Prologue

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Le regard de Johan est absent, ses yeux se posent partout et nulle part en même temps, tel un fantôme. C'est ce qu'il est depuis quelque temps, car il ne vit qu'à moitié depuis vingt ans, dans ce monde étrange. Pourtant, en apparence, celui-ci est parfait.

Ses parents l'aiment comme la prunelle de leurs yeux. Il a des amis en or, qui sont là pour lui dans les bons, comme dans les mauvais moments. Cela dit, la routine est bien là, et comme on dit si bien : métro, boulot, dodo. Voilà, le résumé de la vie humaine.

Un cumul d'événements, d'actions, de choix et souvent de regrets. Ce satané sentiment qui nous dit que nous sommes sur la mauvaise route, à suivre les mauvaises personnes, à avoir écouté des gens qui ne nous veulent que du mal. Ce fameux : ET SI ! Et si j'avais tourné à droite et pas à gauche, et si j'avais refusé son invitation, et si je n'étais pas enfant unique, et si...

La conscience est un poison qui nous tue à petit feu, sans que l'on ne s'en rende compte. Quelle petite sournoise, vous ne trouvez pas ?

Des années à se sentir seul, sans vraiment arriver à être compris, à transmettre ce mal qui possède tout être humain. Cette sensation de bien-être n'existe pas, pas pour lui en tout cas. Il doit vivre avec, faire comme si tout était normal. Mais ça ne l'est pas. Comment croire qu'elles sont réelles ? Ces douleurs invisibles qui reviennent sans arrêt.

Sur son corps, il n'y a rien, pas de bleu ni coupure, aucune fracture ou cicatrise. Une âme torturée dans un corps parfait. Quel contraste !

Il y a aussi les douleurs mentales. Celles qui l'étouffent, le paralysent. Un panel de maux aussi intense les uns que les autres.

Ses parents lui ont dit que ce n'étaient que des crises d'angoisse, qu'il était temps pour lui de grandir, d'arrêter d'avoir peur de tout. Les mêmes paroles que lui rabâchent son psy à chaque séance. Mais ce n'est pas de la pas peur, enfin pas vraiment. Il a du mal à mettre des mots dessus. Rien ne va plus, ce vide en lui, devient insupportable. Lui mettant le c?ur en miettes tellement le manque est grand.

La vue est magnifique pourtant, ce paysage est à couper le souffle. Et ce bruit des vagues claquants contre les rochers, un vrai plaisir pour les oreilles. Mais ça, il ne s'en rend plus compte, il n'apprécie plus ces petits joyeux qu'offre notre belle planète. La seule chose qu'il aime encore : la mer.

Elle est mystérieuse. Tantôt froide et tantôt chaude, claire et sombre en même temps. Douce et brutale à la fois, tout comme lui. Ce lieu est le sien, son repère tel un super-héros. La communion avec l'eau est intense, voire vital pour le retenir ici au moins jusqu'à ce soir.

La lune sera pleine ce soir, le meilleur moment pour voir l'aspect qu'elle reflète sur l'eau. Comme si quelqu'un indiquait le chemin vers un autre monde.

Celui qu'il a envie de prendre depuis qu'il sait nager. Mais à chaque pleine lune, il se ravise, par crainte de l'inconnue.

On sait ce que l'on quitte, mais jamais ce que l'on va trouver.

Aujourd'hui, il s'en moque comme de l'an quarante, son seul souci, c'est de ne plus avoir mal, de se sentir enfin entier.

Il prend le temps de retirer ses vêtements, prend une grande inspiration et s'approche du bord. La hauteur ne l'impressionne pas, il aime cette sensation de liberté, de lâcher prise.

Au sommet de cette falaise, il oublie tout. Son travail barbant dans une banque, à offrir à ses clients de l'espoir, alors que lui-même sait qu'ils vont se noyer dans les remboursements. Il n'aime pas ça, son souhait est de faire le bien autour de lui. Mais comment pourrait-il, alors que lui-même n'arrive pas à s'aider.

La lune est belle ce soir. Elle éclaire son visage d'un jaune étincelant, lui qui a une peau plus pale qu'un malade en phase terminale. Il la contemple sans la lâcher des yeux, comme si c'était la plus belle chose qui lui ait été donner de voir.

C'est l'heure ! Celle du grand saut, il avance d'un pas décidé et sans compte à rebours, il se jette dans le vide. Le même qui vit en lui depuis sa naissance. Cette sensation est merveilleuse, l'air lui passe entre chacun de ses membres, chatouillant ses cheveux. Le temps, c'est comme figé, il ne court plus après quoi que ce soit. Il attend.

Splach !!!

Le voilà immerger sous les eaux, le poids de son corps l'entraîne vers ce fond obscur. Il se sent léger, délesté de toute cette douleur qu'il porte sur ces épaules. Le seul mouvement qu'il s'autorise est celui de se retourner pour observer l'astre de la nuit encore visible. Il ne panique pas, ne se débat pas, il continue à l'admirer avec plénitude.

Son cœur ralentit, l'eau s'engouffre à l'intérieur de sa bouche, ses yeux fatiguent, ils se ferment doucement. À cet instant, quelque chose s'empare de lui et comble l'emplacement libre. Son sourire s'agrandit, il est bien ici à ça place.

« Tu n'es pas seul, ta vie est la haut! Un jour tu comprendras et ce jour-là, tu seras enfin entier »

INCOMPLETOù les histoires vivent. Découvrez maintenant