Mercredi.
J'allume mon portable, j'ouvre Instagram. Par quoi pourrais-je commencer la discussion d'aujourd'hui ?
_ Enzo, t'es déjà sur ton téléphone ? T'es même pas levé !
_ C'est bon, je suis grand maintenant !
Chaque jour je peux décider de ce que je vais faire. Et chaque jour, je fais la même chose...
Je me suis engagé là-dedans et j'irai jusqu'au bout à présent.
Plus de deux mois que j'en suis qu'à la troisième étape...
Ce n'est qu'une question de feeling. Et s'il ne sera pas au rendez-vous, tant pis, j'aurai au moins vécu deux mois merveilleux et j'aurai découvert l'amour.
J'ai mis du temps à me décider pour franchir le pas et ai-je bien fait de le franchir finalement ? N'était-ce pas mes limites ? J'ai peur.Jeudi.
Je voulais surtout me prouver à moi-même que je pouvais assurer sur ce terrain-là, comme Alphonse.
Mais Alexandre, lui, n'est jamais sorti avec personne et vit très bien !
Eh bien je n'assure pas.Vendredi.
Ils me conseillent tous de couper les ponts pour une semaine. De faire une pause. De sortir avec eux après les cours. Mais à peine la pensée de sortir ne serait qu'une journée le nez en dehors de mon portable me fait paniquer.
_ T'es pâle, Enzo. T'es obsédé. T'es plus amoureux là, t'es malade.
_ Ta gueule Alex. Le jour où tu seras en couple on en reparlera.
_ Mec, t'as peur d'aller la voir mais vous vous connaissez déjà avec tous ces messages ! Et au pire vous pourrez rester grave potes !
Je peux pas faire comme ça, j'ai besoin que notre rencontre soit inoubliable. Qu'Alphonse lui-même me fasse sa tête impressionnée.
J'ai jamais été en couple, ou alors rien de sérieux, une ou deux semaines pour tester. Mais là, je lui parle, elle me parle et je ne regrette pas d'avoir franchi le pas.
Alors je ne regretterai pas non plus d'aller la voir.Samedi.
J'ai les mains moites, j'essaie de fuir ses questions. Un autre message. Alphonse. Sa proposition tient toujours, il va au ciné avec des potes à lui. Je ne peux pas venir si j'amène mon portable.
Avec les plus grandes difficultés, je le laisse sur mon lit et entend le bruit des notifications qui déboulent déjà sur l'écran verrouillé.
Intérieurement, je la rassure. Je reviens vite.
Je crois que je n'ai jamais respiré l'air comme je la respire. Chaque molécule de d'oxygène a son image, chaque bruissement du vent emporte son rire, chaque branche qui ondule me rappelle le mouvement de ses cheveux.Dimanche.
Le film m'a beaucoup fait réfléchir. Je m'en veux d'être un aussi bon séducteur. Un geste maladroit vaut mieux que mille paroles de poète.
« Merci »
Alphonse est un ami génial et je l'ai trop souvent jugé. Je lui revaudrai ça.
Faudrait plutôt que j'honore d'abord mes promesses avec elle.
Je crois que je vais le faire. Je crois que je m'en sens capable.Lundi.
Je laisse mon portable sur ma table de chevet. J'ai l'impression de partir en voyage. Peut-être que l'avion sera déjà complet ou peut-être que le trip durera.
Ça y est, je suis parti de chez moi. Je suis dans le tram. Il arrive à destination. Je passe la grille. Je suis dans le hall. Je ralentis. Dans quelques secondes, je passerai devant la maison des lycéens ou elle sera en train de siroter une boisson chaude. Je ne pense plus, j'entre à l'intérieur. Il n'y a qu'elle, le gérant et un autre gars affalé sur un fauteuil. Elle ne connaît pas mon visage, tout dépend donc de moi.
Je la regarde longuement sans qu'elle me prête attention. Je lui ai tellement parlé. Tant de journées, de trajets, d'intercours, de files d'attentes pour la cantine que la voir là, à quelques mètres de moi... J'ai l'impression que ce n'est pas elle. Que celle de mes rêves est imaginaire.
Le gérant me hèle et me demande de venir m'inscrire. Elle se retourne en même temps.
Affolé, j'attrape mon sac et sort précipitamment. Je n'irai plus jamais la voir, j'ai trop honte.Mardi.
_ Tu sais que tu vas être obligé de la revoir si tu veux avoir la moindre chance de sortir avec elle ? Sinon ils ont juste servi à rien ces deux mois et demi.
_ Je sais pas ce que je fais...
Mon visage est contracté, j'ai les yeux larmoyants et j'ai envie de rentrer chez moi et de ne jamais plus parler à une fille de ma vie entière.
_ C'est pas trop tard ! Si tu vas la voir juste après ce cours-là - tu te rappelles, elle est dans la salle en face - et que tu lui expliques tout, si c'est pas une connasse elle comprendra.
_ T'as raison.
Je lui attrape la main, reconnaissant. Je fonds en larmes entre mes mains. Ils ne savent plus quoi faire.
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Du courage
RomanceIl y avait cette fille qu'il regardait sans cesse, brûlant de l'approcher mais retenu par sa timidité. Il décide alors de lui envoyer un message sur son Instagram qu'il trouve facilement. Ah ! Les réseaux. sociaux...