Mercredi.
Avec mes craintes, chaque jour j'affronte mon téléphone. Il reflète mes souffrances et derrière la vitre je sais qu'elles sont toutes prisonnières. Si j'arrêtais de les contempler tous les jours, je ne serais pas si stressée.
A force de me concentrer sur ce petit écran, j'en oublie les autres. Mais il me fait tenir. Il me donne des espoirs que je n'aurais pas imaginés réavoir avant longtemps. Mais ne dit-on pas que trop d'attentes ne peuvent jamais être comblées comme on le voudrait ?Jeudi.
Je crois que je vais finir par abandonner insta et aller le voir moi-même. Car lui n'est pas une invention, au moins. Mais exaucera-t-il mes vœux ?
Cet admirateur secret qui me verrait à mon arrêt de bus, après un de ses cours du mardi ou encore dans la maison des lycéens le matin. Peut être le croiser ai-je aussi, avec ses yeux rivés sur moi je n'aurai qu'à chercher d'où provient ce rayon brûlant ma peau ?
J'ai hâte du jour où je pourrai assembler ces doux mots à un visage. J'espère que ce sera bientôt car je vais me mettre en colère. Mais je dois justement lui montrer que malgré tout ce que je pourrai ressentir quand on se verra, mon amour reste plus fort que toutes ces émotions. Et ensemble nous serons le plus beau c... Arrête. Encore des illusions.Vendredi
La pensée de supprimer ce réseau social me traverse une nouvelle fois l'esprit. Qu'est-ce qui m'empêcherait de le faire ? Oui, bien sûr, je ne fais pas que ça sur Instagram mais ce ne serait que le temps de le retrouver. Et puis, je crois que je ne suis pas encore prêt à laisser de côté mes utopies et cette application les incarne à merveille. Je suis aussi prisonnière d'elles. Elle m'aide à faire comme si de rien n'était.Samedi.
Mais leur présence prend toute la place et je n'arrive à faire marche arrière, je clique sur le pad, me retrouve en face à face avec le logo rose, laisse mon doigt appuyé un moment mais non, lui n'est pas une utopie, c'est une vraie personne mais elle aussi est prisonnière derrière ce verre et misérables dans notre cachot numérique nous tentons désespérément de communiquer.
Et soudain j'ai peur de ce que les gens pourraient penser du lien méprisable qui nous tient en retrait l'un de l'autre car trop tendu. Mais je tiendrai ainsi et lorsque j'aurai assez d'élan je laisserai ce fil se détendre et me projeter vers lui.Dimanche.
Maintenant je ne peux m'empêcher de voir nos conversations que comme stériles. Et je suis fatiguée de m'inventer des excuses de ne pas aller le voir demain quitte à l'attendre devant le portail jusqu'à ce que je vois sa tête étonnée et déboussolée me dévisager.Lundi.
Juste avant que mon bus arrive devant le lycée, je reçois sa réponse. Il n'est toujours pas prêt. Je le prends mal, je me vexe. Je ne suis qu'un amusement pour lui ? Un joujou qui l'occupe ?
Ne suis-je pas degueulasse de penser ainsi ? Nous sommes toustes les deux de pauvres crétins incapables de survivre sans une présence virtuelle qui prétend nous aimer.Mardi.
Je pense à ma vie avant lui. J'ai peur. J'ai mal. Je passe une heure de perm enfermée dans les toilettes, recroquevillée sur moi-même.
Alors c'est ça notre génération ? Un portable, des faux-semblants que l'on renie et qui nous rendent dépendant.es ? La réalité s'est-elle transformé en fiction ? Et même si on la chasse, elle est greffée à notre main, dans notre poche, où qu'on aille.
J'ai envie d'avoir une vraie discussion. Animée. Avec de grands gestes. Des expressions faciales.
Je veux poser mon boulet sur un blanc et parler avec quelqu'un. Oh ! Il me répond. Je ris nerveusement.
A moins de tenir ce boulet dans mes bras si fort que j'en oublierais son poids, je suis condamnée à le traîner derrière moi.

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Du courage
RomanceIl y avait cette fille qu'il regardait sans cesse, brûlant de l'approcher mais retenu par sa timidité. Il décide alors de lui envoyer un message sur son Instagram qu'il trouve facilement. Ah ! Les réseaux. sociaux...