Mettant fin à sa contemplation des lieux, il vit lentement se dessiner le corps d'une femme face à lui. D'apparence jeune, la Pythie était en réalité âgée d'une centaine d'années. Sa physionomie préservée lui était accordée par les divinités antiques, cadeau de sa loyauté et de la ferveur qu'elle mettait à leur service. Il en allait de même de sa longévité, mais pour d'autres motifs. En effet, ceux-ci étant incapables de tisser un lien avec d'innombrables humains, ils préféraient s'attacher à un seul être pour plusieurs siècles, ceci afin qu'une véritable relation de symbiose se noue entre eux. L'augure Deïn était, par conséquent, encore une jeune prophétesse.
Vêtue d'un habit atypique, la pythura, elle resplendissait dans cet accoutrement divin à la couture parfaite. Il ne s'agissait pourtant que d'une robe de soie noire, mais l'étoffe du tissu accueillait des particularités rappelant les cinq éléments. A ses tibias, la jupe se découpait aléatoirement, mêlant des émeraudes à de minces cordons en soin brun. Plus haut, l'ébène de la manche droite s'éclaircissait en se rapprochant de l'épiderme pour n'y laisser qu'un céruléen très clair à l'extrémité d'une sempiternelle vague. Un saphir trônait au milieu des écumes. A l'exact opposé, le textile, plus court, se fragmentait en une composition de fils d'or jaune, rose et bleu au bout desquels se balançaient d'infimes diamants. Remontant jusqu'à son cou, la prêtresse avait l'épaule gauche dénudée, exception faite d'une bretelle bien solitaire. Comblant ce manque, un col se hissait de l'autre côté de son visage, pour se détacher ensuite et former une cape recouvrant son dos. Dessous, à l'abri des regards, une large partie de celui-ci se découvrait, chassée par l'imposant symbole d'une flamme.
Pour parfaire cette apparence, une tiare en argent habillait son front et ses longs cheveux marron-miel. Un saphir, une émeraude, un diamant, un rubis et un topaze paraient ce diadème, rappelant également le quintet magique. De magnifiques sandales hautes, en peau de licorne, mettaient enfin en valeur ses jambes fines. Cet accoutrement, cette œuvre ne surpassait toutefois pas la beauté de celle qui la revêtait, mais l'accentuait pour la sublimer.
— Bienvenue dans ce sanctuaire. Avez-vous pensé à amener un objet appartenant à l'enfant ? s'enquit-elle de sa voix cristalline.
— Un objet ? Ah... euh... oui, bien entendu, réussit-il à bredouiller, reprenant difficilement contenance. Tenez, il s'agit de la gourmette que lui ont offerte ses défunts parents.
— Je suis désolée de l'apprendre, répondit-elle, tout en recueillant dans sa paume le bijou qu'il lui présentait.
Elle l'examina avec minutie, s'attardant un instant sur le nom qui y était gravé :
— Velriade ?! lut-elle, interloquée. On ne saurait choisir plus beau nom que celui porté par la déesse de l'espoir. Sûrement une coïncidence, vu que le monde les a oubliés, glissa-t-elle ensuite dans un murmure rempli d'amertume que l'oncle ne manqua pas d'entendre.
Une fois ce court, quoique utile, examen effectué, elle lui rendit le bracelet de sa nièce. Le fugace contact avec sa peau douce le fit se perdre un instant dans ses pensées. Néanmoins, ne voulant pas paraître vulgaire, il s'obligea à réagir à son dernier commentaire :
— Je ne suis pas convaincu. Leurs noms résonnent encore chez bon nombre d'entre nous, même si quelques modifications ont pu y être apportées.
— Peut-être bien... lâcha l'Augure, avant d'arrêter ses pupilles émeraudes vers un recoin désert de la pièce. D'une voix moins assurée, elle reprit alors : Je... je crois que jamais, vous, vous ne les oublierez. Je suis contente de vous avoir... revu, conclut-elle, après quoi elle s'assit sur son banc et ferma les yeux.
Il attendit quelques secondes, guettant une quelconque évolution de la situation. Rien. Elle semblait dans une pose méditative, qui le laissa pantois. Ses deux précédentes visites avaient pourtant porté leurs fruits, la Pythie lui ayant offert ce qu'il était venu quémander. Elle avait distillé toutes les indications concernant l'éclat de vie de ses enfants, avait même dansé et chanté pour sa fille. Alors pourquoi, cette fois-ci, se faisait-il éconduire comme un fieffé voleur ? S'était-il montré inconvenant, avait-il blessé sa fierté par quelque mot déplacé ?
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Santo Karian à Hélinna (T1)
FantasySanto Karian, Velriade Lius. Tout les oppose. Son père appartient au gouvernement, là où sa famille le combat. Malgré cela, à la faveur d'un drame commun, l'opportunité leur sera donnée de se rencontrer. Envoyés à Hélinna, l'école de magie, pour fui...