Chapitre 10

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     Nos yeux se scrutent longuement sans qu'aucun de nous n'ose rompre le silence qui s'éternise

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     Nos yeux se scrutent longuement sans qu'aucun de nous n'ose rompre le silence qui s'éternise. Je retiens mon souffle. Une déchirante angoisse me vrille les tripes. Soudain, il m'écarte âprement. Je perds l'équilibre et me retrouve le cul à terre. Mes pupilles s'écarquillent de stupeur. Un flux de questions se bouscule dans ma tête. Ça bourdonne inlassablement. Que s'est-il passé pour qu'il se retrouve dans un tel état ? Pourquoi me traite-t-il si durement ? Pourquoi la tempête surgit-elle juste au moment où une once d'espoir pointait au milieu de tout ce désastre ? Je déglutis en le dévisageant. Le souflle court. La gorge nouée. Mon esprit est en proie à un vacarme assourdissant. Des bouts de phrases diffuses fusent à une vitesse vertigineuse et ne me laissent aucune seconde de répit. Qu'a-t-il bien pu se passer ? Cette question résonne sans cesse. Ma langue finit par se délier et ma voix retentit dans l'air.

     — T'as encore bu, vomis-je d'une voix hachée.

     Un calme s'installe suite à ma déclaration. Je ne parviens même pas à identifier toutes les émotions qui m'étreignent en ce moment. Spleen. Colère. Haine. Étourdissement. Fatigue. Un sublime cocktail de sentiments cuisants qui me perfore la poitrine. Un mouvement dans sa direction me ramène brutalement à la conscience objevtive. Je me relève diligemment et m'avance à nouveau vers Antonio. Je m'installe ensuite en tailleur sur le sol à un mètre de lui.

     — Dégage ! Je ne veux pas te voir, assène-t-il, la voix rogommeuse.

     J'encaisse sans fléchir, tellement habitué à ce qu'il me crache son venin à la figure. Plus rien ne peut m'atteindre.

     — Dis-moi ce que je t'ai fait ! Dis-moi pourquoi tu me détestes autant !

     — À cause de tes yeux... Ces putains d'yeux qui me hantent jour et nuit... T'es qu'un assassin... Tu l'as tuée.

     Ses révélations me coupent le souffle. Mon cœur dégringole dans mon ventre. Mon corps quant à lui est saisit de spasmes. Dans l'immense capharnaüm régnant en moi, une seule question prédomine : De la mort de qui suis-je responsable ? Décidé à obtenir des réponses, je l'assaille d'interrogations.

     — De quoi tu parles ? Qui est-ce que j'ai tué ? Est-ce la raison pour laquelle tu me voues cette rancœur ?

     — Je t'ai dit de dégager ! beugle-t-il en se redressant.

     — Non ! Je ne bougerais pas d'ici tant que tu ne m'auras pas répondu. J'ai besoin de savoir, papa.

     — Quand je te donne un ordre, tu obéis, brait-il en me décochant une gifle.

     Je me lève d'un bond et le toise les yeux fous. La rage file dans mes veines à une vitesse vertigineuse. Je respire par saccades bruyantes. Moi qui espérais le percer à jour, je me suis bien foutu le doigt dans le cul et j'embrasse à nouveau le béton froid de la réalité. L'alcool et la violence semblent être les seules échappatoires dont il dispose. Son unique manière de fuir une algarade c'est d'envoyer des coups. Coups que j'ai longtemps encaissés et continue d'empocher.

     — Putain ! C'est tout ce que tu sais faire ! Me cogner dessus ! Alors que je cherche juste une solution à ton problème... à cette peine que tu dissimules au fond de ton cœur. Papa... je veux juste comprendre... pourquoi es-tu si amer ? grondé-je d'une voix hachée.

     Il se lève à son tour et coule un regard sur moi qui me broie les entrailles. Du ressentiment partout. Dans ses yeux. Dans sa voix. Dans ses gestes. Ça ruisselle de partout. Saurais-je jamais un jour l'origine de l'amertume qui le ronge ?

     — Barre-toi d'ici avant que je t'arrache les yeux, me crache-t-il.

     J'accuse le coup, puis recouvre mon habituelle frigidité en me répétant que la douleur nous rend plus fort. Je me hâte de quitter cet endroit suffocant. Une fois hors de l'appartement, je tape dans un mur jusqu'à ouvrir mes plaies à peine cicatrisées. À mesure que l'hémoglobine s'étend autour de mes bandages, mes yeux s'embuent de larmes glacées. La douleur nous rend plus fort, certes. Mais à cet instant précis, mon unique souhait est de l'extraire de ma poitrine.






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