Avec son short en jean qui s'arrêtait au niveau des cuisses, son tee-shirt d'un blanc éclatant, ses tennis rouges, son sac en bandoulière sur l'épaule, ses lunettes de soleil au-dessus du front et l'appareil photo de Majid pendu autour du cou, Nikita incarnait le parfait cliché du touriste de base. Il ne manquait pas de se faire repérer dans à peu près tous les endroits où il mettait les pieds, même si à une telle période de l'année, il n'était pas le seul à fleurer bon le vacancier. Cependant, avec ses vêtements près du corps, sa chevelure blond platine et ses lunettes immenses à effet miroir, il passait difficilement inaperçu.
Néanmoins, Nikita n'aurait troqué son short pour rien au monde. Il faisait si chaud à l'extérieur qu'il mourait d'envie la plupart du temps de se balader en slip, une tenue fort peu adéquate quand il s'agissait de déambuler dans des musées et surtout des églises. Par bonheur, les murs épais et la ventilation de la plupart des bâtiments qu'ils visitaient depuis deux jours lui offraient un peu de répit entre deux balades dans les rues animées de Rome. C'était d'ailleurs pour cela que Nikita avait sauté sur l'occasion quand Majid lui avait proposé de faire un tour dans le musée capitolin, peu après avoir déjeuné à la terrasse d'un bon restaurant.
À cette heure-ci, le musée était vide. Comme d'habitude, ils avaient mangé très tôt pour éviter la foule aux heures de pointe et se décaler par rapport à la population locale. Ainsi, ils ne rencontraient quasiment que des vigiles qui incitaient les quelques rares touristes à garder téléphones et appareils photos dans leurs poches ou leurs sacs, une demande que Nikita trouvait plutôt saugrenue, et quelques badauds venus là, comme eux, pour se cultiver et se rafraîchir un peu.
Après avoir profité du bon air frais, Nikita avait emboîté le pas de Majid, qui ne semblait jamais souffrir ni du chaud ni du froid. En bermuda à multiples poches et chemise, il se déplaçait avec une aisance que Nikita peinait à reproduire. Il transpirait tellement qu'il était obligé de prendre deux douches par jour et ne cessait de s'éponger le front. Sans parler de la crème solaire qu'il avait achetée en catastrophe le lendemain de son arrivée et qu'il étalait sans cesse en espérant limiter les dégâts... Il avait déjà pris de bons coups de soleil, dont un fameux sur le nez, et pour être honnête, il ne ressemblait plus vraiment à grand-chose. La veille, il avait encore tellement chaud et ses épaules le brûlaient tant qu'il avait refusé de faire l'amour. Sauf sous la douche, avec de l'eau froide, mais Majid, ça le branchait pas vraiment, bizarrement.
Et ce qui le branchait, là, tout de suite, c'était une imposante statue d'Hadrien. Il faisait partie des rares empereurs romains que Nikita parvenait à reconnaître, ce qui n'était guère compliqué vu que c'était le seul qui portait une barbe. Enfin, la plupart du temps, il s'agissait de lui. Il y avait aussi Trajan, dont la coupe de cheveux et les traits l'avaient étrangement marqué. Il avait un peu plus de mal avec Auguste, ce qui exaspérait Majid, mais il se loupait rarement quand il s'agissait de César. Pour quelqu'un qui s'intéressait à l'art antique et à l'Histoire depuis seulement quelques mois, Nikita ne s'en sortait pas trop mal.
Ce dernier prit un peu d'avance sur son homme, découvrant seul l'allée suivante avec un plaisir certain. Ils étaient à Rome depuis deux jours et avaient déjà fait le tour de la ville, en passant par les musées du Vatican et la basilique Saint-Pierre qui avait laissé Nikita pantois. Sa mère était très croyante et ça lui avait fait quelque chose de se déplacer dans ce pur chef-d'œuvre. Il aurait aimé lui ramener une croix. Elle n'avait jamais voyagé et rêvait depuis toujours de se rendre à Rome pour caresser le pied de Saint-Pierre. Finalement, il s'était résigné à leur écrire une petite carte, en espérant que son adresse gribouillée dans un coin leur donnerait envie de lui répondre.
Le temps qu'il l'écrive et la poste, Majid revenait avec un petit chapelet en bois. Ils ne parlaient pas beaucoup de religion, à la maison, et par ailleurs, ils n'étaient pas tellement pratiquants. Chacun vivait avec ses croyances et respectait celles de l'autre. Et même si Nikita ne priait plus depuis longtemps, il avait aimé le sentir dans sa main, enveloppé dans son fin sachet en papier.

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Nikita
RomanceMai 2013. En plein cœur du Marais, la nouvelle loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est sur toutes les lèvres. Nikita est un jeune homosexuel dont les charmes ne déplaisent pas à ses clients. Il ne semble néanmoins pas du tout intéressé...