Rupture

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La lune est quasiment pleine. Elle brille fort, ce soir, éclipse les étoiles. Tout est silencieux. De l'autre côté de la rue, coincée entre deux autres habitations presque identiques, se dresse la maison des Swan. Il est assez tard dans la nuit, toutes les lumières sont éteintes. Il n'en reste qu'une, faiblarde, traversant à peine le double vitrage de la fenêtre de la chambre de Bella. Elle est encore levée, sa lampe de chevet est allumée. Je sais qu'elle m'attend.

Presque une semaine s'est écoulée depuis notre dernière rencontre. Il ne reste que deux jours avant la date fatidique, mais j'ai décidé de lui donner ma réponse ce soir. Je tiens encore trop à elle pour la laisser souffrir inutilement. Ça fait déjà quelques jours, en vérité, que j'ai pris ma décision. Tout m'a semblé plus clair après cet...incident, avec Jacob. J'avais seulement besoin de temps pour trier mes pensées, comprendre ce qu'il s'est passé. Comprendre mes sentiments, ce qui m'a poussé vers lui. Je ne pouvais pas affronter Bella sans être en accord avec moi-même. En accord avec ce qu'il m'a fallu admettre, accepter. En accord avec le fait que Jacob Black, un loup-garou, se soit imprégné de moi. En accord avec le fait que j'ai fait le premier pas vers lui, que je l'aie cherché. Que Je l'aie embrassé. Que tout soit venu de moi quand lui me laissait de l'espace. J'ai beaucoup réfléchi au sens de tout ça, à ce que ça impliquait. Quels sont réellement mes sentiments envers lui ? Est-ce que ça va quelque part ? Jacob et moi nous connaissons finalement peu. Pas suffisamment pour créer une relation solide. Une relation classique. Mais il n'y a rien de classique dans le lien qui nous lie, je le sens. Ce lien si fort, si improbable, entre un loup et un vampire. Entre deux ennemis mortels destinés à se combattre, peut-être même s'abattre.

Jacob et moi.

Jacob et moi ?

J'ai encore du mal à accepter mes sentiments naissants, c'est déjà beaucoup de les admettre. Il est clair que j'aurais été fou de me voiler la face, désespéré comme j'étais ce jour-là. Après l'avoir abandonné à la lisière de la réserve, j'ai échoué dans les bras de ma mère sous le regard effaré de ma famille. Je ne m'étais jamais senti si physiquement faible. Je suis resté allongé toute la nuit à fixer mon plafond, essayant de ne plus penser, de me laisser porter par le flot inintelligible des questions que se posaient ma famille à mon propos. Lamentable échec. Au matin, je n'avais encore qu'un visage en tête, le sien. Et je n'ai pensé qu'à lui depuis lors. Ses cris de colère, ses suppliques, la dernière phrase qu'il a pensée quand je suis parti. J'ai dû me battre contre moi-même, contre mon instinct qui me hurlait de retourner le voir, de le libérer de sa souffrance. Mais je n'aurais pas été moi-même si j'avais obéi à cette voix. Je devais retrouver mon sang froid, et parler à Bella.

Je lui ai téléphoné dans l'après-midi, lui ai annoncé que j'étais prêt à discuter. L'appel ayant eu lieu au beau milieu du salon, j'ai pu entendre en pensée tous les commentaires et avis de ma famille sur mon état, et celui de ma relation. Puisque je ne me suis ouvert à personne de mes sentiments, la plupart se sont rangés à l'avis d'Alice : j'ai été traumatisé par mon séjour en Italie. J'ai même eu le plaisir d'entendre Rosalie se fendre d'un « tout ça pour ça. » et bien entendu, elle me fixait en le pensant. Je n'ai aucune hâte de leur révéler la vérité, pas plus que j'ai envie de briser le cœur de la seule humaine que j'aie jamais aimé. Que j'aime toujours, mais différemment.

Il est maintenant assez tard pour que Charlie se soit couché. Je ne l'entends plus penser, il a doucement glissé vers le royaume des rêves. Silencieusement, je me coule à travers la rue jusqu'au-dessous de la fenêtre de Bella. Elle est fermée, verrouillée de l'intérieur. Je me hisse en sautant sur la bordure et toque légèrement au carreau. Isabella Swan, assise sur son lit, tourne vers moi un regard mi surpris mi résigné et se lève pour venir m'ouvrir. Je la rejoins à l'intérieur sans un bruit, elle pose un doigt sur ses lèvres et va jusqu'à sa porte de chambre, vérifier si son père est bien couché.

PerfectionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant