Chapitre 3 Skull

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Je suis devant la porte du bureau, hésitant. J’ai passé ma nuit à imaginer ce qu’elle pouvait endurer et j’en ai eu des sueurs froides. Le club pourra m’aider, j’en suis certain mais devoir tout leur raconter… C’est difficile de l’envisager. Je n’ai pas le choix, j’en suis conscient, si je veux avoir une chance de retrouver ma Sunshine ou, le cas échéant, savoir ce qui lui est arrivé.

Je prends une profonde inspiration et frappe à la porte, prêt à affronter le jugement de deux personnes que j’estime plus que tout. La porte s’ouvre peu après sur Blaire qui m’offre un sourire rassurant. Je l’embrasse sur la joue quand elle me passe devant pour quitter la pièce et entre avant de refermer derrière moi. Connor et Venom sont ici, mon président assis sur son siège et Venom en face, sur l’un des deux fauteuils. J’avance et m’installe à mon tour.

- Si tu ne te sens pas prêt, on peut repousser de quelques jours, me propose Connor après m’avoir salué.
- Non, cela ne sert à rien de repousser l’inévitable.

Je souffle bruyamment et commence mon récit.

- Pour que vous compreniez toute l’histoire, je vais devoir vous parler de moi, de mon enfance. Pour commencer, je m’appelle Jude Tavers, je suis né et j’ai grandi dans une petite bourgade du Texas. D’un regard extérieur, on pouvait considérer que je vivais avec une famille aimante, parfaite. Ma mère était femme au foyer et mon père travaillait dans un ranch prospère. J’ai un petit frère aussi, il a deux ans de moins que moi. Mes parents étaient de fervents croyants, on allait à la messe, on invitait le pasteur à la maison une fois par mois. Ma mère participait à tous les événements que l’église organisait. Ouais, ma famille était considérée comme étant un modèle.

Un ricanement m’échappe à ces mots.

- En réalité, à la maison, mon frère et moi vivions l’enfer. Dès que nous faisions quelque chose ou que nous jouions trop longtemps dehors ou alors une connerie du genre, nous étions punis. Ce n’étaient pas des petites punitions à la con du genre, privés de jeu vidéo, non, chez nous les punitions étaient plus sévères. Ça allait des coups portés avec un bâton de punition jusqu’à l’évanouissement, à l’enfermement dans la cave tout le week-end sans manger.

Les souvenirs de cet endroit plongé dans l’obscurité reviennent avec force mais j’essaye de les maîtriser pour ne pas me sentir submergé.

- Quoi qu’il en soit, mes parents étaient également famille d’accueil. J’ai vu défiler pas mal de gosses pendant quelques temps, ils les traitaient plutôt bien, contrairement à nous. Un jour, j’allais sur mes 8 ans, ils ont ramené une petite poupée blonde de 4 ans. Elle était absolument adorable, souriante. Un vrai rayon de soleil. J’ai… J’ai senti un élan protecteur m’envahir quand j’ai croisé ses beaux yeux bleus et qu’elle m'a offert un sourire éblouissant. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu droit à un moment de douceur. J’ai ensuite été saisi par l’effroi quand nos parents nous ont expliqué qu’ils avaient adopté Savannah. Elle allait rester dans cet enfer… alors, le soir même, mon frère et moi nous sommes promis de la protéger au mieux et c’est ce que nous avons fait. Si elle cassait quelque chose, Jordan et moi nous accusions à tour de rôle. Nous voulions juste lui éviter les punitions…

Je me racle la gorge pour poursuivre la partie la plus difficile de mon récit.

- Deux années sont passées et Savannah commençait à représenter tout pour moi. Elle pansait la douleur qui me rongeait de l’intérieur. Après chaque punition au bâton, mon père me posait sur mon lit puisque j’étais incapable de bouger ensuite. Dès qu’il quittait ma chambre, Savy venait m’y rejoindre. Elle mouillait un vêtement avec de l’eau froide et le passait sur les traces de coups pour m’apaiser en pleurant. Un lien solide s’est créé entre nous. Et puis un jour, j’avais tellement mal que je me suis levé en pleine nuit et j’ai quitté ma chambre pour descendre prendre des glaçons. Au moment où j’ai ouvert la porte de ma chambre, j’ai vu mon père quitter celle de Savy, il ne portait qu’un caleçon. À ce moment-là, je me suis dit qu’elle avait dû faire un cauchemar. J’ai attendu que mon père regagne sa chambre pour aller la rejoindre. Elle pleurait, en silence. C’est ce qui m'a le plus marqué mais… j’ai essayé de l’apaiser en m’allongeant à coté d’elle. Quand j’ai voulu la prendre dans mes bras elle s’est débattue furieusement pendant plusieurs minutes. J’ai eu beaucoup de mal à la calmer et je n’ai quitté sa chambre que quand elle s’est enfin endormie.

- Oh putain, s’exclame Connor qui a sûrement compris.

- Les années passaient et mon rayon se soleil s’éteignait un peu plus. Son sourire n’était plus éblouissant, son rire sonnait faux… Mon rayon de soleil n’était plus… Bref, quand j’ai eu 15 ans, elle en avait 12, j’ai commencé à me sentir attiré par elle, d’une manière différente. Elle excitait les hormones de l’ado que j’étais.  Comme je n’avais jamais eu de copine, je pensais que ça me travaillait alors j’ai commencé à fréquenter les filles de mon collège. Ça n’a rien changé, je bandais dès que je passais du temps avec elle, c’était frustrant, je me croyais bizarre. Quand elle a eu 15 ans à son tour, mes parents sont sortis un soir pour assister à une réunion de la congrégation. Ce soir là, j’ai cédé et je l’ai embrassée. Notre âge ne m’importait plus et ça a été le début de notre relation.

Le souvenir de ce premier baiser est une douce caresse sur mon âme.

- Je suis tombé fou amoureux d’elle, vraiment, je vivais pour elle. Elle était ma vie et elle l’est toujours. J’ai donc commencé à chercher des solutions sur l’ordinateur de la bibliothèque du lycée. J’ai appris qu’elle pouvait, à seize ans, faire une demande d’émancipation. J’ai téléchargé le document et je l’ai caché dans mon casier. J’ai également commencé à dealer, pour que nous ayons un peu d’argent le jour où on quitterait cet enfer afin de démarrer une nouvelle vie. Enfin, je prévoyais notre avenir même si c’était à court terme, je n’avais pas gagné beaucoup mais une fois qu’on serait partis, j’avais décidé de me trouver un petit boulot. Notre avenir me paraissait radieux loin de ces monstres et le sourire rayonnant de Savannah était de retour.

Mon cœur se serre pour la suite.

- Une après-midi, Savy et moi étions seuls à la maison, nous étions dans ma chambre, allongés sur mon lit et une caresse en entraînant une autre, les choses ont commencé à déraper. Nous allions enfin passer le cap, elle semblait prête et me l’a confirmé quand je le lui ai demandé. Nous nous sommes déshabillés et avons repris là où nous nous étions arrêtés mais… Au moment où je me suis allongé sur elle, elle a commencé à s’agiter, je pensais que c’était l’angoisse de la première fois alors j’ai essayé de la rassurer comme je le pouvais. Elle est devenue plus virulente en me criant, en me suppliant d’arrêter, de grosses larmes coulaient sur ses joues. Je me suis précipité hors du lit, j’étais perdu, je ne comprenais pas où j’avais pu merder et c’est là, entre deux sanglots qu’elle m'a révélé l’horreur qu’elle subissait. Elle m’a enfin parlé des visites nocturnes de mon… de mon géniteur ! Il la violait depuis ses 6 ans cet enculé ! Et je n’avais rien vu ! Rien bordel ! Sa chambre était à deux portes de la mienne et je n’avais rien vu !

Je pleure à nouveau… pour elle, pour le mal qui lui a été fait.

- J’étais sous le choc, et la colère a rapidement pris le pas sur mes émotions. J’ai récupéré mes vêtements et je les ai enfilés avant de sortir pour m’isoler. Je l’ai laissée là, comme ça, sans un mot et putain… je m’en voudrai toujours pour ça !  Je ne suis rentré qu’à 17h30, quelques minutes avant que mon géniteur ne rentre du travail. J’ai saisi son bâton de punition et lui suis tombé dessus dès qu’il a passé la porte. Je ne sais pas combien de fois j’ai abattu le bâton sur lui mais je ne me suis arrêté que quand le voile rouge a commencé à disparaître. J’ai réalisé ce que j’avais fait en voyant tout le sang sur son corps, effondré au sol. Ma mère hurlait. Savy pleurait. Jordan avait un petit rictus au coin des lèvres. La peur et la panique se sont emparées de moi, j’ai gardé le bâton et je suis monté à toute vitesse dans la chambre. J’ai mis quelques fringues dans mon sac d’école et j’ai récupéré les 400$ que j’avais cachés avant de quitter cette maison définitivement, sans un regard en arrière. J’étais persuadé qu’il était mort, que j’allais aller en prison alors j’ai fui. 

J’entends un de mes frères renifler mais je n’ai pas fini mon récit.

- Une petite pause est nécessaire, me dit Connor après s’être raclé la gorge.

Ouais, à voir ses yeux brillants et ses poings serrés, une pause ne fera pas de mal.






Savage's MC : SKULL ( Sous Contrat d'édition, Elsie Édition ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant