10

8 5 0
                                    

Je me préparai pour un périple ardu et sans fin. L'idée de ce voyage paraissait abstraite et revêche ou encore saugrenu mais je me résignais à cet idée, je décidai de ne plus me retourner et d'avancer tout droit. Je m'attelai à la pêche, essayant d'attraper le plus de poissons possible. J'avais réussi à en pêcher un paquet, je me les empiffrais, finissant tous sans exception dans mon estomac. Une partie sera utilisée et stockée en provision. Je me gavais de poissons, j'engloutissais inlassablement, gloutonnement sans prendre aucun plaisir à  les avaler vite fait jusqu'à ce que mon ventre soit surchargé de vivre. Cela m'écœurait pesamment d'ingurgiter avec excès et avidité de la nourriture, seulement je me résolais à le faire, sous la pression de cet idée qui envahissait ma petite tête, j'eus presque l'envie de régurgiter brutalement tout ce que j'avais avalé. Une fois la tâche accomplie et mon désir vorace calmé, je me mis à marcher conséquemment lourdement et lentement. Il fallait digérer un peu. Maintenant j'allais commencer mon périple, je sentais que la route allait être très longue. Enfin j'étais prête, je pouvais commencer. Je pris une grande inspiration et partis pour un grand voyage. Voilà déjà quelques bons temps que j'avançai, longeant le large. Je ne savais pas vraiment où j'avançais, aller nulle part comme ça, c'était stupide je l'avouais... Je ne possédais aucun repère, j'essayais de m'approcher le point le plus au nord. Bien sûr, où est le nord ? En même temps, traverser directement la mer était impossible, on m'avait raconté que la distance fût très loin, au risque aussi de se faire dévorer par un orque, se noyer ou autres, bref c'était du pure folie, en dépit de ce périple déjà fou. Cela s'annonçait mal, je n'avais aucun repérage. On m'avait dit que pour traverser ces océans, il fallait longer le point le plus au nord afin que cela soit plus rapide et plus efficace, on m'avait également dit que les ennemis ne rôdaient peu par là et que c'était le seul moyen d'accéder. Je cessai de continuer mon chemin, exaspérée par le fait de ne pas savoir se diriger où. Je grommelai, exacerbant mon agacement, aiguisant mon mal. Je levai les yeux dans le ciel, égarée. Le soleil brillait ardemment, il m'éblouissait et m'ébranlait. Je le fixais  d'un air vide. Cela me rappelait ce jour-là... Une belle journée qui avait tristement sombré en un dénouement tragique. Quelques souvenirs ressortèrent, me laissant indifférente.  Je continuai d'observer scruteusement le soleil ardent qui me vivifiait légèrement, jusqu'à que je trouve une idée. Et pourquoi pas suivre le soleil ? Peut-être qu'il pourrait me guider vers le nord, ou potentiellement quelque part d'autre. J'en en avais pas trop la certitude qu'il pourrait me mener à la destination dont je désirais. Bien que mon instinct me poussait à y aller. Cet instinct trompeuse qui m'avait tant joué des tours. Je ne pris pas la peine de réfléchir rien qu'un instant, je me laissais aller où on m'emmenait, je n'avais pas d'autres choix, je suivis donc le soleil surélevé dans le ciel. J'avançais tout droit, durant des heures, le trajet me semblait à moi durer des jours entiers.

La nuit venait, le ciel était plongé dans le pénombre, le soleil se couchait, bientôt vint le crépuscule. Je décidai d'arrêter et de me reposer. Bientôt la nuit atteindra sa totale obscurité, il serait préférable de continuer demain. Je me réfugiais sous une cavité de glace sculptée en arc-de-cercle. J'espérais qu'aucune âme ne sévissait ici, ou nulle part à proximité d'ici, je redoutais particulièrement les ennemis. S'ils venaient à moi, la seule solution sera de prendre la fuite, il n'y aura pas trente-six milles alternatives. Je clos mes paupières, afin de me reposer en tombant dans le sommeil, néanmoins une tension saccadée me retint que j'en devins moite. Je sommeillais à moitié dans la crainte de voir un ennemi surgir. Angoissée, tout à coup, j'entendis le son d'un grognement. Non... Impossible me disais-je ! Je me répétai maintes fois de me calmer. C'était juste du pur imagination, une hallucination, vraisemblable me semblait-il, j'étais anxieuse, paniqué, ce n'était que l'œuvre de mon esprit perturbé, enfin je croyais. Le grognement se fit plus vif. Là, là... Je compris que ce n'était d'autre qu'un grognement d'une réalité absolue. Et ce grognement, familier... Je l'avais déjà entendu quelque part... Une masse de frisson me parcourait, aussitôt je soubresautai, et me mis sur la défensive. Une ombre géante se rapprocha de moi, je ne pus analyser quel genre d'ennemi était-ce à cause de l'obscurité. Je reculai. Soudain, l'ombre s'assaillit brusquement sur moi, j'évitai de grâce et pris la poudre d'escampette. Je couris de toutes mes forces vers un endroit inconnu, l'ennemi me pourchassait, il était incroyablement rapide ! Dans l'ombrage de la nuit, distinguer dans le lointain fût une tâche complexe. L'ennemi se rapprocha à un grand pas. Je fus de plus en plus lente, je me fatiguai vite. Ma lourde panse emplit de ressources ne me facilitait pas la tâche, au contraire il me compliquait et me ralentissait immensément ! Je me retrouvais dans une position critique. J'avais le diable à mes trousses, s'il me rattrapait, c'en est terminé de moi, bien que je ne sais quelle sorte de diable c'était. Je m'efforçais de presser le pas, je sentais sa présence s'approcher de plus en plus bel. Je distinguais sa respiration rauque qui m'accablait. Je me retournais, affolée de temps à autre pour ne pas le perdre de vue, malgré la sombreur de la nuit. Dès qu'il était distancé de deux à un pas de moi, s'apprêtant à bondir, je dérivai ma course et esquiva son attaque. L'ennemi échoua dans sa charge, furieux, il redoubla de vitesse. Je me retournais à ce moment-là, mais sans voir devant, soudainement, je trébuchai sur un rocher et tombai en bas, dans la mer, les blocs de glaces empilés flottant à la surface de l'eau amortissaient le choc de la chute. Durant ma chute, je roulai telle une pierre en glace qu'on lancerait d'une manière rude. Du même coup, je me cognais contre le paroi, de ce que je déduisais d'une falaise escarpée. Heureusement et soulagement, je n'avais rien, sinon je pourrais dire "Adieu" à ce voyage qui commence à peine et mal, et aussi à ma vie. Je me relevai difficilement, la vision floue, et des douleurs partout sur le corps, ainsi qu'un mal de tête fracassant. Le choc m'avait entraîné dans un état égrotant, je chancelais, vacillant instablement. J'eus du mal à m'en remettre. Subitement, j'eus une forte nausée. De gros haut-le-cœur se manifestaient. Je finissais par régurgiter et vomir de façon écœurante toutes mes provisions dans l'eau. Ils ne m'avaient servi à rien, je n'aurais jamais dû en stocker tellement... J'allais beaucoup mieux, toutefois, l'ennemi était encore là, j'entendais ses grognements féroces et percevais son ombre de loin, il était davantage rapide ! Il ne m'avait pas quitter d'une patte celui-là ! Je devais sur-le-champ me remettre à m'enfuir. Je me faufilai et me frayer un chemin dans les gros blocs de glace afin de me dissimuler, sauf que l'ennemi balayait entièrement les blocs sur son passage, il devait être un colosse ! Dans la peur qu'il m'attrape, je plongeais dans l'eau tel un projectile fulgurant. Je n'y voyais absolument rien du tout, c'était la noirceur totale dans l'océan. Je maintenais ma vitesse puis je remontais à la surface, épuisée, essoufflée. Je n'en pouvais plus, j'en avais assez couru, et j'en avais marre de me faire pourchasser ! Je remontai alors sur un iceberg. La nuit était venu il y a déjà pas mal de moment, la lueur de la Lune tamisait faiblement la terre et l'eau. Les évènements s'enchaînaient, je n'ai eu que très peu de temps pour me reposer que le pourchasseur surgit hors de l'eau, se tenant devant moi. La lumière de la Lune reflétaient doucement sa peau grisâtre et ses orbes profondément noirs, je pus finalement distinguer l'ennemi, un léopard de mer ? Les évènements du passé me revinrent à la volée, et... Et si c'était lui qui avait tué mon père ? Le doute me tenaillait. Je grognais, me mettais en position de défense et gardais mon sang-froid.

«Que me veux-tu ? 
Grognai-je

-Tu es venu profaner mon territoire ! Tu me serviras de repas en tant que châtiment !

-Vas-y, tue-moi ! Je n'ai pas peur de toi !
Criai-je.

Gr... Comme tu l'as fait avec mon père.
Murmurrai-je, d'un ton haineux.

-Quoi ? On verra bien ! Tu vas y passer alors !»

Le léopard de mer se jeta sur moi, je restai statique, immobile comme un rocher de glace. Il ouvrit sa gueule énorme assemblée de crocs pointus et affûtés qui plus qu'à une infime distance pourrait ceindre ma tête entier. Il pourrait, voire briser mon crâne en un mouvement de mâchoire. Son haleine putride m'enveloppait et me râgoutait. Le colosse se retirait. Je ne comprenais pas, il aurait pu me tuer ! Mais pourquoi ne l'a t-il pas fait ? Il recula au bord de l'eau.

«Je t'épargne, tâche de ne plus revenir sur mon territoire, déguerpis ! Ce n'est pas tous les jours qu'on voit des gens de basses races effrontés comme toi ! Et puis on va voir comment tu vas terminer... »

Sur ces derniers paroles, il partit. Dans mon esprit, j'eus une peur effroyable. Mon cœur battait à en tomber, mes pattes flageolaient. Néanmoins j'avais pu échapper à ce géant. Et maintenant ? Qu'est-ce que je vais faire, où vais-je aller ?

Rappelle-Moi Ton NomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant