Chapitre 1

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                                                                   ACTE 1

                                                                 L'orgueil

         «L'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute.» (Citation antique de Salomon).

Fenton.

Ponder, dix mois plus tôt...

    Dans ma communauté, le choix joue un rôle déterminant. Plus la sélection est sévère, plus l'espèce a des chances de se préserver. Parfois, il est nécessaire malgré tout de faire des sacrifices. Mes disciples le savent. Ils me vénèrent, m'idolâtrent littéralement. Je suis un dieu.Ils me font confiance et mettent leurs vies entre mes mains, me donnant un sentiment de toute-puissance. J'en dispose comme bon me semble, attendant le moment où je m'en saisirai pour expérimenter mes délires et mes fantasmes. C'est, disons... une sorte de passe-temps. Cela m'exalte habituellement, mais j'avoue que ces derniers mois sont ennuyeux. J'ai besoin de renouveau.Depuis quelques semaines, j'ai un objectif inédit. Sa gloire a éveillé ma curiosité. Suite à ça, contre ma volonté, je l'ai traquée, épiée. Brune, la trentaine. L'esprit allié à la beauté. Un délicieux mélange que je trouve irrésistible.

     Le péché à l'état brut.

     Mon plan est parfaitement rodé. Exactement comme je l'ai pensé. À présent, il faut que je sois sûr que mon premier pion est prêt à être placé. Une fois remise de son état post-coïtal, je prends ses joues en coupe et lui demande lascivement:

—Est-ce que tu crois en moi, Suzy?

—Oui, Fenton... Mais j'ai peur, tremble-t-elle.

   Je ris intérieurement.

    Pauvre petite chose.

    En vérité, je n'ai aucune pitié.  Elle n'est qu'un moyen d'atteindre mon but. Mais même si je me fous de sa personne, je dois lui donner l'importance qu'elle recherche. Ça fait partie du processus.

—De quoi? l'interrogé-je d'une voix empreinte d'une fausse sollicitude.

—De perdre mes moyens devant les agents. De ne pas réussir à leur mentir, sanglote-t-elle en se couvrant le visage de ses deux mains et secouant la tête.

   Petite poupée de chiffon docile.

   Les filles que je recueille arrivent démolies, tremblantes, parfois droguées, parfois complètement détruites. Je suis pour elles un père, un frère, un ami, voire plus. Peut-être ont-elles l'impression qu'en me déballant leurs faiblesses, je les plaindrais et que, par pitié, je les soignerais de tous leurs maux.

   Conneries.

   Je manipule leur honte et elles, m'offrent leur corps sur un plateau. La plupart des gens se délectent des confessions, savourant qu'on leur exhibe d'inavouables secrets, mais ces aveux ont surtout entretenu mon dégoût pour ceux qui confirment leur insipidité avec leurs navrantes histoires. Il est amusant d'ailleurs de constater que toutes ces anecdotes, aussi variées soient-elles, se ressemblent au point de toutes –je dis bien toutes–se résumer à une seule chose: un total profond dégoût de soi. Avec la grâce de Dieu, influençables, ce sont de vrais pigeons. Comme Suzy. C'est pour ça que c'est elle que j'ai choisie pour cette mission.

Le prédicateur. Sortie le 17/01/2020 aux éditions Black Ink.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant