Je pousse une dernière fois la porte de ce satané appartement, qui est désormais barré par des bandes jaunes m'interdisant d'y pénétrer. Mais je n'y prête guère attention. J'ai plus important à faire.
Je te dis au revoir, Flew. Je dis au revoir à ton appartement.
Ce canapé où l'on s'asseyait pour critiquer les gens de la télévision. Cette table où on a préparé des pâtes bolognaises juste pour essayer de s'embrasser comme dans la Belle et le Clochard, ce qui fut un échec cuisant. Ce parquet sur lequel où s'est écroulé de rire après avoir dit que le professeur de physique ressemblait à Monsieur Sapin. Ces rideaux derrière lesquels on s'était cachés quand on a eu peur de la petite fille de The Ring.
Au revoir, tout ça.
Je caresse la boîte à bijoux de ma petite-amie décédée. Sa précieuse boîte à bijoux... Remplie de ses boucles d'oreilles en émeraude... De son collier gagné à la fête foraine quand on avait onze ans... De sa bague en plastique trouvée dans le dernier Kinder Surprise que sa mère lui a acheté.
Nostalgique, je l'ouvre pour jeter un ultime coup d'œil à ces objets qui avaient tant de valeur pour elle. Mais au dessus de toutes les chaînes et des éclats d'or, j'aperçois un bout de papier, plié en quatre. Je l'ouvre, et mon cœur se serre quand je reconnais l'écriture de l'amour de ma vie.
« Naël. Naël, mon amour.
Je suis désolée... »
Je m'arrête de lire et la fourre dans ma poche, referme la précieuse boîte et sors de chez elle sans regarder la fenêtre fatale. Celle qui a causé sa mort. Je n'en ai pas le courage. Pardonne-moi, Flew.
Je marche dans la rue, longuement, mes pieds me guidant naturellement à travers ces rues que j'ai exploré avec toi.
Mes jambes me portent pendant d'interminables minutes, traversent des passages cloutés, des longs trottoirs en béton noir, et des chaussées vides et impersonnelles. Je marche, je marche jusqu'à m'arrêter.
Je monte et me mets debout sur la barrière, sentant le vent fouetter mon corps maigre. Oui, j'ai bien dû perdre dix kilos à force de ne rien manger et de vomir sans rien avaler pour compenser. Comment est-ce que tu appellerais ça, Flew ? Tu ne m'appellerais plus « mon petit maigrichon », ça c'est sûr. « Mon mort vivant d'amour » ? « Mon adorable squelette » ? Je sais que tu saurais te foutre de ma gueule, comme toujours.
Les voitures derrière moi filent à toute allure, sans s'arrêter, et je regarde le fleuve qui s'écoule devant moi, à perte de vue. Je t'avais promis qu'on irait voir l'océan ensemble, Flew. Je suis désolé. Une fois de plus, je n'ai pas pu tenir ma promesse.
Une larme dégouline le long de mon visage et me démange la joue.
Oui, je ne suis plus qu'un squelette ambulant qui pleure du matin jusqu'à la nuit tombée. Tu vois ce que tu as fait de moi, mon satané amour ?
Je savais que tu m'apporterais des ennuis. Des punitions, des amendes et des réprimandes, je m'y attendais. Mais pas ça. Pas ce genre de douleur infinie qui me coupe la gorge et la respiration toute la journée.
Je sors la damnée lettre de Flew. Une lettre de suicide.
Alors finalement, elle a pensé à moi.
Je laisse mes yeux parcourir les mots écrits à l'encre bleue. Sa plume et ses lettres arrondies, un peu trop penchées vers la droite. Mes larmes obstruent ma lecture en éparpillant l'encre diluée sur le papier trempé.
Oui. Je ne peux pas lire les raisons de ta mort sans pleurer. Certainement pas.
Et tu as signé. « Allie Divin », as-tu écrit à la fin. Tu as signé sous ton nom de naissance, comme pour une boucle sans fin. Comme si tu n'avais jamais existé. Comme si ce n'était pas toi qui m'avais tenu la main sous le ciel étoilé. Comme si tu n'étais pas celle qui me serrait dans ses bras devant tout le lycée. Comme si tu n'étais pas l'idiote qui m'avait brisé le cœur.
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f l e w
Teen FictionFlew est libre. Libre comme l'air, comme un oiseau errant, cherchant sa place dans ce monde erroné. Tellement erroné que pour s'en échapper, Flew s'est envolée. Mais en faisant ce choix, elle a répandu ses épines tout autour d'elle. Et la plus gros...