FRAGMENT 7

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J'ai le sentiment que tu ne me regardes plus.
Regarde-moi.

Yoongi est perché, si haut dans le ciel. En réalité, il n'est monté que sur une chaise, mais il imagine qu'il est à des kilomètres de hauteur. Il voit la maison comme il ne l'a jamais vue, ou pas depuis tant de temps. Là, comme ça, tout prend sens. Avec un tel recul, tout lui apparaît sensé. La cuisine ouverte sur le salon, le piano sur lequel il a joué des heures et des heures, la porte de la chambre dans laquelle ils se sont aimés se l'ont dits se sont désirés, le canapé duquel ils ont admiré la lumière du soleil jouant avec le parquet, ce parquet sur lequel ils étaient assis le premier soir. Tout s'assemble, tout est si beau.

C'était quand ils regardaient dans le présent. Maintenant, Yoongi ne fait que les observer au passé. Et Namjoon est toujours focalisé sur le futur. Comment pourraient-ils se retrouver?

En ouvrant une porte ; Namjoon se retrouve né à né avec cet enfant, là, sur une chaise, les yeux émerveillés. Il sort de son bureau, pièce emplie de formules et d'angoisse, et le voit, lui, qui anime son cœur et efface toute banalité, toutes règles, toute réalité. Des étoiles scintillantes dans les pupilles, ils s'admirent. Yoongi manque de trébucher quand Namjoon lui sourit tendrement.

- Que regardais-tu?

- Nous.

La lumière les traverse, un rayon de soleil irréel, semblable aux tout premiers.

- C'était beau, ajoute Yoongi.

- Ça ne l'est plus?

Il ne répond pas. Personne ne répond, pas même la lumière. Mais là où Namjoon, exténué, pourrait s'énerver, lui demander pourquoi il ne sourit jamais, ou retourner dans son bureau sans rien dire, il se rapproche de lui. Un sourire doux, bien qu'un peu amer occupe ses lèvres, envahit son visage. De la malice s'y installe, et Yoongi l'observe, fronçant légèrement les sourcils.

Puis, soudainement, Namjoon l'attrape par les jambes, enlace son bassin qui se retrouve au niveau de ses épaules. Il le porte comme un sac, et tourne sur lui-même. Yoongi crie, en riant.

- Arrête ça! Arrête!!

Les rires s'intensifient, et Namjoon tourne, plus vite et plus inconsciemment. Ils sont deux à retourner dans le passé, à n'être plus que des enfants, ensemble. Puis Namjoon trébuche sur un pli de tapis, un instant la peur s'installe en eux. Dehors, c'est le crépuscule. Ils s'effondrent en même temps que le soleil.

Yoongi a chuté sur Namjoon, qui s'est légèrement blessé au poignet. Ses lentilles indiquent l'importance de la douleur, mais il les ignore. Yoongi est là, avec ses yeux de satin, accompagnant la lumière du crépuscule.

- J'ai mal. dit-il en montrant son poignet, un rire toujours logé dans le fond de la gorge.

- Bien fait pour toi.

Et là, sur le tapis, contre le canapé, ils s'embrassent. Se délivrant, le plus sincèrement possible. Yoongi sourit plus qu'il n'a l'habitude de le faire. Namjoon est plus délicat. Et tout est beau, tout est doux, tout est comme ce crépuscule pur, au loin, qui s'éteint déjà. Leurs mains se lient puis se délient, pour se plonger dans les frissons colorés de leur peau. Leur langue s'assemble, Yoongi passe sa main sous le caleçon de Namjoon.

Tout est comme avant.

- Non. Je n'ai pas le temps. dit soudainement Namjoon.

Il se relève, laissant Yoongi seul sur le sol.

- Désolé. Il faut que je travaille sur les lentilles. Je suis en retard. Je ne peux en prendre encore plus.

- Va...

- Désolé.

- Ce n'est rien.

Yoongi ne sourit plus. Namjoon s'éloigne. Yoongi observe le soleil s'effacer, l'horizon devenir noir. Il se relève lentement, allume les lumières du salon, puis se rassoit au sol, un livre dans les mains. Il le feuillète, ne parvient pas à se concentrer. Il se force à lire quelques phrases, jusqu'à ce qu'une goutte s'effondre sur l'une d'entre elles, perturbe les mots. Yoongi pleure. De frustration, et de douleur. Et Namjoon n'est pas là pour le voir.

Regarde-Moi - NamgiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant