Les lampadaires défilaient de chaque côté de la route. La tête appuyée contre la vitre, à quelques centimètres de la fenêtre, Nikita les regardait disparaître les uns après les autres à mesure que la voiture avançait sur la route. Le ciel était encore très sombre, mais sous peu, les premiers rayons du soleil l'éclairciraient, transperçant en douceur les minces rideaux de sa fenêtre, située tout près de son lit. Épuisé, Nikita avait hâte de s'y lover, tout en regrettant que son état l'empêche d'entretenir ce soir une discussion correcte avec Majid.
« T'endors pas, je veux pas avoir à te porter jusqu'à ton taudis, lui dit soudain Majid, brisant le silence.
— C'est pas un taudis, lui répondit mollement Nikita. Et t'étais pas obligé, la dernière fois.
— Tu tenais plus sur tes guiboles, je te rappelle.
— Guiboles... Fit le strip-teaseur avec un sourire. Mot qui n'est plus utilisé depuis 1958.
— C'est ma tante qui dit ça, grommela Majid. Et je t'emmerde. »
Nikita ricana puis se redressa. Une nouvelle locataire était arrivée dans l'appartement et son bébé pleurait sans arrêt, l'empêchant de dormir correctement quand il rentrait du travail. Du coup, il accumulait la fatigue et avait du mal à rattraper le sommeil qui lui manquait. Et ça commençait à devenir vraiment pénible.
Mais bon, au moins il ne prenait plus le métro pour rentrer chez lui, maintenant. Ça lui faisait gagner un temps fou, même si dans le fond il aurait préféré que ces trajets durent un peu plus longtemps. Il aimait ces moments de discussion à voix basse où ils parlaient de tout et de rien. Et sa main qui passait dans ses cheveux quand il se frottait les yeux, lui tirant à chaque fois un sourire horriblement niais. La voix basse de son homme le tira de ses pensées.
« Dis-moi, ce soir, on bosse pas. T'as prévu un truc, toi ?
— Bah ouais : dormir, répondit Nikita avec évidence.
— Un vrai truc... Soupira Majid, blasé.
— Dormir, c'est un vrai truc, rétorqua le blond. Toi, tu dors jamais, tu peux pas comprendre.
— Si tu le prends comme ça...
— Oh allez, je plaisante... T'as envie de faire quelque chose aujourd'hui ? Ou ce soir ?
— J'en sais rien, fit Majid en haussant les épaules. T'as pas une envie particulière ?
— Tu sais, moi, quand je travaille pas, je glande chez moi. Je bois du thé toute la journée, je mange des petits beurres et je lis autant que je peux.
— C'est pas un peu déprimant, ça ? Réagit le vigile en faisant la grimace.
— Moins que de marcher seul dans Paris, rétorqua Nikita. En plus je saurais pas où aller, donc autant rester chez moi.
— Ça te dit pas de sortir un peu avec moi ?
— Pour aller où ?
— Je sais pas, un parc, un musée...
— Pas les musées, refusa Nikita, les bras croisés sur son torse.
— Pourquoi ?
— J'y connais rien à l'art. Ni à l'histoire. Tu perdrais ton temps avec moi.
— Quand je suis avec toi, j'ai jamais la sensation de perdre mon temps. »
Leurs regards se croisèrent un court instant, pas assez pour qu'il se rende compte du raz-de-marée que ses mots engendrèrent en lui, mais suffisamment pour percevoir cette grande émotion dans ses yeux bleus. Nikita se mordilla la lèvre tandis que Majid lui caressait doucement le dos de la main, comme pour l'apaiser.

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Nikita
RomanceMai 2013. En plein cœur du Marais, la nouvelle loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sur toutes les lèvres. Nikita est un jeune homosexuel dont les charmes ne déplaisent pas à ses clients. Il ne semble néanmoins pas du tout intéressé...