CHAPITRE I-1

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                 CHAPITRE 1 - 010975

L'ombre fut remplacée par la lumière à 6:30:00. Comme à tous les matins, c'est une lumière bleutée qui vient m'éblouir quand j'ouvre les yeux et je me lève immédiatement, comme le Système le veut. Chaque mouvement exécuté est calculé, prévu et surveillé. Un seul faux pas et ce sera la fin, mais ça ne m'arrivera pas à moi, 010975. Depuis maintenant 16 ans et demi, je respecte le Système, je le suis comme une bonne fille. Je ne suis pas prête à dévier du droit chemin. Le Système est guide.

La porte de ma chambre est ouverte à un angle exacte de 85 degrés, l'angle parfait selon eux. Une chambre, nous en possédons tous une qui nous est réservée: une pour papa, maman et moi. Chacune d'entre elles est dotées d'un lit simple, d'une chaise et d'un bureau. Le Système est juste.

Je traverse lentement le couloir qui mène à la salle principale du plancher sur lequel vit ma famille. La salle principale contient simplement un sofa, une table, trois chaises et un transporteur. Celui-ci est un énorme tuyau qui traverse notre immeuble. C'est par là qu'arrive notre nourriture (chaque portion est calculée, mesurée et prévue) ou toute autre chose qui nous est fournie par le Système (chaque chose est méticuleusement distribuée à ceux qui en ont le plus besoin). Le Système est bon.

J'arrive devant la boîte métallique qui forme notre transporteur et j'y entre mon identifiant.

010975

Un bruit d'engrenage qui s'active parvient à mes oreilles. Une boîte métallique tombe à l'intérieur du transporteur, me garantissant qu'aujourd'hui j'aurai un repas. Ce n'est pas toujours le cas, mais je ne m'en inquiète pas. Je crois au Système.

Je me dirige vers la chaise la plus à droite de la table. Celle-ci est la mienne pour toujours, jusqu'à ce que je quitte cette maison pour m'installer avec mon promis. Je mange tranquillement, appréciant chaque bouchée de ce gruau, composé de substances qui me sont inconnues.

Chacun leur tour, mes parents arrivent. Quand ma mère, la dernière des deux, arrive, je sais que c'est maintenant mon tour d'aller prendre une douche et me préparer pour l'école.

. . .

Cela fait 7 minutes que nous attendons avant que l'instructeur n'entre finalement dans la classe. Tous en chœur, nous prononçons ces mots qui nous sont si chers :

— Le Système est guide, le Système est juste, le Système est bon et je crois au Système.

— Asseyez-vous s'il-vous-plaît. Aujourd'hui, nous parlerons de votre parcours de vie. Comme vous le savez, depuis votre arrivée dans ce monde, tout est tracé pour vous. Vous savez exactement ce que vous devez faire. La vie ne vous réserve aucune surprise...

C'est long, trop long. Pourquoi nous donner un cours sur un sujet que nous maîtrisons depuis toujours? C'est une perte de temps. Un jour, j'aimerais en apprendre plus sur le création de l'Autre côté. Que s'est-il passé? C'est un mystère pour nous, ou un secret bien gardé. Je ne devrais pas penser à ça. Vite, il faut que je pense à quelque chose d'autre. À ce que je sache, peut-être qu'Il surveille aussi nos pensées... Gris, tout autour de moi est gris. 4 murs, 1 tableau, 5 rangées de bureaux, 30 bureaux et 30 chaises. C'est toujours pareil, rien ne change. Le Système a une faille. Non, ce n'est pas vrai: le Système est guide, le Système est juste, le Système est bon et je crois au Système.

— 010975, portez-vous attention à ce que je dis?

Je suis perdue dans mes pensées et ne remarque pas la première fois qu'il m'appelle.

— 010975!

— Pardon, dis-je, surprise du ton de voix que mon instructeur a utilisé.

— Pouvez-vous me dire de quoi nous parlons depuis les 5 dernières minutes? réplique l'instructeur.

Il se rapproche de moi, sa silhouette me surplombe. J'aurais dû savoir quoi dire. J'ai assisté à ce même cours une vingtaine de fois. Malheureusement, un regard de mon instructeur et j'ai su que si je répondais, je risquais de graves conséquences. De toute sa hauteur et puissance, il me pointe rapidement la porte du doigt.

— S'il-vous-plaît, dirigez-vous vers le bureau de l'instructeur en chef.

Indignée, je baisse la tête. Qu'est-ce qui ne va pas avec moi aujourd'hui? Je n'ai jamais été sortie de classe. Je suis une excellente citoyenne du Système, je n'ai jamais offusqué ou même manqué de respect à personne.

Le corridor est silencieux, et pourtant certaines personnes s'y promenaient tranquillement. Je commence à marcher en direction de mon casier pour aller y déposer mes cahiers. Je mets ma main sur mon scan digital. Mes doigts tremblent légèrement. Un clic se fait entendre et la porte de mon casier s'ouvre. Je tente de changer de place un de mes cartables, mais je fais accidentellement tomber tous mes cahiers sur le sol, faisant ainsi résonner un gros boom dans tout le corridor.

Les personnes présentes ne me jettent aucun regard. À croire que je n'existe pas. Une personne fait exception à la règle. Lentement, elle me touche l'épaule.

— Tu veux de l'aide pour ramasser tes feuilles?

— Non, merci. Je suis parfaitement capable de ramasser mes feuilles, répond-je avec la voix tremblante.

C'est à ce moment que je remarque que mes mains s'étaient mises à trembler.

Soudainement, le monde commence à bouger. Les gens qui, quelques minutes auparavant, m'ignoraient, me regardent bizarrement et je cours. Je dois trouver une issue, quelque chose ne marche plus. Je n'ai jamais différé des autres, pourquoi aujourd'hui devrait être différent?

De l'air. Il me faut de l'air. Je n'arrive plus à respirer, mes poumons sont comprimés. Je trouve rapidement l'escalier qui mène aux autres étages de mon établissement scolaire. Au lieu de descendre pour sortir par la porte principale, je cours pour monter. L'escalier m'emporte, moi et ma peur, sur le toit de l'école, mais du moment que je mets la main sur la poignée de la porte, je reçois un petit choc électrique et un écran s'allume avec un message illuminé sur la surface. « 010975 vous n'avez pas accès à cette partie du bâtiment. Veuillez vous diriger vers le bureau de l'instructeur en chef.» J'ai besoin d'air! Je frappe avec force la porte et tranquillement je me laisse glisser au sol.

Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration. Le calme envahit peu à peu mon esprit. Mes pensées reprennent leur cours et les tremblements s'effacent de mon corps.

Les caméras de l'établissement doivent avoir tout filmé. Le Système nous surveille constamment. Mes pensées sont rapidement confirmées quand je redescends à l'escalier et que je vois un petit groupe de gardiens de sécurité m'attendre. Rien n'échappe au Système.

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