Chapitre 3 : Du mariage coutumier

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Au Gabon, beaucoup de lois sont caduques. Ce serait un travail bien laborieux que de toutes les analyser, aussi nous n’allons nous concentrer que sur certaines d’entre elles qui font écho au mode de vie même de la société. L’interdiction de la dot et de facto du mariage coutumier. L’avortement ayant été légalisé et encadré il ne paraît plus nécessaire d’aborder ce sujet ici.
La dot est interdite au Gabon et le mariage coutumier ne fait pas l’objet de reconnaissance législative. Par conséquent il ne produit en droit aucun effet. Ce vide juridique est à l’origine de nombreuses spoliation d’épouses. En fait, au regard des règles propres au mariage coutumier à la mort du mari, il est de tradition que la famille de sa mère récupère les biens qui sont à lui, car à la mort de l’enfant, que l’on soit dans le patriarcat ou le matriarcat, il redevient l’enfant de sa famille maternelle, il leur appartient. Par conséquent ses biens aussi. Malheureusement cela pose de nombreuses difficultés pour les veuves, d’autant plus que les familles sont parfois peu scrupuleuses. Évidemment, une épouse légalement mariée n’encourt pas les mêmes risques car son régime matrimonial la protège. Pour plus de sécurité juridique il faudrait que la loi encadre les règles et les effets du mariage coutumier. D’autant plus que tout le monde recourt à cette pratique.
L’an dernier, le tribunal de 1ère instance de Libreville a rendu une ordonnance permettant à une femme légalement mariée d'empêcher son mari de faire un mariage coutumier avec une autre. Aussi louable que soit cette décision, elle ne repose pas sur une argumentation juridique pertinente car l'adultère n'est plus pénalisé et que le mariage coutumier n'a pas de valeur légale ni d'effets juridiques au Gabon. Cette décision que l'ancienne procureur de Libreville veut voir consacrer en jurisprudence de principe  (alors même qu'elle est illégale) soulève une fois de plus la question du mariage coutumier. La volonté de protéger le droit de nos femmes gabonaises n'autorise pas le juge à méconnaître la loi. La dot, élément indispensable à la formation et à la dissolution du mariage coutumier conditionne la validité de ce dernier. Pour mieux protéger les gabonaises il est nécessaire de légiférer sur cette question et de substituer l'interdiction de la dot à son encadrement voire son plafonnement. Mais seul le législateur y est habilité.
Ayant promis dès 2009 une action législative à ce sujet, le Président de la République peine, 10 ans plus tard à résoudre cette difficulté. Pourtant, elle ne semble pas nécessiter un effort de réflexion colossal. Alors que les faits divers se multiplient et que nos compatriotes prennent de plus en plus conscience de la nécessité de prendre à bras le corps ce sujet. De notre point de vue, il faudrait codifier les règles relatives au mariage coutumier, organiser sa coexistence avec le mariage civil, plafonner la dot et créer une juridiction spécialisée en droit coutumier pour le règlement des différends. Il faudrait en outre plafonner la dot pour que les mariages ne soient plus des grandes ventes orchestrées par les familles des épouses. À cet égard, nous avons d’ailleurs composé la proposition de loi suivante :


Article 1 : Le mariage dit coutumier est le mariage célébré par un couple de sexe différents selon les rites et coutumes traditionnelles gabonaises.

Article 2 : La loi disposant de l’interdiction de la dot est abrogée.
Article 3 : La dot est l’un des éléments fondamentaux du mariage coutumier sans lequel celui-ci n’a pas de valeur.

Article 4 :L’Etat institue le Conseil de conservation de la coutume et des traditions.
Il se compose de dignitaires provinciaux et chefs coutumiers issus de la diversité ethnique gabonaise reconnus par leurs pairs pour leur connaissance des traditions gabonaises.

Article 4. 1 : Le montant de la dot est plafonnée par le législateur après avis consultatif du Conseil de conservation de la coutume et des traditions. (CCCT)

Article 5 : Le législateur édicte et codifie les dispositions relatives à la formation et la dissolution du mariage coutumier après avis consultatif du CCCT.

Article 6 : À l’instar du mariage civil, le mariage coutumier entraîne le choix d’un régime matrimonial. En l’absence de choix par les époux, c’est le régime de droit commun qui s’applique.

Article 7 : L’officier d’Etat civil enregistre les mariages coutumiers, auxquels il est tenu d’assister et prends acte des différents choix de régimes fait par les mariés.
Il leur délivre également un certificat de mariage.
L’absence de l’officier d’état civil ou d’un de ses représentants entraîne la nullité du mariage.

Article 8 : En cas de litige relatif au mariage coutumier, les époux sont tenus de saisir le CCCT afin d’aboutir à une résolution à l’amiable.
En l’absence de résolution à l’amiable du litige, ils peuvent saisir le juge des affaires familiales.

Article 9 : La contraction du mariage coutumier  nécessite le choix d’un régime matrimonial et d’un choix entre le régime monogamique et le régime polygamique.
En cas d’absence de choix, les régimes de droit commun s’appliquent .

Article 10 : Celui des époux qui contracte un mariage à la coutume en violation de son régime initial s’expose à la nullité de celui-ci ainsi qu’au paiement d’une réparation de 500. 000 francs CFA à la famille de sa femme ou de son mari.

Article 11 : Sans préjudice des dispositions précédentes et de celles déjà existantes , les effets du mariage civil s’étendent à ceux du mariage coutumier.

Article 12 : Dans l’attente de l’adoption des décrets d’applications, la présente loi s’applique néanmoins dès son approbation par le parlement.
Le juge des affaires familiales se substitue au CCCT dans l’attente de sa création, en ce qui concerne le règlement des litiges.

Article 13 : Cette loi n’a pas d’effet rétroactif sauf décision exceptionnelle du Ministre de la justice après avis du CCCT.

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