L'eau ne coule plus, ni les larmes. Assise nue sur le sol de sa salle de bains, Lucie regarde dans le miroir. Que voit elle? Moi je vois une fille seule, triste, face à elle même, une fille brisée et délaissé par tous y compris par elle, je me vois dans ses yeux. Elle se leva, s'approcha du miroir et se regarda de plus près, des souvenirs se mélangent dans sa tête refaisant surface comme des carcasses échouées. C'est avec le même regard vide que Lucie détourne son regard sur sa droite où elle vit une petite paire de ciseaux, quelles belles pointes, si tranchantes et si aiguisées. L'adolescente pris cette paire de sa main droite et regarda son bras gauche, si blanc, si doux et sans défense face à ses lames. Elle qui s'était jurée de ne plus jamais le refaire, la voilà qui pose la pointe des ciseaux sur son avant bras, elle tourna sa lame pour faire une ligne horizontale à son bras, puis enfonça la pointe. La peau résiste dans un premier temps puis sous la force de la lame, finit par se faire ouvrir, Lucie avance lentement la lame à droite, creusant une nouvelle tranchée sur sa peau. Le sang commence à couler lentement en sortant timidement des veines de Lucie, elle sortit la lame rougit puis recreusa un nouveau sillon. Alors que ses dernières cicatrices venaient de disparaître de son bras, de nouvelles font leur apparition en ce jour, le bras de Lucie n'avait jamais été aussi creusé, le sang glissa le long de son avant bras jusqu'au coude puis tomba sur les petits pieds humides de Lucie. L'eau et le sang se mélangent sur le corps de Lucie, et de ses yeux, plus aucune larme. Rien, pas de larme, ni même de regard, des yeux aussi vides que les fonds marins...de si beaux yeux, noyés dans des souvenirs sans fond.
Après une dure nuit de sommeil enrobée dans ses bandages, Lucie se réveilla les cernes tombantes et la tête vide, comme si rien ne s'était passé et que ce n'était qu'un rêve. Mais ses bandages étaient là pour lui rappeler la vérité, elle décida de les enlever pour voir comment la cicatrisation avançait. Les trous étaient rebouchés mais étaient maintenant recouvert de grosses cicatrices qui faisaient du relief sur son bras, cette fois ci il y a peu de chances qu'elles disparaissent. Dans le reflet de ses scarifications lui apparut le visage de son meilleur ami, Tom! Elle devait le retrouver aujourd'hui dans la forêt, quelle heure est il? Midi est déjà passé! Lucie se jeta hors de son lit et s'habilla du plus vite qu'elle pût, ne prit pas le temps de serrer correctement ses lacets, ni d'attacher sa veste ou encore de se coiffer, pas de maquillage non plus, Lucie ne prit que la peine de prendre ses écouteurs pour le trajet. Elle sortit de sa maison et franchit son portail, alluma son téléphone et lança sa chanson préférée avant de partir, « Voices » de Motionless In White.
C'est par un beau dimanche de Mai que Lucie pénétrait dans la forêt, se glissait parmi les chemins broussailleux, les champs de fleurs fraîchement nées et parmi les odeurs que renferme la nature baignée dans la lumière chaleureuse d'un grand soleil isolé de tout nuage. Ella passa devant une aire de jeux pour enfants où ces derniers profitaient des derniers instants du week end avant de reprendre les cours, puis s'arrêta. Elle vit au loin une fine silhouette noire immobile sur le rebord du grand pont au fond du chemin au dessus de la rivière, aucun doute que ce soit Tom. Lucie continua sa route vers le garçon qui lui, ne l'avait pas encore vu arriver. Tom était un garçon fort mince pour son âge, mais ce n'est pas le manque d'appétit qui lui rongeait le corps, mais sa tristesse. Le jeune homme souffre de lypémanie, et si les cicatrices sur les bras de Lucie sont des phénomènes rares chez Tom elles sont monnaie courante. Quotidiennement battu par son père et n'ayant jamais connu sa mère, sa vie à la maison était difficile et c'est pourquoi il sortait le plus souvent qu'il pouvait dans la forêt pour s'y réfugier et échapper à ses démons. Tom était le meilleur élève de la classe de Lucie et tous les deux étaient meilleurs amis, ils se disaient tout et ne cachaient rien à l'autre. C'est donc sur cette rembarre de pont que Tom attendait son amie, il était là à regarder le fond de l'eau le regard vide et la manche relevée, le bras recouvert de cicatrices vieilles comme neuves. En entendant du bruit s'approcher il rabaissa immédiatement sa manche et se tourna.
-Tiens, mais regardez qui voilà! S'exclama t'il.
-En chair et en os...et avec un peu de retard on dirait. Plaisanta Lucie.
-Et sans maquillage en plus, ça change un peu.
-J'ai vraiment pas eu le temps de me préparer je viens de me réveiller.
-T'étais pas obligée de te presser je pouvais attendre encore un peu ici, c'est calme et niveau sonore...ça claque.
Lucie sourit.
-Tu m'emmènes où aujourd'hui? On va à la caverne?
-Nan pas aujourd'hui, faut que je te montre un endroit.
-Où ça?
-C'est pas très loin, mais tu le connais déjà, tu vois La Croix en haut de la falaise là bas?
Tom pointa du doigt le somment d'une falaise à une centaine de mètres d'eux.
-Cette croix? Tu sais comment y aller?
-Ouais, et le chemin est juste là. On y va? Dit Tom en s'avançant vers le chemin.
-Carrément! Répondît Lucie le sourire aux lèvres.
Tom s'arrêta et se retourna.
-T'as l'air joyeuse aujourd'hui, tu souris plus que d'habitude.
-C'est à toi de sourire, je te préfère comme ça.
-Ca veut dire que là je ne suis rien? Dit Tom ironiquement
Lucie compris l'ironie et entoura son bras autour de Tom, se collant à lui en marchant.
- Mais bien sûr que non, réfléchi un peu, je t'aime comme t'es. Dit elle en riant.
- Je sais moi aussi, c'est pour ça qu'on est des amis.
-...ouais, t'as raison...
Les deux amis continuèrent de marcher dans les chemins de la forêt claire. En réalité le trajet était plus long que ce qu'avait décrit Tom, mais cela leur laissait le temps de discuter, des derniers films au cinéma, du dernier album de Slipknot, de leurs camarades de classes et des potins de l'école. C'est après un long moment, au beau milieu d'un sentier sombre où la chaleur du soleil ne venait s'y aventurer que les deux amis virent la lumière au bout du chemin. Le ciel bleu se dessine à l'horizon au fur et à mesure que Lucie et Tom se rapprochent, puis les voici arrivés au bord de la falaise, quel magnifique vue ils avaient la chance de contempler. Un ciel bleu comme l'océan qui caressait les fines branches des arbres de la forêt où une douce lumière venait s'y réfléchir comme le soleil sur la mer, et sur cette falaise, au dessus de tout, les deux rois contemplaient leur royaume. La Croix était devant eux, au pied du vide, Lucie tourna autour la voyant pour la première fois d'aussi près.
- Vu d'ici, c'est carrément différent, elle me paraissait pas comme ça d'en bas.
-Pourquoi? Tu la voyais comment d'en bas?
-Comme une croix normale, mais là je trouve qu'un truc glauque se dégage.
-Tu devrais devenir médium t'arrive à lire dans les croix. Dit Tom sous le ton de l'humour.
-Pourquoi?
-Car cet endroit est maudit. Dit Tom de sa voix la plus rauque et lugubre.
Un silence s'installa, puis Lucie se mit à rire.
-Pendant un instant j'ai failli te croire, t'es con.
-Je suis sérieux, c'est mon grand père qui m'en a parlé, après ça reste qu'une histoire donc tu crois ce que tu veux, mais ce qui est sur c'est que des choses bizarres ont eu lieu sur cette falaise...tu veux savoir quoi?
Lucie s'assit sur le rebord de la falaise.
-Je t'écoute père castor, fais moi peur.
-Et bien quand mon grand père habitait encore en bas à côté de la forêt, il devait avoir 30 ans. Il y a donc 50 ans, un groupe de sœurs d'Eglise en pèlerinage s'était arrêté dans le village, les habitants les ont accueillis à bras ouvert et de ce que m'a dit mon grand père elles aussi étaient amicales. Les sœurs étaient hébergées par groupe de 3 chez les habitants, seulement voilà, le lendemain au réveil un groupe de sœurs n'était plus que 2.
-On dirait une histoire d'horreur flinguée produit par la Blumhouse. Interrompît Lucie.
- Mais c'est une histoire vraie, on a retrouvé la sœur qui avait disparu, elle s'était enfuit la nuit pour rejoindre cette falaise, et elle s'y est jetée.
-Tu veux dire qu'elle s'est suicidée?
-C'est ça, t'imagines la folie que ça a été dans un village de chrétien comme ça? C'est quand même pas commun une bonne sœur qui se jete d'une falaise pour finir empalée par les arbres d'en bas.
-Attends elle s'est faite empalée dans sa chute?
-Oui, et c'est pour ça qu'on a mit une croix ici. Après l'histoire a 50 piges donc c'est un peu normal qu'on en parle plus mais quand même, c'est pas dingue ça?
-De toute façon on est tous athées ici maintenant donc je vois pas qui ça va faire flipper ton histoire...Mais l'endroit vaut le détour.
Tom s'assit à son tour à côté de Lucie.
-Je trouve cet endroit vraiment beau, c'est reposant, et la vue en dessous est belle aussi. Je comprend pourquoi elle a sauté, quand tu vois ce qu'il y a sous nos pieds.
Lucie prit Tom autour de son bras droit et posa sa tête contre lui.
-Dis pas ça, tu sais que c'est pas vrai...
Tom semble réveillé par le geste de son amie, il reste immobile. Lucie lève les yeux vers son ami.
-Quelque chose ne va pas?
Tom baisse son regard vers les yeux de Lucie, il les regarde un instant puis se rétracte à nouveau, comme s'il fuyait quelque chose.
-Nan oublie, je suis sûrement en train de retomber dans une phase mais t'en fais pas ça va passer, je commence à en avoir l'habitude.
-Et elle remonte à quand ta dernière phase?
-Je suis toujours dedans, je l'ai toujours été.
-Et les fois où on se retrouve, quand t'es avec tes amis, tu vas me faire croire que t'es dedans?
-Ouais, mais grâce à vous j'arrive à l'oublier, mais ce n'est pas pour autant que j'en sors.
Lucie ne sais quoi rétorquer, c'est gentil ce que lui dit Tom, mais c'est triste pour lui. Et puis...est il gentil seulement pour être gentil? Pourquoi est il si gentil avec Lucie? Est ce qu'il lui cache quelque chose? Lucie se pose bien trop de questions pour de si pauvres phrases perdues dans une bête discussion. Et à force de trop réfléchir elle ne sait toujours pas quoi répondre à son ami, voilà le silence qui s'installe, mais pas un silence de gêne, plutôt un silence calme, paisible et reposant. Ils n'avaient pas besoin de parler pour se sentir bien, la présence de l'autre suffit.
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TERREURS NOCTURNES
HorrorLes terreurs nocturnes sont des troubles réels du sommeil touchant environ 5% de la population française. Mêlant hallucinations, cauchemars éveillés et crises d'angoisses, dans des cas extrêmes la terreur nocturne peut conduire à la folie voire la m...