Chapitre un

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West Side était comme un mythe. Dans notre Amérique actuelle, avec la criminalité et la corruption qui montaient de jour en jour, les prisons débordaient. Le gouvernement créa deux villes où habiteraient désormais tous les criminels : East Side, dans l'est des États-Unis, et West Side, dans l'ouest. Située près de San Francisco, West Side était protégée par des clôtures électriques, des gardes étaient postés à ses frontières 24 heures sur 24. Personne n'y entrait ni y sortait sans y avoir été convié.

Et on venait de nous donner notre accès.

Je devrais être terrifiée, je devrais pleurer sous le choc et crier de ne pas nous envoyer dans cet enfer. Mais j'en étais incapable. C'était comme si mon corps avait été mis sur pause. Je n'étais pas capable de ressentir aucune émotion.

Et je savais que ça rendait mon frère fou.

Lui tournait en rond, arpentait la pièce comme un animal en cage. Il passa une main dans ses cheveux désordonnés, me regarda, baissa les yeux, puis continua à tourner en rond.

—Tu me donnes la nausée, grognai-je soudainement.

C'était la première phrase que je disais depuis le départ des policiers, qui nous avaient donné trois jours avant notre départ. Trois simples petits jours. J'étais assise sur un des sofas de notre salon, les coudes contre les genoux. Je passai une main sur mon visage.

Théo arrêta de bouger et me regarda comme si une antenne m'avait poussé sur la tête. Il se mit à rire, fortement. J'eus l'impression d'avoir lancé la blague la plus drôle de l'univers.

—C'est quoi ton problème ? dis-je, légèrement irritée.

—C'est toi mon problème ! rétorqua-t-il tandis que je haussai un sourcil, guère impressionnée.

J'en avais entendu des plus impressionnantes.

—Tu devrais me crier dessus, hurler, pleurer, taper du pied comme toutes les gamines de ton âge. Pas me... me regarder comme ça !

—Je te regarde comment ? demandai-je.

J'avais une idée, mais je voulais savoir comment il me percevait.

—Sans émotion, déclara-t-il en fronçant ses sourcils. Tu sembles... je ne te reconnais plus !

Je roulai mes yeux, et il semblait déjà plus content.

—Voilà, réagis ! Fais quelque chose !

—Tu préfèrerais que je te crie dessus ? Que je hurle que je te déteste ? Que tu as gâché nos vies ?

Je le vis blêmir, mais il hocha tout de même la tête.

—Oui, dit-il platement, mais je ne le crus pas.

Je savais que d'une manière, il était soulagé que je ne fasse aucune de ses réactions, même si mon manque d'émotions l'inquiétait. Il avait peut-être peur que je me mette à tout sortir d'un coup, comme une tornade qui ravage tout sur son passage.

—Écoute, ça craint. C'est sûr, c'est de la putain de merde. Mais même si je te crie dessus, ça ne changera rien, non ?

—En effet. Mais au moins, je saurai comment tu te sens.

Comment je me sentais. C'était une réalité que je ne savais pas comment aborder. Comment expliquer ce que je ressentais quand moi-même je ne trouvais pas les mots ?

—Je ne sais pas comment l'exprimer correctement, murmurai-je en baissant le regard sur mon jean.

Théo s'approcha de moi et vint s'asseoir à mon côté sur le grand sofa de notre appartement.

West Side [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant