Mission échouée [Édité]

Prologue

La clochette tinte, indiquant mon entrée. L'odeur de café, mélangée à celle des donuts, me parvient sans éveiller mon appétit. Depuis quelques années, je fréquente cet établissement et n'ai pas besoin d'étudier les lieux avant de m'installer. Chaque sortie et cachette est mémorisée, ainsi que les différentes armes potentielles. Un instinct tatoué dans mon ADN.

En prenant place sur l'une des vieilles banquettes brunes, presque usées jusqu'à la mousse, la fidèle serveuse me sert mon café comme je l'aime. Le temps avance et April n'est toujours pas présente. Certes, elle est souvent en retard, bien qu'elle sache que la ponctualité est importante pour moi et qu'une minute peut m'agacer.

La demoiselle fait enfin son entrée. Ses longs cheveux blonds sont complètement trempés. Elle les torsade pour les égoutter, puis les attache en chignon à l'aide d'une grosse pince.

— Désolée, s'excuse-t-elle en reprenant sa respiration.

— J'ai l'habitude, la taquiné-je.

Après un regard azur perçant dans ma direction, elle me tire la langue comme une enfant, enlève sa veste et prend place en face de moi. Elle annonce sa commande à la serveuse, venue l'accueillir avec un chaleureux sourire. Une chose est sûre : ici, nous sommes grillés.

Dès que nous sommes seuls, elle extrait de son sac à main un gros dossier. Une légère excitation m'envahit, mon rythme cardiaque s'accélère de quelques battements par minutes.

C'est maintenant que les choses sérieuses commencent.

April ouvre son porte-document et en sort différents papiers qu'elle me présente tour à tour.

— Alors, mon beau brun, voici tes nouveaux passeports, la réservation de l'hôtel, les cartes de crédit, la grise pour le perso, la dorée pour la mission, des francs suisses, billets et monnaies, ainsi que quelques fausses cartes pour rester crédible si tu te fais contrôler ou fouiller. Le reste des informations suivra par e-mail. Ton avion décolle demain, voici le billet.

— Merci, April. Tu assures.

— Je sais, je sais. L'addition est pour toi, ajoute-t-elle en regardant derrière moi, un sourire angélique étirant ses lèvres.

Un soupir sort de ma gorge, alors que la serveuse m'apporte un deuxième café, un thé pour April et un gros cookie. Elle a entendu les paroles de ma collègue, elle dépose le ticket devant moi. Je sors mon porte-monnaie pour régler.

— Merci, mon chou.

— Comme si tu me laissais le choix, grogné-je. Tu serais capable de pirater mon compte pour te faire virer le montant.

— Du tout, voyons, répond-elle avec innocence.

Je la regarde en plissant les yeux, sensible à son sarcasme, et bois une gorgée de café. « Innocence » est trop faible pour décrire l'aura qu'elle dégage au premier abord, mais c'est aussi son plus grand atout. Derrière son physique digne des plus grands mannequins de la planète se cache une dangereuse hackeuse qu'il vaut mieux avoir de son côté.

— Sois prudent, tu sais que ça m'embêterait de récupérer tes comptes.

— Tant de gentillesse et de prévoyance, merci, je suis touché.

— Promets-le, m'ordonne-t-elle, le regard plongé dans le mien.

— Je te le promets, confirmé-je avec sérieux.

Ma sœur de cœur, ma petite sauvage. Elle sait très bien que c'est la seule promesse que je ne peux pas tenir, mais à chaque fois, elle me le demande quand même. D'après elle, ça m'a toujours porté chance, bien que je n'y aie jamais cru. Il faut être fou pour parier sur la chance.

Arrivé chez moi, je prends place dans le canapé et sors le billet. Savoir où je vais atterrir peut être une bonne idée.

Genève, en Suisse.

Voilà un terrain que je n'ai jamais exploré. Un petit pays perdu au milieu de l'Europe, mais qui ne fait pas partie de l'Union Européenne. Ironique.

Que la partie commence.