PULL THE TRIGGER

5.

Comme d'habitude, la ville est déserte. Elle l'est à 10h00 du matin comme à 11h00 du soir. Les trottoirs sont jonchés de flaques, crées par les trombes de pluie tombées dans la journée et l'air sent le bitume humide. Un vent froid et sec d'automne balaye les quelques feuilles mortes qui parsèment le sol noir et secoue nos cheveux en glaçant nos os. Je regrette de ne pas avoir mis autre chose que mon pull noir trop fin pour ce temps. Je jette un regard à Luke, les mains dans les poches, ses boucles dérangés par le vent.

-Luke ?

-Hm ? il fait en se tournant vers moi.

-Quand tu disais que tu voulais prendre un rail de coke tout à l'heure, ça veut dire que t'en as déjà pris je suppose ?

Luke hausse les épaules comme si c'était une question à la banalité affligeante et regarde devant lui.

-Ben ouais.

-Et t'aimes ça ?

Le châtain doit entendre le ton presque accusateur de ma question puisque de nouveau, il tourne la tête vers moi.

-Tu m'accuses là ? il sourit en se pointant du doigt.

Je secoue la tête.

-Je t'accuses de rien du tout, tu fais ce que tu veux. C'est juste que je comprends pas comment tu peux toucher à ce genre de choses quand ce sont celles qui ont bousillé des vies, c'est tout.

-T'as déjà essayé de prendre de la drogue ?

J'arque un sourcil. Il pense réellement que j'ai déjà pris de la coke ou de l'héroïne ? Je laisse planer quelques secondes de silence puis je prends la parole:

-Je sais pas Luke. Dis-moi toi, je fais à voix basse en le fixant. J'ai une tête de quelqu'un qui se défonce ?

Il hausse les épaules.

-« Se défonce », il fait en reprenant mes mots. Tout de suite les grands mots, n'abuse pas non plus. Tu sais Tom, quand j'ai pris mon premier rail, j'étais effrayé. Mais je crevais d'envie d'essayer. Je voulais savoir ce qu'on ressentait. Pourquoi les gens continuent de prendre de la drogue à ton avis ?

-Parce qu...

-Parce qu'ils aiment ça ! il me coupe. Parce que ça fait du bien, parce qu'ils aiment la sensation de se sentir heureux et léger.

Je secoue la tête.

-Si les gens continuent de prendre de la drogue Luke, c'est parce qu'ils sont accros. Parce que ce sont des putains de toxico drogués qui sont incapables d'affronter la réalité sans de l'ecstasy ou des méthamphétamines.

Je repense à ma mère. A toutes ces après-midis où elle était affalée dans le canapé. Incapable de faire à manger à son enfant de 11 ans, incapable de lui faire des cadeaux de Noël, incapable de lui souhaiter son anniversaire parce que dans son cerveau bouffé par la drogue, le 19 Novembre était un jour comme les autres, incapable de venir le chercher à l'école, l'obligeant à faire, tous les matins et les soirs les 4 kilomètres à pied qui séparaient la maison de l'établissement.

« - Maman, tu veux bien m'emmener au parc s'il te plaît ? je demande.

Elle soupire comme si m'avoir à sa charge était digne d'une punition donnée par Satan.

-Tu me fais chier Tom. T'as qu'à y aller tout seul.

-Mais Maman, le parc est à une demi-heure en voiture, je proteste mollement, sachant déjà au fond de moi que ce Dimanche encore, je sortirais pas de la maison.

-Si tu veux pas y aller tout seul c'est que t'en as pas réellement envie alors, elle réplique. »

C'était sa grande phrase ça. " Si tu veux pas le faire ou y aller tout seul, c'est que t'en as pas vraiment envie."