À peine mit-il son sac sur son épaule qu'une voix grave au fort africain lui hérissa tous les poils du corps.
« Je peux savoir ce que tu fous ?! »
Lentement, Nikita se retourna. Le dominant de sa haute taille, Gamba le toisait d'un air sombre, les bras croisés sur son large torse. Sans se laisser démonter, Nikita haussa un sourcil et affronta son regard.
« Je mets mon sac sur mon dos, énonça-t-il d'un ton perplexe.
— Je vois bien que tu mets ton sac, me prends pas pour un con ! S'emporta Gamba. Et tu comptes aller où, comme ça ? Je te signale que t'as plus le droit de rentrer seul chez toi jusqu'à nouvel ordre !
— Ouais, enfin...
— C'est un ordre du patron ! Tu dois au moins être accompagné d'un autre mec !
— Je suis assez grand pour me gérer tout seul. Et je vois vraiment pas en quoi ça te concerne. »
Les yeux noirs de Gamba brillèrent colère contenue. Après une semaine de repos forcé chez lui, durant laquelle Gamba n'avait cessé de le harceler au téléphone pour qu'ils se voient, prétendument parce qu'il avait besoin de réconfort vu ce qui lui était arrivé, Nikita avait pu reprendre le travail et s'était vu imposer des règles draconiennes, au moins pour douzaine de jours. Agacé, Nikita s'y était plié bon gré mal gré en rentrant chaque soir avec un collègue, escorté par un vigile, à savoir généralement Gamba.
Autant dire qu'il avait été soulagé quand ce dernier s'était envolé pour une petite semaine de vacances au pays, qu'il avait failli annuler d'ailleurs pour continuer à le surveiller. Ce ne fut qu'un court répit, mais Nikita avait bien besoin de ça pour respirer un peu et soulager ses collègues de la menace de l'agression, qui n'arrivait pour ainsi dire quasiment jamais et qui, pas de chance, lui était tombée dessus.
C'était des choses qui arrivaient, répétait-il sans cesse, à ses collègues et au reste du personnel, tout en sachant que personne ne le croyait vraiment. Il ne pouvait pas leur avouer qu'il avait déjà été frappé, et pas seulement par des clients. C'était trop intime, trop personnel... Trop honteux. Et puis, au final, ce n'était pas grand-chose. C'était juste un mauvais moment à passer. Les larmes, il les réservait pour la nuit, quand il était trop fatigué pour faire semblant, quand il n'arrivait plus à réprimer tous les souvenirs que ce moment avaient fait ressurgir en lui. Mais au travail, il devait faire illusion. Et répéter que tout allait bien.
Même si dans le fond, l'idée de se faire à nouveau frapper par un client à l'arrière du club le hantait chaque soir quand il quittait son travail.
« Un peu que ça me concerne ! Rétorqua Gamba, hors de lui. Je te signale que je me fais du souci pour toi !
— Je vais bien, Gamba... Soupira Nikita en levant les yeux au plafond.
— Arrête de mentir !
— Je ne mens pas. Je vais bien. Et je ne comptais pas...
— J'ai parlé avec Jason, il m'a dit que t'étais pas comme d'habitude, le contredit-il. Et même Majid, quand je lui ai posé la question, il m'a dit que t'étais pas dans ton assiette. Et c'est normal ! Faut pas que tu restes seul, Coleen, sérieux ! »
Le jeune homme soupira, mais aussitôt, ses pensées lui échappèrent. Pourtant, il ne cessait de les contrôler depuis son accident, luttant chaque minute pour rester maître de lui-même. Mais malgré lui, à certains moments, il sentait son cœur s'emporter dans sa poitrine sans qu'il ne puisse le réfréner.

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Nikita
RomansaMai 2013. En plein cœur du Marais, la nouvelle loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sur toutes les lèvres. Nikita est un jeune homosexuel dont les charmes ne déplaisent pas à ses clients. Il ne semble néanmoins pas du tout intéressé...