IX

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Il avait apprit la nouvelle. C'est Clarisse qui lui avait téléphoné.

Il mourrait d'envie de toquer à sa porte et la revoir. Ça faisait bientôt un mois qu'elle était rentrée.

Lui dire tout ce qu'il aurait aimé lui avouer avant qu'elle ne disparaisse. Un an et demi qu'elle était partie.

Il était en terminale et allait se préparer au bac et aux études supérieurs, il ignorait si elle avait l'intention de revenir un jour.

D'après Clarisse, elle avait déjà un an d'avance et avait étonnamment réussi à rattraper tout son retard scolaire, à la grande surprise des professeurs.

Il aurait souhaité la revoir, savoir si elle allait bien.

Il en avait marre des appels de Clarisse qui lui répétait cela à chaque fois, des avis des médecins et des psychologues qui déclaraient un état stable, des professeurs qui cherchaient à rassurer les élèves....

Il voulait la voir pour en avoir le cœur net.

D'ailleurs son cœur, ça faisait un an et demi qu'il était passé de bourreau des cœurs à grand célibataire qui craint.

Il n'avait aucune idée de si elle voulait le revoir, ou si même elle se souvenait de lui.

Un jour après les cours, cette période juste avant les examens où il est un peu trop tard pour apprendre par cœur tout un programme scolaire, il décida d'aller chez elle.

Il était rentré chez lui pour réviser, mais il vit sa veste posée sur son bureau. Sa veste qu'elle avait oublié à la soirée juste avant sa disparition. Celle qu'il n'a jamais pu lui ramener et ainsi lui parler pour s'excuser.

Il n'avait pas oublié son adresse. Il était tard mais le soleil, par ce début d'été, était très loin de vouloir se coucher.

C'est seulement après avoir toqué à sa porte qu'il se sentit idiot. Qu'allait-il dire ? Comment allait-elle réagir ?

Il voulut faire demi-tour. Trop tard. Un homme, le même que la dernière fois qu'il est passé il y a un an et demi, lui ouvrit.

Il ne savait pas quoi dire. Aucun son ne sortit de sa bouche. L'homme fronça alors les sourcils.

- C'est pour quoi ? demanda-t-il méfiant.

Il fouilla dans son sac et tendit la veste.

- Euh, c'est à votre fille, je...

L'homme observa la veste qui lui était tendue, puis le garçon peu sûr de lui. Ses traits se détendirent.

- Je me souviens de toi, dit-il, écoute c'est très gentil mais si tu veux voir ma fille ça va pas être possible, c'est encore compliqué d'après les psychologues et...

- Papa ? demanda une voix provenant de l'intérieur de la maison, qui c'est ?

L'homme se tourna après avoir jeté un regard au garçon.

- Un camarde, je m'occupe de ça. Repose toi ma chérie.

- Non, répondit-elle, laisse le entrer.

- Mais...

- S'il te plaît, papa.

L'homme fixa le garçon encore une fois, puis décala pour le laisser entrer tout en soupirant.

Elle était allongée sur le canapé de son salon, Clarisse assise à ses pieds. Son amie écarquilla les yeux puis se tourna vers elle.

Elle avait changé. Pas juste physiquement.

Ses cheveux étaient plus longs et beaucoup plus claires, et elle avait minci. Mais elle semblait sereine. Pas du tout surprise de sa venue quand il passa la porte.

Ils ne se quittèrent pas des yeux pendant un long moment.

Clarisse se leva, prétendant vouloir chercher un verre dans la cuisine et ainsi les laisser seuls.

Il était nerveux. Comment pouvait-elle être aussi calme ?

Mille pensées se bousculèrent, il souhaitait s'excuser, lui poser des questions sur sa disparition, savoir comment elle allait et dire que jamais il ne l'avait oublié...

- C'est ma veste que tu as là ? demande-t-elle et ainsi brisant le silence.

Il cligna des yeux avant de se rendre compte qu'il était venu pour lui rendre l'objet qu'il avait dans les mains, il se trouvait idiot à présent.

- Oui, tu l'avais oublié le... répondit-il sans savoir comment finir sa phrase.

- Je m'en souviens, merci.

Il marmonna quelques paroles incompréhensibles, un mélange de « j'espère que tu vas bien » et de « je vais y aller ».

- Ce week-end c'est mon anniversaire, dit-elle soudainement, on peut se voir si tu veux.

Elle avait bien changé. Elle était bien plus assurée qu'autre fois. Il avait l'impression que leur rôles s'étaient inversés et que c'était à présent lui le garçon timide.

Et si c'est souvenirs étaient corrects, elle ne fêtait plus son anniversaire depuis la morte de sa mère.

Il accepta. Elle ria.

La situation était ridicule, il était resté debout pendant une dizaine de minutes, jusqu'à ce qu'elle l'invita à manger chez elle pour la soirée en compagnie de Clarisse.

- Viens à côté de moi si tu veux ! dit-elle.

Il s'assit là où était installée Clarisse quand il venait d'arriver.

- On est amis maintenant? dit-elle en riant.

Il écarquilla les yeux, avant de rire aux éclats. Elle avait réussi à le détendre. Il n'avait pas rit depuis longtemps.

- Oh bon sang tu t'en souviens ? répondit-il.

- T'es censé répondre « pour toujours » par contre.

Il rit à nouveau. Alors, comme s'ils avaient à nouveau douze ans, ils jouèrent leur rencontre comme des enfants. C'était une manière de tout recommencer à zéro.

Et cette fois-ci, il ne voulait pas l'abandonner; il ne voulait pas la perdre.

- Pour toujours Amanda, dit-il.

- Appelle-moi Amy, répondit-elle.

Et elle lui sourit.

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Fin.

Sujet A23 (La fille des eaux/Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant