. Cependant, il possédait aussi la réputation d'avoir tué toutes ses épouses. Un jour, il soigna Alexander de la maladie avec laquelle il était né... assez en tout cas pour qu'il vive calmement. En échange, il demanda juste que, le jour venu, monsieur Lightwood accède à l'une de ses requêtes. C'est de là que tout est parti.
— Il a refusé de payer cet homme ?
— L'empereur aimait ses enfants, plus que tout au monde. Il aurait même abandonné sa couronne pour eux. Il ne pouvait pas accepter que Isabelle devienne la nouvelle épouse d'Asmodeus. Il ne savait que trop bien qu'elle finirait par disparaître elle aussi... surtout avec son caractère.