Twenty-Five • Mon père, ce monstre

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Tout s'arrête de fonctionner dans mon cerveau, comme dans mes membres. C'est comme si quelqu'un avait soudainement appuyé sur l'imaginaire bouton off de mon corps, me privant automatiquement de tout mes sens.

C'est totalement impossible et incompréhensible.

La dernière fois que je l'ai vu, lui, mon père et celui qui m'a élevée, c'était lorsque l'apocalypse commençait tout juste et que notre camp fut envahi.

J'y ai perdu l'un des êtres à qui je tenais le plus, ma tendre mère, juste sous mes yeux .... et je pensais y avoir perdu aussi mon deuxième parent.

Maintenant que j'y pense, je ne l'ai pas vu succombé de mes propres yeux, j'ai juste supposé et imaginé sa mort.... Mais le voilà, il est bien là, William Warren.

Je ne contrôle bien évidemment pas mes larmes, pauvre petite chose que je suis.

Je reprends rapidement le contrôle lorsque celui-ci essaye de s'approcher de moi en s'avançant lentement de quelques pas. Je recule aussitôt pour garder une distance raisonnable entre nous.

Papa : Tu n'as pas à avoir peur Sarah, je t'ai enfin retrouvé.

Je le pointe du doigt dans un geste presque automatique et inconscient à la fois. Je continue à marcher en arrière, contournant les objets sur mon passage afin d'agrandir ce gouffre qui nous sépare.

-Il ... Il va me falloir de sacrées ex-explications !

Je ne peux m'empêcher d'hurler.

Beaucoup trop de sentiments se bousculent dans ma tête et mon cœur en même temps. De la souffrance mélangée à de la joie, sur un fond d'incompréhension.

Il soupire lourdement avant de lever ses mains à la hauteur des ses pectoraux, en signe de capitulation.

Alors que j'appréhende une nouvelle approche de sa part, il va simplement s'asseoir sur le rebord du lit.

Papa : Très bien, poses-moi les questions que tu souhaites.

Il pose ses avant-bras sur ses cuisses et juste, me regarde. Je le fixe à mon tour, cherchant cette lueur, celle que je voyais à chaque fois que je passais un magnifique moment en compagnie de mon père. Mais rien ... je ne ressens plus ce lien.

Il me faut plusieurs secondes avant de reprendre de nouveau la parole. Des sanglots me prennent toujours, mais je me calme légèrement, c'est la seule solution si je veux mes explications.

-C-Comment ...

Papa : Je m'en suis sorti ? Je suis un battant je suppose, tout comme ma fille. Je me suis retrouvé seul après vous avoir perdu, toi et ta mère. J'ai dû tout reprendre de zéro, mais je dois bien avouer que je suis fier d'où ça m'a mené.

J'ai l'impression d'halluciner.

-Tu veux dire ... ici ?

Il acquiesce d'un banal hochement de la tête.

Je prends tout à coup conscience du sens de ses paroles qui sortent de sa bouche depuis maintenant bien cinq minutes.

Il parle du fait d'être le chef, celui qui donne les ordres à tous ces hommes sans pitié et violents. C'est pas vrai ...

Avant que je n'aie pu réfléchir aux conséquences, la question glisse toute seule sur ma langue.

-Alors c'est toi ... ? C'est toi qui dirige cette putain d'armée qui ne fait qu'anéantir tout les innocents qui refuse de se soumettre à votre règlement de merde ?!

Il fronce les sourcils, visiblement surpris de ma réaction, puis me regarde avec un air plus dur. Je prie intérieurement pour qu'il me contredise malgré que je me doute fortement de sa réponse.

Papa : Oui, c'est bien moi qui dirige cette « putain d'armée », comme tu dis, je suis déçu que tu voies ma réussite comme ça Sarah.

Je ne peux retenir un léger rire sarcastique au mot « réussite ». Mais pour qui il se prend bon sang ?

Je ravale mes larmes et fais disparaître tout les sentiments de mon esprit pour laisser place à uniquement de la colère.

-Tu as tué certains de mes amis.

Papa : Et j'en suis désolé, mais la règle est la même pour tout le monde chérie.

J'ai envie de lui dire qu'il n'a pas le droit de m'appeler comme ça, c'était mon père qui le faisait, celui qui est en face de moi ne reflète plus aucune once de ce papa que je connaissais. Je me reprends rapidement, c'est lui qui détient mon avenir et celui de mon groupe entre ses mains.

-Je t'en pris, prouves moi que tu n'es pas devenu le méchant que je pense, et laisses moi voir mes amis.

Je me mets maintenant à le supplier, qui l'aurait cru ? Il faut absolument que je m'assure qu'Elliot et Ethan aillent bien.

J'attends son verdict, les yeux suppliants. Il finit par se lever.

Papa : J'ai changé Sarah, je le sais. Mais il faut que tu saches que je ne te ferais jamais de mal, pas à toi.

J'essaye d'esquisser un sourire qui doit plutôt ressembler à une grimace.

Il s'approche de moi à grands pas. Je rassemble toutes mes forces pour ne pas le repousser de dégoût ou de trembler de peur.

Laisses le t'approcher Sarah, fais-lui croire que tu es totalement de son coté.

Il se plante finalement juste devant moi, je relève difficilement les yeux et recroise cette lueur mortelle. Il passe délicatement une main dans mes cheveux pour replacer une mèche derrière mon oreille, geste qu'Elliot avait l'habitude de faire pour me rassurer...

Papa : Je veux bien te conduire à tes acolytes. Mais tu sais, j'ai parlé à ces deux jeunes beaux garçons. Celui prénommé Elliot semble avoir un lien tout particulier avec toi.

Je déglutis discrètement, c'est très mauvais signe lorsque votre adversaire connait vos faiblesses.

Papa : Je veux que tu me promettes de rester à mes cotés désormais, et que tu me fasses confiance.

Je vais me brûler la langue mais c'est pour la bonne cause.

-Promis, papa.

Dans tes rêves oui ...

Il me sourit à l'entente du mot « papa » et m'enlace soudainement. J'entoure son corps de mes bras ... peut-être qu'il y'a encore un espoir après tout ?


♣ La Marche des Morts ♣Où les histoires vivent. Découvrez maintenant