Le jour de ma mort

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Je me souviens d'une maison décorée par des citrouilles et des chauves-souris en papier. Les toiles d'araignée en plastique recouvraient les fenêtres et la façade. Et le surlendemain, les fausses toiles d'araignée ont laissé place aux guirlandes de Noël, illuminées de toutes les couleurs. J'ai pu assister à ce changement de fête, mais pas comme je l'aurai voulu. Je passais tranquillement devant les maisons illuminées par les lueurs des bougies logées dans les citrouilles, et je tourna dans une ruelle sombre et mal éclairée par le seul lampadaire à la lumière vacillante. Un homme sorti de l'ombre, sweat bleu marine, capuche sur la tête, visage caché. Il pointait un revolver sur moi. Il tremblait. Il hésitait. Puis il tira. Je m'effondrai. Il se pencha au dessus de moi pendant que mon sang se répandait sur le bitume crasseux. Un homme au crâne dégarni sorti sur son petit balcon en métal derrière l'immeuble. De là où j'étais, je pouvais voir son caleçon blanc rayé bleu, un bleu pastel et terne, qui cachait mal ses parties intimes mal nettoyées et plus poilues que Chewbacca. L'homme ouvrit la bouche et commença à beugler des insultes, tout en postillonnant sur son marcel marron de crasse et de sueur. Il se tut quand la structure en métal sur laquelle il s'appuyait grinça. Il s'écarta un peu, trop tard. Son "bide-à-bières" eut raison des attaches rouillées du balcon, et mon tueur fut écrasé par un gros beauf sur un balcon en métal.



Quelques jours après ma mort, j'attendais sur un banc, aux côtés de l'homme qui a provoqué ma mort. Puis un vieil homme apparut au loin. Sa longue barbe blanche s'arrêtait au niveau de ses genoux et ses cheveux tout aussi blancs s'arrêtaient au même niveau. Sa grande robe blanche brillait de son éclat. Elle était plus blanche que la chevelure et la barbe de l'homme qui les portaient. Puis je remarquai que le vieux en robe était pieds nus.
-Ca vous fait pas mal aux pieds à force de marcher sans chaussures ? Interrogeais-je.
-Ca vous fait pas mal à la tête de glandouiller 24 heures sur 24 ?

Je bondis sur mes pieds, en colère. Il leva la main en signe d'excuse. Je me calma et me rassis, le fusillant du regard. Il passa ses mains dans son dos et sortit un parchemin accroché à sa ceinture, que je n'avais pas remarqué tant il avait de cheveux. Il ne prit pas la peine de se présenter. Il nous dit seulement :
-Vous allez être juger par des entités célestes pour décider de la destination de votre âme. En attendant votre jugement, vous avez la possibilité de vous balader sur la Terre en tant que Spectre. Vous serez invisibles aux yeux des hommes, mais toute interaction avec un quelconque objet réel aura un impact sur les humains. Faites attention à vos actes quand vous serez en bas.

Et le vieux parti, nous laissant avec toutes nos questions en tête sans prendre la peine d'y répondre. Mon regard dériva vers l'homme assis à côté de moi. Pour la première fois, je pouvais détailler son visage. Il était jeune, les yeux verts, les cheveux noirs et courts, la peau pâle, les traits fins. Il était beau. C'est dommage qu'il mourut si jeune. Quant à moi, je me levais du banc et mes pieds touchèrent le sol. Il était chaud, doux, agréable, et un peu cotonneux. Je me penchais et en pris une poignée. C'était des nuages. J'étais sur un sol de nuages, putain ! Où était ma licorne et mon chat-gâteau qui chie des arc-en-ciel ? Je n'en ai pas eu droit. Tant pis. Mon meurtrier se leva aussi du banc sur lequel il était resté assis. Pour me venger de mon crime, je pris une boule de nuage et la lui lança en plein visage, tout sourire, en hurlant :
-VENGEAAAAAAANCE !!!

Il me regarda avec une haine profonde, puis me lança à son tour une boule de nuage en pleine face. C'était chaud, agréable, doux. Sans m'en rendre compte, je mangea un bout de nuage. Ca avait un goût sucré. Moi qui détestait le sucre, j'ai adoré manger du nuage. J'en prenais une nouvelle poignée et visa la bouche de mon adversaire. On continuait à se lancer mutuellement des boules de coton sucré, comme deux enfants en hiver. Quand nous fûmes exténués, nous décidâmes de retourner sur Terre. Sur le chemin, on parlait de nos vies d'avant. J'étais un jeune avocat de 23 ans, je vivais dans une petite maison chaleureuse. Je n'avais ni femme, ni enfant, et je ne m'en plaignais pas. Ma seule famille était ma grande soeur de 27 ans, qui était partie vivre au Canada il y a des années avant ma mort, pour ses études d'arts. Lui était à la rue, sans emploi, issu d'une famille pauvre. Il avait 3 frères et 2 soeurs. Ses 2 grands frères dealaient toutes sortes de drogues, pour survivre quant on vient du ghetto. Ses 2 soeurs se prostituaient pour gagner leur vie et sortir de leur misère, sans vraiment y réussir. Son dernier frère, le cadet, vivait sous la tutelle du jeune homme. Leur mère était morte sous les coups de leur père, qui les avaient chassés du domicile quelques jours seulement après l'enterrement. Mon meurtrier avait 19 ans. C'était jeune pour mourir. Quant à son petit frère, il en avait 14. Ensuite vint l'heure des séparations. Étant encore très attachés à nos habitudes de mortels, on retourna chacun chez nous pour dormir, malgré notre condition de fantômes, qui nous permet de dormir où bon nous semble, voire même de ne pas dormir du tout, étant donné que nous sommes morts.

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