Chapitre 1

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Il y a toujours des moments, dans une vie, durant lesquels vous vous demandez franchement ce que vous foutez. Ou, plutôt, ce que foutent les gens autour de vous, qu'ils vous soient proches ou non. Et, parfois, c'est même l'ensemble de ces gens qui pose un problème : les proches et les moins proches, alliés pour le meilleur et surtout le pire. Ils sont persuadés de faire ce qui est le mieux pour vous, pour votre bien-être. Car ce sont toujours les autres, si on observe attentivement, qui doivent décider ce qui est bon pour vous et ce qui ne l'est pas.

Votre bien-être doit impérativement passer par autrui et, de préférence, par eux.

Eux, ce sont vos amis et votre famille.

Théo poussa un long soupir. En ce qui le concernait, assis à sa place, il commençait à émettre de furieux doutes sur la notion d'amitié qu'il entretenait avec les types qui faisaient, à ce moment précis, des plans sur la lune. Au départ, il n'y avait pas vu de problème. C'était habituel et en toute franchise, ils étaient drôles, quand ils partaient dans leurs idées. Les problèmes avaient commencé quand ils avaient décidé de mettre l'un de ces plans à exécution.

Dans la chambre qu'ils occupaient, c'était le branle-bas de combat. L'un de ses amis avait presque vidé le placard de ses vêtements, dans l'espoir de trouver quelque chose de mettable, selon lui. Visiblement, c'était un échec cuisant : rien ne lui convenait en plaçant les vêtements devant Théo. A chaque style, à chaque combinaison de couleur, un profond soupir résonnait dans la pièce et, probablement, dans le reste de l'appartement. Les rires étaient audibles depuis le petit salon.

« Vous êtes débiles, marmonna Théo au bout d'un moment à se laisser faire.

Et pourtant, la situation aurait pu lui convenir : depuis qu'il s'était assis sur son lit, il y avait de longues, trop longues minutes qu'il n'avait rien eu de particulier à faire, sinon suivre des yeux les mouvements de son ami, qui plongeait et replongeait au fond du placard avec espoir. Mais non. Au mieux, il appréhendait la suite des évènements, ignorant de quoi il retournait, sinon qu'ils avaient de nouveau jeté leur dévolu sur une de leurs idées farfelues. Une idée qui impliquait de sortir de l'appartement, et d'être au moins bien habillé. Ou, en tout cas, convenablement. Finalement, peut-être était-ce ce qui l'inquiétait le plus : devoir suivre un dress code sans savoir dans quoi on allait le jeter. Un restaurant huppé ? Non. L'opéra ? Vu certains essais un peu trop voyants que tentait Yannick, ce n'était définitivement ni l'un, ni l'autre.

Yannick qui, un pantalon jeté en travers de son épaule, grognait de frustration.

-Franchement, les mecs, où va-t-on ?

Avachi dans le fauteuil à côté du lit, Cemal agita une main distraitement, sans répondre pour autant. Tandis qu'il observait leur ami s'agiter dans les placards, ses yeux noirs brillaient d'amusement. Théo roula des yeux devant le spectacle ; quand ils reviendraient à l'appartement, il savait d'avance qu'il devrait prendre une heure pour tout plier et ranger correctement. Ces types étaient de vraies plaies. A côté d'eux, une tornade n'avait plus aucun impact. Ils étaient pires que tout, et il entendait, de sa place, les deux autres qui s'esclaffaient dans le salon au bout du couloir.

Cemal rit.

-Ils sont déchaînés, dit-il.

-Un peu comme vous deux, répliqua Théo.

Il aimait les surprises. Et ces types le savaient. En revanche, ils n'étaient pas toujours très doués pour définir ce qu'était une bonne surprise, et le jeune homme avait déjà suffisamment de mauvais souvenirs, à cause de leurs idées pour le moins tordues. Mais dans un même temps, à chacun de ces souvenirs était associé un fou rire, ne serait-ce qu'en écoutant les raisons de leurs décisions. Il savait qu'il pouvait leur faire confiance, que la soirée serait bonne, et même mieux que cela. Mais il était toujours difficile de se projeter, avec eux.

Ma femme s'appelle Eric [Passion au Manoir Pourpre 1] [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant