Chapitre 4

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   Bell n'en revenait pas. Comment pouvait-on être sans coeur à ce point? Elle releva le nez du dossier Di Rezzi qu'elle venait de parcourir et secoua la tête. Mettre à la rue une dizaine se famille juste pour se faire de l'argent ? Ne pouvaient-ils pas aller chercher un espace désert pour entamer leurs constructions ? Pourquoi s'en prendre à des innocents ?
  Le dossier était constitué des copies des  autorisations obtenues par les Di Rezzi, les dépositions des familles victimes et quelques photos du site. Bell devait faire une étude approfondie du cas et faire des propositions à son parrain Maître Monk. Elle y passa la journée et le soir venu, elle le rejoint dans son bureau.
 
  -Alors, que pensez-vous de ce dossier ? Lui demanda-t-il sans ambages, couché sur le dossier de son siège.
  -Eh bien, dans un premier temps, j'ai pensé que nous pouvions attaquer les autorisations administratives pour que les victimes puissent récupérer leurs terres; commença-t-elle. Mais je me dis que cela pourrait constituer une perte de temps. Cela ne va pas aider les victimes dans l'immédiat. Ce n'est pas ce dont elles ont besoin maintenant. Donc, je pense qu'on devrait tenter de renégocier les montants des dédommagements que la famille Di Rezzi avait proposés.
  Maître Monk réfléchit pendant quelques secondes.
  -Les autorisations  peuvent-elles être annulées ?
  -Je pense que nous pouvons trouver des éléments pour faire annuler ces autorisations...
   -Vous pensez seulement ou vous en avez quelques uns?
   -Il est vrai que je ne suis pas entré en profondeur dans la recherche. Je me suis focalisée sur ce qu'il fallait faire pour aider les victimes dans l'immédiat.
  -Non, non! Fit Maitre Monk visiblement mécontent en secouant la tête. D'habitude vous ne travaillez pas comme ça. Vous savez qu'il ne faut rien négliger, aucun détail. Nous ne savons pas ce que l'annulation de ces autorisations peut avoir comme impact dans la vie de ces familles.
  Bell se faisait toute petite.
  -Je vous ai confié ce dossier parce que je sais comment vous travaillez. J'attends mieux que ça!
  -Bien sûr Maître; réussit elle à placer. Avec plus de temps, je trouverai certainement quelque chose dans ce sens.
  -Eh bien, ce genre de dossier ne peut pas attendre! Les Di Rezzi ont déjà commencé à construire leur base vie. Vous le savez au moins?
   -Oui, je me suis renseignée là dessus.
  -Et vous savez que nous pouvons paralyser ces travaux par une action en justice, une procédure en arrêt des travaux par exemple.
  -Oui...
  -Et pour cela, de quoi avons-nous besoin?
  Bell n'avait pas besoin de réfléchir.
  -Il nous faut la preuve d'une action au fond...
   -Voilà!! Fit-il en levant les mains au ciel.
  Un silence se fit, contrariant.
  -Je vous repose la question. Qu'est-ce que nous devons faire à votre avis?
  Bell se racla la gorge. Elle n'aimait pas être reprise pour des choses aussi banales. Mais qu'est-ce qui lui arrivait ? Elle avait passé la journée à lutter contre sa mémoire pour mettre de côté ses pensées sur la veille. Mais, elle avait quand même réussi à être distraite au point de faire un piètre rapport à son parrain. Elle ne travaillait pas de cette manière d'habitude; il avait raison.
  -Je pense que nous devons engager trois actions: deux actions administratives pour paralyser les autorisations et solliciter le sursis à exécution puisqu'il s'agit d'actes administratifs et une action civile en dommages-intérêts.
  Maître Monk semblait apprécier.
  -Cependant, pour le dédommagement,je pense qu'il faudra d'abord chercher à négocier.
  -Vous avez vu les propositions que la famille Di Rezzi a faites aux victimes avant les démolitions?
  -Tout à fait. Elles me semblent parfaitement insignifiantes. On devrait les tripler.
   -Non, pas comme ça. Ne faites jamais ce genre de choses sans l'avis de vos clients. Vous allez préparer des lettres pour chacune des victimes pour leur proposer nos démarches et leur demander le montant qui les arrange. En fonction de cela, nous allons faire une lettre aux Di Rezzi. Par ailleurs, cela ne nous empêche pas d'initier rapidement un projet de recours gracieux contre ces autorisations.
  Belle hocha la tête, entièrement d'accord.
  -Préparez les lettres individuelles. Je m'occupe du recours. Allez-y.
  Il avait ainsi conclu la rencontre. Belle se leva promptement sans demander son reste. Ouf! Elle avait eu chaud. Elle s'était laissée distraire. Il fallait vraiment qu'elle se reprenne. La nuit tombait déjà. Elle s'occuperait de toutes ces lettres le lendemain.

    Ce qu'elle fit de bonne humeur. En rédigeant ces lettres, elle sentait en elle à la fois un sentiment de pitié pour ces familles et de la colère vis-à-vis des Di Rezzi. Elle soumit les esquisses à son parrain qui les valida aussitôt et lui ordonna de les remettre à la secrétaire pour formalisation. Pour le dépôt de ces courriers, il avait souhaité que ce soit Bell elle-même qui remette ces lettres en mains propres aux familles en leur expliquant la situation de vive voix.
 
    Après les destructions, les victimes s'étaient dispersées dans la ville. Heureusement, au moment de contacter Maître Monk, une liste de toutes les victimes et de leurs contacts  avait été dressée. Elle allait devoir les appeler une à une pour leur parler. Son parrain lui avait donné jusqu'à vendredi pour le faire.

  Elle s'y attela, expliquant aux victimes que le processus allaient être très long, mais que dans l'immédiat il leur fallait négocier avec les Di Rezzi. Surtout, elle avait insisté sur le fait que lundi au plus tard, toutes les revendications devaient parvenir au Cabinet qui devait ensuite se charger de contacter les Di Rezzi pour les négociations.

  De son côté, Damian passa une triste soirée le jeudi. Il s'était rendu au club Dancy dans l'espoir de retrouver Bell. Mais pour une raison qu'il ignorait, elle n'était pas venue. Et dire qu'il était arrivé avant dix-neuf heures et reparti à plus de vingt deux heures. Il se sentait mal. Cette nuit là, une fois rentré, il avait trouvé sa soeur dans le salon, sirotant un verre de vin devant une émission télé. Elle avait tout de suite remarqué sa mine déconfite et avait essayé de lui tirer les vers du nez, mais il était resté très évasif, prétextant un problème à son Cabinet.  Et puis,  ils avaient changé de sujet. Mais dans son for intérieur, il se demandait s'il reverrait Bell un jour.

Je plaide coupable !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant