I : ghost whisperer

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1 - vide, endeuillée et des fantômes pour compagnie


La fête battait son plein et pour la première fois depuis longtemps, seuls des rires et des cris de joie résonnaient. L'endroit à la verdure éclatante et imposante était écrasée par un ciel martelé d'étoiles aussi rayonnantes et belles à contempler les une que les autres. Une nuit aux couleurs de la victoire, une nuit chaude et non, pour la première fois depuis longtemps, ravagée par les flammes. La Résistance, du moins ce qu'il en restait, célébrait la fin d'une guerre de plusieurs années, qui avait coûté la vie à des milliers de personnes, si ce n'est plus et dont chaque moment de répit  fut troublé par un nouveau massacre, une nouvelle menace. Désormais, cette finitude était palpable. Le soulagement se lisait sur le visage de toutes les personnes présentes sur cette planète boisée, il n'y avait plus lieu d'invoquer quelconque résistance ou rébellion, il n'y avait plus de camps, plus de dualité dont la seule manière de communiquer fut l'attaque. Il n'y avait plus de côté obscur, plus d'Empire et il n'y en aurait jamais plus. 

Elle avait alors essayé de se joindre à cette liesse ardente, chaleureuse et rassurante, elle avait ri elle aussi, auprès de ses compagnons de guerre et amis, elle avait souris en les regardant s'amuser, danser, se réjouir, être fiers de leurs actes. Et elle était tout autant apaisée qu'eux à l'idée de ne plus jamais avoir à se battre, à risquer sa vie et celle d'autres. Cependant, elle demeurait insatisfaite et par dessus tout, malheureuse. Ainsi elle refusa une énième invitation à danser, prétextant une envie de sommeil et s'éclipsa. Elle traversa la forêt qui se fit de plus en plus  sombre au fur et à mesure qu'elle s'éloigna de la foule et de ses lumières, et cette obscurité lui plu de suite, ça lui rappelait tellement de choses. Elle regagna l'épave d'un vaisseau, près du X-Wing précieusement conservé et dans laquelle elle créchait depuis leur retour d'Exegol, incapable de se mêler à nouveau à autant de personnes. Lors des dernières semaines, ses journées avaient été rythmées par le bruit infernal et incessant de la destruction, de tirs de feu, de moteurs de vaisseaux, du vacarme de la mort qui l'avait trop longtemps accompagné. Elle avait besoin d'être au calme, enfin. 

Rey pénétra dans une des pièces restantes de l'épave, qui lui servait de chambre, sans prendre la peine de l'éclairer, et inspira longuement. Elle regarda un instant autour d'elle afin de s'assurer qu'elle était bel et bien seule. Elle se détendit et relâcha surtout cette pression, lui tordant la cage thoracique à force de faire semblant. Elle se haïssait d'agir ainsi, de presque regretter la guerre et les combats, d'être terrifiée par cette paix soudaine qui pour elle n'était pas synonyme d'avenir heureux. Mais jamais ils ne comprendraient, comment le pourraient-ils, l'idée de leur dire la plongeait systématiquement dans une tristesse infinie teintée de gêne. Elle n'avait pas honte de ce qu'elle ressentait, c'en était fini de cette culpabilité viscérale, non elle craignait que ses amis atteignent et s'immiscent dans cette intimité, qu'ils découvrent avec horreur ce qu'elle éprouvait encore malgré la fin. Qu'ils ne comprennent pas son chagrin. 

Comment pouvaient ils comprendre et accepter que le son de son sabre frappant contre le sien lui manquait, que sa lumière rouge surgissant dans la brume, dans le noir lui manquait, que cette silhouette noire aux cheveux humides caressant son visage qu'elle avait meurtri lui manquait, que rien au monde ne remplacerait la douceur de ses regards et de sa voix au milieu d'un champ de bataille en feu. Ils ignoraient tout de ce qui s'était joué entre eux pendant toutes ces années, encrés dans une binarité immuable naturellement instaurée par la guerre, il n'avait été qu'un monstre à leurs yeux, et elle, celle qui l'avait terrassé. Ce monstre, elle l'avait également aperçu au début, elle s'était évertué à croire qu'il en était un, car il s'agissait d'une manière indolore de lutter contre ses sentiments. Pourtant, jamais auparavant elle n'avait ressenti quelque chose de similaire et elle se haïssait d'agir de la sorte avec ses amis, car en dépit de tout ce qu'elle avait vécu avec eux et de la famille qu'ils formaient, rien n'avait été aussi intense que l'épisode d'Exegol. Cette frénésie qui l'avait gagnée lorsqu'il était arrivé pour combattre à ses côtés, cette fièvre incandescente qui avait atteint son paroxysme lorsqu'elle avait repris vie dans ses bras et qu'elle avait sans retenu céder au désir qui les avait tourmenté jusqu'à ce moment. Alors, sans prévenir, sans qu'elle ait le temps de savourer le bonheur de l'instant face au sourire qui illumina son visage, il avait disparu. 

Rey serra les poings tandis qu'une larme lui coula sur la joue, se remémorer cette tragédie plongea tout son être dans un étau brûlant et rouillé, elle le sentit se resserrer de plus en plus jusqu'à ne plus pouvoir la contenir. Comment les choses avaient pu se terminer ainsi, comment la force avait pu les séparer après tout ce qu'ils avaient traversé. Comment avait-on pu lui retirer l'unique personne qui l'avait comprise, l'unique personne qu'elle avait aimée. Elle n'en pouvait plus et n'avait plus la volonté de résister, la Force éclata à l'instar de sa peine, des murs autour d'elle volèrent en éclats et la jeune femme s'écroula au sol. Ainsi agenouillée dans la pénombre, elle gémit de douleur, ses pleurs la secouèrent violemment. Finalement, elle n'avait jamais pris la peine d'être triste, de pleurer, pire, elle avait constamment refuser de craquer, malgré toutes les horreurs qu'elle avait vues et toute la souffrance infligée. Il était simplement hors de question qu'elle se laisse aller à ses émotions, le stoïcisme était une caractéristique qu'elle avait parfaitement intégrée en devenant Jedi, car si elle avait craqué, qu'aurait fait ses amis et tous ces gens qui avaient compter sur elle jusqu'au bout. Mais ce soir, leur dernier espoir était  à bout, elle réalisa à quel point elle était profondément seule et cette solitude était en train de la tuer. La disparition de Ben sur Exegol l'avait anéantie. Cette histoire de dyade ne valait rien si il ne devait rester que l'un d'eux, et qu'en restait-il réellement. Que restait-il de Rey si ce n'est une enveloppe charnelle épuisée, incapable de se réjouir car complètement vidée. Vide, voilà ce qu'elle était. Une carcasse blessée, comme celle des vaisseaux qu'elle pillait dans son ancienne vie et sur laquelle il avait laissé l'empreinte de sa main, de ses lèvres qu'elle ne retrouverait plus jamais. 

Ses sanglots continuèrent de plus belle. Elle avait si mal, la colère engendrée par l'injustice de cette perte la foudroyait encore et encore. Rien n'avait jamais été aussi éprouvant et pour la première fois depuis son périple de Jedi, elle ignorait comment surmonter cela. La pièce  à moitié détruite accueillie le froid de la nuit et Rey, presque affalée sur le sol jonché de morceaux de verre, implora le ciel qu'on lui rende son amour défunt.

« Reviens moi...» hurla-t-elle. 


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catharsis ◑Where stories live. Discover now