Chapitre 1

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    Bell n'en revenait pas. Son parrain venait de lui confier le traitement d'une des affaires les plus importantes  que leur Cabinet d'Avocats ait eu à gérer: l'affaire des Consorts victimes de destructions arbitraires et de violences contre la famille Di Rezzi.
   Lorsque Maître Monk lui avait remis le dossier entre les mains, elle avait tout fait pour résister à l'envie de sauter de joie.
   Collaboratrice de Maître Monk depuis bientôt trois ans, Bell ne s'était jamais vu confier le traitement de dossiers aussi délicats qui impliquaient des personnes connues comme les Di Rezzi, ni des intérêts si élevés.
   En effet, les Di Rezzi possédaient à travers le monde une chaine de supermarchés qui prospéraient à la vitesse des étoiles et pour construire leurs importantes structures, il arrivait parfois qu'ils s'en prennent à des personnes vulnérables en les obligeant à leur céder leurs terres.
Mais dans le cas qui lui était soumis, les Di Rezzi n'avaient pas hésité à détruire les habitations d'une dizaine de pauvres en vue de la réalisation de leurs projets.
   Les média n'en n'avaient pas beaucoup parlé curieusement. Il se disait même qu'ils avaient été achetés par les Di Rezzi pour se taire. Dans les Pays dits sous-développés comme le leur, il était fréquent que des investisseurs étrangers bénéficient de privilèges exorbitants allant même parfois à l'encontre de l'intérêt général, sous le regard passif des autorités.
   Quoi qu'il en soit, l'un des habitants de ces maisons détruites connaissait bien Maître Monk. Il l'avait aussitôt contacté pour que justice soit rendue.
Bell connaissait assez bien son parrain pour savoir qu'il avait beaucoup hésité avant d'accepter cette affaire. Il n'aimait pas les dossiers qui risquaient de le mettre aux prises avec l'État, car, à bien regarder, il y avait quelque de politique là-dessous. Mais il avait fini par accepter certainement parce qu'il était lié d'amitié à une des victimes.
Contrairement à lui, Bell était aux anges. Même en sachant que la défense ne sera pas facile, elle  se réjouissait d'avoir été choisie parmi les quatre autres collaborateurs de son parrain pour assurer le suivi de ce dossier.
-Faites de votre mieux; lui avait dit Maître Monk. Bien sûr, je suis là si vous avez besoin de mon éclairage sur certains aspects du dossier.
Elle s'était contentée d'hocher la tête.
Regardant sa montre, elle constata qu'il était presque dix-neuf heures. Le mardi , elle ne manquait pas son rendez-vous au Club Dancy situé à seulement quelques rues du Cabinet. C'était le club de danse le plus huppé de la ville de Poli. Il y avait des cours de danse de salon tous les jours et après les cours, il y avait une sorte de piste libre pendant laquelle un disc-jockey se faisait le plaisir de faire jouer plusieurs rythmes allant de la salsa, au rock'n'roll, en passant par le tango, la cha-cha-cha, la valse, et bien d'autres. Ainsi, plusieurs bons danseurs se présentaient généralement vers vingt heures, à la fin des cours, pour profiter de la piste libre.
   Bell était inscrite dans ce club depuis presque deux  mois pour l'apprentissage de toutes les danses de salon.
Elle rangea rapidement ses papiers devant l'œil atone de sa collègue Anne avec qui elle partageait le bureau. Cette dernière savait parfaitement où elle se rendait généralement le mardi.
-A demain Anna; lui lança Bell avant de s'éclipser.
Et sa collègue de marmonner un au revoir.

  Bell ne mit pas plus de quinze minutes pour rejoindre son club de danse. Plusieurs "partenaires" -comme ils aimaient bien s'appeler- étaient présents. Certains se changeaient encore, car la plupart d'entre eux n'avaient pas le temps de rentrer chez eux se changer avant de rejoindre le club.
   C'était carrément impossible d'être à l'aise avec des talons hauts, des robes ou des jupes serrées pour les femmes, et avec des costumes près le corps pour les hommes. Généralement, les femmes aimaient se changer et arborer des tenues au bas évasé avec des chaussures basses et confortables tandis que les hommes, moins scrupuleux quand même, préféraient des jeans et des tennis.
   Pour cette soirée, Bell n'avait pas prévu se changer. Le matin elle avait enfilé une belle robe rose fleurie évasée et pas très courte pour rester professionnelle. C'est avec cette même robe qu'elle allait suivre son cours de danse. Cependant, elle avait prévu une paire de ballerines noires pour remplacer ses talons roses.
   A sa montre, il était déjà dix-neuf heures dix minutes. Elle se dirigea vers les casiers, changea rapidement de chaussures et rangea son sac près de dizaines d'autres avant de rejoindre le groupe. Certains étaient assis sur les longues chaises qui longeaient le mur marbré, tandis que d'autres esquissaient des pas.au rythme de musiques imaginaires.
Bell aperçu Dan, un chef d'entreprise qui avait commencé les cours la semaine d'avant. Il était très sympathique.  Ils avaient dansé en couple la mardi passé et s'étaient bien amusés. Il était légèrement plus court qu'elle, le crâne rasé, une peau d'un noir gris et des yeux de tigre, bref, un vrai homme d'affaires. Ce soir, il avait une simple chemise déboutonnée au col et un Jean bleu assorti de tennis blanches. Elle admira sa classe.
  -Salut Bell; dit-il chaleureusement. Comment était la journée?
  -Oh, la routine; répondit-elle en lui rendant son sourire. Toujours plein de "malfrats" à défendre.
Ils éclatèrent de rire. En fait, Dan lui avait dit qu'il n'avait pas une haute opinion des Avocats, toujours prêts à défendre des "malfrats" au détriment des victimes. Ce qui avait beaucoup fait rire Bell. Avant lui, elle  ne s'était vraiment rapproché de personne dans ce groupe. Elle se contentait de suivre son cours, d'apprendre bien ses pas, de transpirer suffisamment et puis de rentrer chez elle.
Aujourd'hui, selon leur maestro, ils allaient apprendre à danser le tango. Elle sourit à cette annonce.C'était une danse qui l'avait toujours fascinée et elle rêvait souvent de danser avec un bel inconnu, rencontré tout à fait par hasard...bref, cela l'enchantait.
Ils formèrent des rangs et elle se retrouva au bout de la dernière rangée, à quelques pas de la porte.

   Le maestro commença par expliquer les origines de la danse ainsi que les différents pas qui la constituent. Soudain, la porte s'ouvrit près d'elle et  elle tourna instinctivement la tête.

Je plaide coupable !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant