Swish, Will !

10-Assez vert pour devenir bleu

Arthur

Le brouhaha de la salle m'empêche de me concentrer. Il y'a beaucoup trop de monde. Comment est-ce possible ?

Je ne ressens pas le trac paralysant qui devrait me saisir à l'idée de jouer cette finale, mais la perte définitive de Will me fend le cœur.

Je ne sais pas si je lui pardonne, au fond, mais ce qu'il doit vivre, en ce moment, privé de tout ce qu'il a toujours voulu...je ne sais pas.
J'aimerais être à ses côtés pour le rassurer, mais ça ne suffirait pas. Pas avec cette fracture au tibia.

Ç'aurait pu être pire, mais ç'aurait aussi pu être mieux.

Je m'en veux beaucoup de l'avoir giflé. Peut-être qu'il le méritait, mais c'est le dernier souvenir qu'il aura de moi.
Je suis sûr qu'il pense que c'est en grande partie ma faute.

Il n'aurait pas spécialement tort.
Mais ça fait mal. Vraiment mal. Je ne pense pas que ce soit un simple béguin pour que je souffre de cette manière.

J'ai tenté de m'en persuader toute l'année mais c'est un énorme mensonge. Will est bien plus pour moi que tout ce que je pourrais décrire. Les souvenirs que j'ai avec lui, les bons comme les mauvais, je les garderais tous, sans exception. Parce qu'à chaque fois qu'il s'adresse à moi, avec son regard dur et doux à la fois, j'ai des putain de papillons qui m'empêchent de respirer. Et avec l'habitude, je ne veux pas me séparer de cette sensation.

Je suis tombé bien bas, hein ?

Alors qu'on se prepare tous, je vois, de ma position, les gradins continuer à se remplir.
J'aperçois même le fameux David Christiansen, un peu en retrait.

Les supporters sont en folie. Il faut dire que le niveau est très élevé cette année. L'équipe qui nous dispute le titre est beaucoup plus que compétente. Je ne saurais dire ce qui me chagrine le plus ce soir. Que Sofia ne soit pas venue nous encourager alors qu'elle l'avait promis, ou que Will ne semble toujours pas montrer de signe de vie, alors qu'il a toujours rêvé de ce moment.

-Il ne viendra pas, déclare Axel en remarquant mon regard planté sur la foule.

Il n'a toujours pas pardonné à son meilleur ami sa trahison, et je suis bien en peine de le défendre. Adem ne lui parle pas non plus.
Je ne sais vraiment pas comment j'ai fait pour garder une cohésion d'équipe décente.

-Tu en es sûr ? demandé-je tout de même.

-Il a tout donné pour disputer ce match précisément. Il est beaucoup trop orgueilleux pour venir nous soutenir, sachant qu'il ne récoltera aucun honneur.

Dit comme cela, ça sonne très Will. Il faut que je me rende à l'évidence. Tout ce qu'il y'a eu entre nous est mort et enterré, quoi que cela puisse être.

Axel et les autres commencent à s'échauffer, tandis que j'essaie de reprendre le contrôle de mes émotions. Val remplace Will. C'est vraiment bizarre de voir ces deux noms associés dans cet ordre. Ce sera un miracle si je tiens les quatre quart-temps.

Je me secoue. On a joué plein de fois sans Will. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas là ce soir que je dois laisser tomber tout le monde.

L'entrée sur le terrain des deux équipes : la Swish P et la Space Jam (quel manque d'imagination) déclenche un tonnerre de hurlements comme je n'en ai jamais vu.
Ce raffut me met légèrement mal à l'aise, mais je parie que Will adorerait tout ça : être sous le feu des projecteurs.

Il fait presque nuit dehors. Le coup d'envoi sera donné dans quelques secondes. Je me retrouve face à un gaillard plus petit que moi, mais à la face déterminée, du genre serial killer. Je ne suis pas petit, mais je n'ai pas plus de force et de vigueur qu'un gamin normal de dix-sept ans.