4 - Early

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         « Naël !!, m'appelle ma mère d'en bas.

Je retire mes deux doigts de ma gorge, et regarde le fond des toilettes. Ci-gît une purée immonde blanchâtre, la formidable transformation que mon estomac a jugé bon d'offrir aux aliments que j'ai dernièrement ingurgité.

Mes doigts sont sales, poisseux. Mon estomac me brûle et fais des loopings à peine contrôlés dans mon ventre. Et mon vomi au fond de mes WC me nargue, dans son état liquide et répugnant. « Alors, pas capable de penser à ta meuf sans gerber, sale dépressif ? », semble-t-il m'insulter.

- Oui Maman..., dis-je d'une voix faible, avant de vomir une seconde fois.

Le haut de mon pyjama noir est plein d'éclaboussures peu ragoûtantes, et j'en ai autour de la bouche. Je me dégoûte.

Je suis allongé sur la cuvette des toilettes, mes larmes se mélangeant avec cette mixture douteuse que forment mes rejets, en train de vomir toute mon âme et de pleurer la mort d'une fille qui se l'est donnée consciemment.

- Naël !! Descends !!

Pourquoi descendre quelque chose si ce n'est pas moi ?...

- Maman, je suis malade... », continue-je de cette même voix pathétique.

« Naël... Je-... Je suis malade...

- Q-Quoi ? Ça va ?! Qu'est-ce qu'il y a ?!

- J'ai... J'ai mal au ventre, e-et... Je n'arrive pas à me lever de mon lit pour aller vomir... Même attraper mon téléphone sur ma table de nuit... A été une épreuve..., murmure la voix tremblante de ma courageuse Flew.

- Oh mon Dieu, Flew...

- T-Tu... Tu dois venir... J'ai besoin... Que tu viennes...

- Bien sûr. Bien sûr, mon cœur. J'arrive tout de suite.

Je mets mes chaussures, attrape mon téléphone et mon manteau, puis cours vers chez Flew. Je dois faire vite. Elle a besoin d'aide.

J'arrive essoufflé devant son immeuble que j'ai déjà vu tant de fois. Je compose le digicode, toujours le même. Je me suis senti si spécial quand elle me l'a donné... J'avais l'impression... Qu'elle me donnait les clés de chez elle, en quelque sorte...

Alors je rentre, je monte les escaliers jusqu'au sixième étage de son immeuble, et je toque à la porte. Mais je me souviens soudain qu'elle n'est même pas capable d'aller jusqu'à ses toilettes. Donc venir m'ouvrir la porte semble impensable. Par conséquent, je baisse la poignée de sa porte d'entrée et entre dans son appartement, qui embaume l'encens, comme souvent.

Je me précipite dans sa chambre, et l'y trouve, gisante, aussi pitoyable qu'une larve coincée dans son lit. Je passe un bras sous ses bras, et l'autre sous ses genoux, et la porte jusqu'aux WC. Elle se penche par réflexe et vomit dans les toilettes.

Je retiens mes nausées.

- Merci, Naël... Je... Je suis désolée de te faire voir ça...

Oui. D'habitude, quand je suis malade, je crie jusqu'à ce que ma mère vienne. Mais Flew vit seule, quelquefois avec sa sœur. Alors quand elle est malade... Elle doit se débrouiller.

Elle continue de vider son estomac, et calmement, je dégage son visage de ses mèches rousses pour les rassembler en une queue de cheval improvisée.

- N-Naël...

Une larme coule sur sa joue rose, et elle vomit de plus belle. Elle déteste cette situation. Je le sais. Flew hait montrer ses faiblesses au monde. Comme chacun, j'imagine. Mais Flew ne pleurera jamais devant quelqu'un. Elle ne demandera jamais de l'aide, et le refusera si on lui en propose. Elle ne sera jamais vulnérable, parce que Flew est la personne la plus courageuse que je connaisse. Alors le fait de m'avoir appelé pour me demander de l'aide... Ça veut dire qu'elle m'aime vraiment, qu'elle a confiance en moi.

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