Prologue

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Dans la pénombre de sa cage, un enfant attendait. C'était une pièce froide, humide et sans vie, au plafond démesurément haut. Il n'existait pas d'ailes assez grandes pour le porter là-haut, pourtant, il rêvait encore de liberté. La même promesse intérieure le tenait vivant. Un jour, il se construirait ses propres ailes. Et un jour, il transcenderait l'air.

Son ennemie de toujours le toisait de son voile d'argent. À travers ses yeux à demi clos, elle en ressortissait plus écrasante que jamais, dans sa prestance nébuleuse. Il pouvait deviner le sourire étiré à l'extrême qui déformait sa face disproportionnée.

La lune écarlate se dressait là. Son estomac se tordit. Dans sa terreur, il n'échappa un mot. Pas même un son. Il se contentait de la fixer comme si c'eût été la seule chose à faire. Ses rêves venaient constamment s'échouer contre cette sphère infernale. Combien de temps encore devrait-il attendre dans l'obscurité ?

Brusquement, l'image de la lune, de l'endroit tout entier grésilla,comme devant un vieux film à la pellicule abîmée. Quelque chose s'agita d'instinct au fond de lui. Son corps fut parcouru de frissons. L'air lui-même avait une sensation différente. Il bascula en avant, sonné. Un fil intérieur venait de se briser et il basculait... basculait...

Basculait.

Jusqu'où ?

Il l'ignorait lui-même.

Une toux compulsive fragmenta sa respiration déjà difficile, tandis qu'une douleur lancinante lui lacérait l'estomac. Il s'attrapa la gorge, les yeux révulsés. Ça ne servait à rien de lutter. Il le savait, pourtant.

Il connaissait le voyage qui l'attendait. Il ne voulait pas y retourner.

Le mal grandissait comme une bête à l'intérieur de lui. Sa conscience était sur le point de l'abandonner. C'était la première fois qu'il résistait ainsi. Il n'était pas certain de pouvoir continuer à le faire bien longtemps. À ce stade, il ne maîtrisait plus rien.

Les branches nues des arbres, semblables à de longs doigts crochus, prenaient une dimension effrayante. Un vent sans fin les agitait. L'ombre franchissait sa prison sans difficulté, mais lui était incapable d'en sortir.

Pourtant, il y avait une feuille. Une dernière feuille résolument accrochée à cette branche. Pouvait-elle survivre ? La tempête semblait impitoyable... mais s'il y avait de la place pour cette petite chose, alors il y avait aussi sûrement une place pour lui, au-dehors...

Et puis, le fil se brisa de nouveau. Tout s'accéléra. Dans la violence du temps qui piétinait ses rêves et prenait un malsain plaisir à le détruire, morceau après morceau, un cri s'éleva.

Une volée d'oiseaux quitta la branche sur laquelle elle avait trouvé refuge. Dehors, un éclair flasha, imprimant dans sa rétine l'image rémanente de leur vol. Le beffroi chanta de nouveau, recouvrant le timbre éraillé de son agonie.

La douleur s'évapora d'elle-même. L'enfant tremblait de la tête aux pieds. Les yeux exorbités, il se frictionna les bras. Sans même en prendre conscience, son crâne rencontra le sol glacé et parfaitement régulier. Son souffle se dissipa dans l'air.

Les cloches avaient une résonance différente, ce jour-là. Un rire amer, froid et distant se propagea.

Il s'évanouit, accompagné d'une seule pensée, aussi étrange qu'utopiste.

Il ne voulait pas mourir...

Ever Lightwess - Partie I : OphaniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant