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Pas à pas les deux amants maudits se séparaient, et pas à pas, l'un comme l'autre couraient vers leurs destins. Jimin ne vivait plus qu'à un pour-cent peut-être dans son corps devenu le monument du « vrai » amour, de celui qui dépasse les frontières, les Âges et les espèces. Mais le jeune humanoïde était bien décidé à utiliser cette enveloppe de métal pour protéger celui qui devait vivre: Jungkook. Alors il faisait demi-tour et rejoignait d'un pas lent mais sûr les robots qui les traquaient sans relâche. Il avait ouvert les bras en croix, en signe de résignation et alors qu'il comptait sur le jeune homme pour ne pas se retourner, lui servait à proprement parlé de bouclier. Les tirs se concentraient sur sa personne pendant plusieurs minutes, et son plan fonctionnait donc à merveille. Il avait tenu mais avait fini par s'écrouler, son corps de métal criblé de balles. Assurément, l'autre n'avait pas obéis, il n'en faisait toujours qu'à sa tête et cette fois il s'était fait remarquer de ne plus jamais le faire. L'être qu'il aimait, celui qui lui avait tout apporté, mourrait sous les tirs de leurs assaillants, Jungkook ne pouvait pas supporter cette vue. Un cri arrachant avait bondi de sa poitrine et son corps, quitté de toute force s'était relâché de manière à ce qu'il tombe violemment sur ses deux genoux. Les larmes ne s'étaient pas faites priées, elles dévalaient ses joues, saccageaient son beau visage en un ramassi de tristesse et d'ombre qu'il ne se connaissait pas. Il ne pouvait pas se résigner à le savoir mort et comme un idiot il avait pensé à aller le rejoindre, juste l'espace de quelques seconde. Jungkook avait voulu lui tenir la main, lui dire que tout irait bien, et il avait même pensé à se laisser mourir à ses côtés, à le regarder jusqu'à ce que la mort vienne le cueillir. Cependant, il savait que Jimin n'aurait jamais voulu qu'ils tombent ensemble, il l'avait sauvé au prix de sa vie et Jungkook devait l'honorer. Il avait pris quelques longues secondes pour se remettre sur les pieds, au sens propre comme figuré, et alors que ses yeux n'arrivaient pas à se détacher du corps inanimé de Jimin, il reprenait peu à peu sa course éreintée, l'esprit occupé.

Il avait couru quelques centaines de mètres depuis la mort de l'humanoïde et pourtant il ne voyait pas encore le bout de ce gigantesque désert qui s'étendait à perte de vue tout autour de lui, il avait juste l'impression qu'à mesure où il avançait, il ne faisait que s'enfoncer dans un piège qui se refermait inexorablement sur lui. Mais il continuait, devant lui figurait son seul espoir de pouvoir vivre. Alors ses jambes lourdes n'avançaient plus que par automatisme et son cerveau n'était plus occupé qu'à une seule et unique chose: penser à lui. Jimin l'avait imploré de se souvenir de lui, de ne pas l'oublier, mais comment avait-il pu penser qu'un jour il sortirait de l'esprit du jeune noiraud. C'était absolument impossible. Même les coups de feu qui résonnaient parfois, non loin de lui, ne servaient pas à le sortir de ses songes. C'était comme si Jungkook n'avait plus peur, comme si la seule chose qu'il avait toujours voulu protéger n'était plus à protéger alors qu'il résidait là... au beau milieu de sa poitrine qui se soulevait au rythme de ses inspirations de plus en plus difficiles. Jimin était encore là, il vivait en lui comme Jungkook avait vécu en lui durant des années de son existence. Son parcours était presque aussi initiatique que tous les héros des romans dont il avait dévoré chaque page. Et rien que pour ça, il gardait espoir, rien que parce que dans tous ses bouquins, le héros finissait toujours par être délivré de n'importe quelle manière que ce soit. Jungkook n'attendait qu'à être délivré de n'importe quelle manière que ce soit.

Et tandis que ses songes le perdaient aux alentours de cette longue ligne droite qu'il créait lui-même dans la fine couche de poussière rouge sur le sol, un autre coup de feu retentissait, sauf que cette fois c'était presque comme s'il avait filé tout proche de lui. Un rire nerveux avait étiré les lèvres de Jungkook, il était apeuré, et amusé de voir à quel point il pouvait être faible comparé à ces êtres de métal. Mais maintenant qu'ils étaient bien plus proches de lui, qu'ils l'avaient rattrapé avec aisance, il se devait de redoubler d'effort. Il savait se motiver, il devait le faire pour lui, pour vivre et pour continuer d'aimer Jimin lorsqu'il aurait trouver l'exil. Alors il fendait le vent aussi vite que possible, ses jambes n'étaient plus que deux membres dont il n'avait plus le contrôle, et alors que son visage se crispait sous la difficulté de son effort physique, sa respiration manquait parfois la mesure. Jungkook se démenait comme Jimin l'aurait voulu, il repensait à leurs moments, à ces fois où ils s'étaient mis à valser dans sa petite chambre stérile ou à ce fameux baiser que Jimin lui avait retiré, comme s'il en comprenait vraiment la signification. Le jeune humain avait toujours eu dû mal à croire que l'humanoïde pouvait ressentir quoi que ce soit pour lui, ça dépassait son entendement. Mais cette fois, quand il l'avait embrassé il avait senti ce petit quelque chose dont on parlait dans ses livres, ce « truc » qu'on ne ressent seulement dans un baiser d'amour sincère. Il y croyait maintenant mais son coeur lui criait qu'il était trop tard. Et puis, il n'y avait pas que ces souvenirs qui refaisaient surface, c'était comme si Jungkook revivait cette courte existence en accéléré et en marche arrière. Comme si quelqu'un rembobinait la cassette, il se souvenait également des cauchemars qu'on lui faisait subir dans son sommeil, ceux où on le torturait à mort et où il renaissait sans cesse, en boucle il mourait de douleur. Mais il se souvenait aussi de regard torturé de sa mère, il la voyait lui tendre les bras comme si on l'arrachait de ses mains, il la voyait pleurer et hurler de douleur. Jungkook en voulait à ce monde, à ces êtres répugnants qui avaient, sans hésiter, fait de lui leur objet, et pourtant, Jimin était de leur espèce. Comment pouvait-il être si différent des autres ? Comment pouvait-il aimer Jungkook après qu'on lui ai inculqué tant de valeurs guerrières et constructivistes ?

A mesure où Jungkook s'approchait du but, son esprit s'embrumait comme ses yeux, remplis de larmes chaudes prêtes à tomber. Seulement, les sentinelles à ses trousses, il avait été forcé de mettre fin à sa pénible course. A sa plus grande surprise, le noiraud s'était retrouvé arrimé au bord d'une falaise. De là où il se situait, il pouvait voir un nombre incalculable de maison, toutes constituées de jolies briques et de toîts de tuiles rouges. Les chaumières éclairaient chaleureusement de longs chemins entourés d'une pelouse verdoyante et les cheminées évacuaient paisiblement la fumée de chaque foyer. Jungkook croyait rêver, instinctivement et de manière légèrement exagérée, il avait frotté grossièrement ses yeux. Alors il était bel et bien arrivé ? Il était donc libre ? Sans vraiment s'en rendre compte, il s'était demandé ce qu'il allait bien pouvoir y faire. Après tout, il en avait tant rêvé que maintenant que son rêve était réalisé, il n'avait plus aucun rêve à exaucer. Finalement, face à la beauté du paysage qu'il découvrait il se disait qu'il trouverait bien quelque chose d'assez passionnant. Malgré tout, il lui restait plus qu'à rejoindre le niveau inférieur. Sorti de ses songes, Jungkook avait méticuleusement observé les alentours, pourtant il ne voyait là aucune issue. Il en était même venu à se demander quel sort lui réserverai un saut de cette hauteur. Le piège se refermait-il sur lui ? Sûrement, ou du moins c'était ce qu'il s'était mis à penser lorsque les bruits effrayants que produisaient les machines à sa recherche, s'étaient rapprochés.

Jungkook ne perdait pas espoir, il essayait de rationaliser, il devait y arriver. Il ne cessait de se répéter qu'il y avait forcément une issue, un moyen pour lui de se libérer de cet endroit horrible et d'enfin vivre... Mais à chaque seconde l'ennemi gagnait du terrain, et à chaque seconde Jungkook se sentait comme la petite souris entre les pattes d'un sournois félin. Pourtant, il espérait encore qu'il s'agisse d'un lion plutôt que d'un chat, que le fameux lion serait piégé, tout autant que celui de La Fontaine, en se rendant compte que « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. ». Il espérait sortir vainqueur d'un tournois dont les règles lui échappaient.

Comme s'il en avait oublié l'existence, un énième coup de feu avait fendu le vent. Jungkook avait senti la balle lui transpercer la poitrine dans la pure poursuite de sa course. Elle était venue se loger sous sa peau sans discrétion, tâchant de rouge la chemise blanche qu'il portait, soulevée par le vent. Un doux sourire, triste aussi, étirait ses lippes tandis que son visage s'était penché vers le bas, rendant compte de sa blessure. Alors ils l'avaient eu. Le jeune noiraud avait porté sa dextre sur son torse, le souffle court, et les traits de plus en plus tirés par la douleur qui se répandait lentement. Les yeux tantôt clôt, tantôt désorbités, Jungkook sentait sa fin proche, mais ils ne devaient pas gagner. Ou du moins c'était ce que Jimin lui disait, flottant là au dessus du vide. Son teint blafard ne changeait pas vraiment d'ordinaire et il lui tendait les bras, lui disait de ne pas abandonner. Jungkook n'allait pas abandonner, il ne voulait qu'honorer leur histoire. Alors, le visage rempli de larmes et un sourire heureux contrastant, il avait fait un pas, puis un autre en avant et doucement, il avait franchi le seuil. Jungkook était tombé de longues minutes durant avant de rejoindre une terre que l'on lui avait promis, la terre des siens peut-être. Il avait réussi. 

𝙰𝙿𝙾𝙳𝙸𝚂: 𝚊𝚗𝚊𝚕𝚘𝚐𝚘𝚞𝚜 | 𝐽𝑖𝐾𝑜𝑜𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant