Plongeon n°1

103 9 0
                                    

PDV Omniscient

Nacre se fait réveiller brusquement par un sursaut du camion -certainement dû à un passage surélevé-, son corps heurtant les parois en verre de son bassin de transport et l'eau de celui-ci se déchaînant d'un côté à l'autre, sans jamais pouvoir en sortir -les bords du couvercle de son bassin étant en verre tandis qu'une petite grille en métal se trouve en son centre pour laisser passer de l'oxygène dans l'eau. Nacre ne saurait dire si le matin s'est levé ou s'il fait encore nuit, le camion étant plongé dans le noir complet. Le petit triton espère vivement qu'ils soient proches de leur destination, sa nageoire se faisant tout engourdie du fait de l'étroitesse de son bassin : c'est à peine s'il peut se retourner ! Quelques minutes plus tard et une belle bosse à la tête dû à un virage abrupt, le camion s'arrête enfin. Le triton entend le conducteur et ce qui doit être « Patron » claquer leurs portes, puis leurs pas se rapprocher de l'arrière du véhicule, avant que les battants de ce dernier ne s'ouvrent à la volée, faisant sursauter et se recroqueviller sur lui-même l'être aquatique. Comme une révélation divine, le soleil pénètre par l'ouverture du camion et perce à travers la vitre de son bassin de transport, réchauffant une par une ses écailles glacées. Rapidement, le visage familier de « Patron » apparait dans l'encadrement du camion, des sangles et des attaches dans les mains, accompagné de plusieurs colosses aux gros bras qui mettent Nacre mal-à-l'aise, se sentant tout petit dans son bassin de verre fragile. Le jeune triton se colle au fond de son bassin, presque dans l'espoir de fusionner avec le verre et d'échapper aux regards durs et perçants de ces armoires à glaces. Malheureusement pour lui, munis des sangles et des attaches, les quatre colosses s'approchent des quatre coins de son bassin, l'harnachant avec soin. Pendant toute la durée de l'opération, le triton reste terré au fond de son bocal, n'osant bouger ne serait-ce que la nageoire. Puis au bout d'interminables secondes à se faire secouer comme une algue dans tous les sens, une immense étendue bleue s'offre enfin à la vue du noiraud, époustouflé. Mais avant qu'il ne puisse comprendre à quoi elle servait ou tout simplement l'observer dans ses moindres détails, ils bifurquèrent vers les infrastructures aquatiques du parc où ils passeront les mois de juin à septembre en représentations.

Au bout d'une demi-heure, Nacre a finalement rejoint son nouveau bassin qui, pour son plus grand plaisir, donne sur l'immensité bleue. Ce n'est pas le grand luxe, et une odeur persistante d'otaries flotte au gré de l'eau, en souvenir des anciens pensionnaires qui, comme Nacre, ont su faire briller les yeux des petits comme des grands, au moins le temps d'une saison. Cependant, Nacre est bien content de pouvoir enfin détendre ses articulations douloureuses d'être restées recroquevillées, ainsi que sa nageoire de tout son long, le tout dans un bassin plus grand qu'à l'accoutumé et avec supplément vue pittoresque non négligeable. Le reste de la journée est consacrée à l'installation des différents complexes de spectacles, la première représentation de la saison ayant lieu le soir même.

Le soir venu, c'est l'effervescence dans le cirque : des maquilleurs aux palettes de couleurs toutes les plus extravagantes les unes que les autres déambulent d'artistes en artistes ; des costumes tantôt à plumes tantôt à paillettes sont éparpillés aux quatre coins des loges, attendant leur heure de gloire ; dans les coulisses il n'est pas rare de croiser des fauves côtoyant des unijambistes ou encore une femme à barbe se maquillant devant la vitre d'un « homme sirène ». C'est toujours ainsi avant chaque représentation : le stress monte au sein des artistes et s'exprime par une sorte de chaos maîtrisé, que Nacre prend un malin plaisir à observer depuis son bassin quelque peu excentrer du chapiteau principal. Son numéro étant présenté comme le clou du spectacle, il lui reste encore du temps avant qu'une foule de spectateurs enjoués ne viennent remplir les gradins surplombant son bassin ; et de quoi répéter une dernière fois avant de se retrouver sous les feux des projecteurs.

Cold Water [Jikook / Namjin / Vhope]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant