Fender - (BxB)

08.

Il ne m'a pas fallu bien longtemps avant de retrouver le mystérieux Gibson debout, une rue plus loin ,entrain d' hurler à pleins poumons sur des pigeons. Il avait l'air totalement hors de lui, il tremblait de rage, et semblait à deux doigts de faire une syncope.

Je ne connais pas ce gars, et je ne devrais pas m'en soucier, mais il semble être dans une telle détresse émotionnelle à cet instant que je ne peux me résoudre à le laisser dans cet état, au beau milieu de la rue qui plus est. 

Et je ne suis pas stupide, j'ai bien vu la réaction de ma tante, elle n'était pas normale, elle semblait mi-choquée, mais aussi extrêmement honteuse. Honteuse de la conversation, mais surtout honteuse que j'ai été témoin de la scène. Elle avait quelque chose à cacher, c'est certain, alors j'ai pris mon courage à deux mains, je suis descendu de mon vélo, et je me suis doucement approché de la bombe à retardement. 

Tu peux le faire Félix...

- Euh salut .... Tout va bien ?

Gibson arrêté son monologue Shakespearien est s'est violemment retourné vers moi. Il m'a lancé un regard noir et perçant, avant de me tourner le dos et de s'apprêter à repartir. Il fallait que je fasse quelque chose avant qu'il ne me file entre les doigts pour de bon, et que toutes mes questions restent définitivement sans réponses.

- Attends ! S'il te plaît. Tu ne devrais pas marcher tout seul dans cet état, c'est dangereux. Je ne sais pas qui tu es, ni le lien que tu as avec ma tante, ou encore Fender, et avec moi du coup, mais s'il te plaît, arrête toi, et parlons-en. 

- Je ne veux pas parler avec toi, c'est Fender que je veux. Il doit savoir ! Tout le monde doit savoir !

- Savoir quoi ? Je ne comprends pas !

- Tu n'es pas très malin toi à ce que je vois ... Tu as tout les indices sous les yeux, et pourtant tu n'arrives toujours pas à recréer le puzzle dans ta jolie petite tête ? Pitoyable.

- Mais arrête de m'insulter, et explique moi bon sang !!

- FENDER EST MON FRÈRE, ESPÈCE D'ABRUTI !!!! L'autre aussi, mais seulement mon demi frère ... Toi t'es rien par contre.

- .... Mais .... mais c'est impossible enfin ! Ma tante habite a côté de chez moi, je pense que je l'aurais vu si elle avait de nouveau été enceinte...

- On a seulement 2 ans de différence banane, tu étais trop petit pour te rendre compte des choses. Et l'autre gosse n'en parlons pas !

- Preston, il s'appelle Preston.

- Je m'en contre balance ! Il ne m'intéresse pas, et toi non plus. Alors dégage, je dois trouver Fender.

- Il est à l'université, il ne reviendra qu'aux prochaines vacances. Tu vas attendre longtemps ...

- PUTAIN !!

- Écoute mec, il fait froid, et on est tous les deux trempés. Tu es de toute évidence bouleversé, ce qui est normal, alors laisse-moi t'emmener manger un truc, et tu me raconteras toute l'histoire. Parce que je ne pense pas que ma tante le fasse, et franchement, t'as besoin de parler à quelqu'un, tu vas exploser sinon ...

- Mais j'ai pas envie de te parler !

- Moi j'avais pas envie de jouer le ver de terre de la pièce de l'école quand j'avais 9 ans, et je l'ai quand même fait. On ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie mon vieux. Suis-moi, le Mcdo n'est pas loin.

Je ne pensais pas vraiment qu'il viendrait, mais il l'a fait, il a marché en silence à mes côtés pendant le reste du trajet.  Ensuite, on est allé se trouver une place isolée à l'étage, on a mangé nos hamburgers et nos frites, on a bu nos boissons, on ne s'est pas adressé la parole de tout le repas. Quand j'osais regarder dans sa direction, tout en faisant attention à ce qu'il ne le remarque pas, je le voyais être tiraillé. Son visage était fermé, ses sourcils froncés, sa mâchoire contractée, il luttait pour garder le silence. Je peux le comprendre, moi non plus je ne saurais pas raconter ma vie à un inconnu.

Mais j'avais beau comprendre son comportement, je lui en voulais un peu quand même. Je voulais savoir, j'avais besoin de savoir, car je suis une personne très curieuse de nature, et son histoire a bien évidemment titillé ma curiosité.

- Gauthier

Pris dans mes pensées, je ne m'était pas rendu compte qu'il m'avait adressé la parole, un peu surpris, je lui ai demandé de répéter. Ce qu'il a fait, en y ajoutant le reste de l'histoire par la suite.

- Gauthier. C'est mon nom de famille, celui de Fender aussi, du moins ça l'était sans doute à sa naissance. Notre père Phil Gauthier, était le premier mari de ta tante, mais il était violent, alors elle est partie, et a emmené Fender avec elle. La suite tu l'a connais pas besoin de tel'expliquer. Sauf que ce que tu ne sais pas, c'est qu' après la naissance de ton cousin, pas mon frère, l'autre.

- Preston.

- Ouais... Après sa naissance mes parents se sont recroisé. Papa a fait croire à maman qu'il avait changé, et qu'il voulait le lui prouver en étant son ami, et mère a accepté. Mais un soir, ça a dérapé, et ta tante a couché avec mon père, sans protection. Quand elle a compris qu'elle était enceinte, elle a eu honte, elle ne voulait pas que ton oncle le sache. Pendant les 3 premiers mois, elle a su le cacher, mais quand c'est devenu trop compliqué à dissimuler, elle a demandé à sa patronne, qui était dans la confidence, de l'envoyer occuper un poste à l'autre bout du pays, le temps que sa grossesse se termine. C'est stupide, elle aurait juste dû expliquer à ton oncle qu'elle voulait un autre enfant, ils auraient baisé, et elle n'aurait eu qu'à me faire passer pour un Augier ... 

- .....

- Quand je suis finalement arrivé, elle a appelé ma grand-mère paternelle qui est venue me chercher. Elle ne m'a même pas reconnu, je n'ai pas de mère sur mon acte de naissance, c'est génial hein ?

- Je suis tellement désolé ....

- J'ai vécu toutes ces années chez un père homophobe, alcoolique et violent ... Quand ma grand-mère mourante m'a enfin appris la vérité, car elle voulait laver son esprit de vieille conne avant de crever, j'étais heureux. J'ai fait des recherches avant de venir. Je savais pour Fender, Pringles, ...

-Preston ...

- ... et toi. Une fois que j'ai trouvé l'adresse de maman, j'ai fait ma valise, et je suis venu ici. 18 heures de bus quand même ! 

Il a ponctué sa dernière phrase d'un petit rire nerveux, avant de continuer.

- Tout ça pour quoi ? POUR ETRE JETÉ COMME UNE MERDE POUR LA DEUXIÈME FOIS, PAR LA FEMME QUI M'AVAIT DÉJÀ ABANDONNÉ !!!

Gibson s'est remis à pleurer. Moi aussi. J'avais commencé il y a de ça un bon moment. Mais moi contrairement à lui, je ne savais pas pourquoi je pleurais. Avais-je de la peine pour lui ? Étais-je déçu du comportement de ma tante ? Est-ce que j'en voulais à Gibson d'avoir ruiné l'image parfaite que j'avais de ma famille en seulement quelques minutes ? Non, ça serait égoïste de ma part. 

Je ne savais pas pourquoi je pleurais, mais je savais qu'elle était la bonne chose à faire. Je me suis levé, j'ai contourné la table, et j'ai pris Gibson dans mes bras. Il a continué de pleuré. Il a pleuré, pleuré, et pleuré encore. Il a également déversé l'entièreté de sa morve sur la manche de mon pull. Mais c'est pas grave, ce n'est pas le plus important en ce moment. Le plus important, c'est d'être là pour lui.