Chapitre 2 - Une fuite bien compromettante

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« Vince... Vince !!!, bon dieu qu'est-ce que tu fou ??? »

Le visage congestionné, le shérif entreprit non sans mal de grimper les escaliers, non sans maugréer non plus. Quelques secondes plus tard, il se trouvait au seuil de la chambre. Seul. Il continuait à appeler son collègue. En vain.

Après avoir rassuré les enfants, Eyre leur demanda de rester sagement à jouer dans le salon et suivit le shérif qui se trouvait déjà dans la chambre à coucher.

« Ils ne se sont quand même pas évaporés ! Eyre, peux-tu me dire ce qui se passe ici ? » Aboya le shérif.

« Que veux-tu que je te dise ? Je n'ai rien vu ni entendu de plus que toi. » menti Eyre occultant soigneusement le fait qu'elle avait bien entendu le léger bruissement du corps de son mari glissant dans le tunnel de secours quelques minutes auparavant.

Le shérif sautait maintenant dans tous les sens, énervé à l'extrême, fulminant et suant comme un taureau qui venait de perdre la première manche. Un instant il s'arrêta et un bruit sourd se fit entendre du côté du dressing.

« C'est quoi ça ? » dit-il en désignant la grande porte laquée.

« Notre dressing, je vais l'ouvrir. » répondit Eyre tout en s'approchant de celui-ci.

D'un geste souple, Eyre fit s'ouvrir la porte derrière laquelle gisait le pauvre Vince qui semblait avoir vieilli de 10 ans, le regard perdu, les lèvres tremblotantes et les yeux rougis par la douleur. Il déglutissait difficilement et tenta immédiatement de s'expliquer. Mais les demi-mots incohérents qu'il peinait à dire n'aidaient en rien le shérif qui fit irruption dans le dressing remuant tout ce qui s'y trouvait pour tenter de trouver Aléo. En vain, évidemment.

« Dis-moi comment il s'est enfui avant que je ne t'arrête pour complicité dans cette histoire !» grinça le policier, s'adressant à Eyre qui avait du mal à contenir un petit sourire amusé devant la scène incongrue qui s'offrait à elle.

« Et bien je suppose qu'il s'est enfui par le système d'évacuation d'urgence, je ne vois que cela. Il a dû prendre peur et, entre nous, je ne crois pas un seul instant qu'il ait pu commettre le moindre meurtre. A sa place je pense que j'aurais fait la même chose, tout ceci me semble des plus suspects. » répondit Eyre sans se laisser démonter.

« Je vais te dire ce qui est suspect : quand on a rien à se reprocher, on ne s'enfuit pas. Alors, maintenant, tu vas me dire où il a bien pu aller, tu dois bien en avoir une idée non ? Et dans ton intérêt et dans celui de tes gosses, je te conseille de coopérer. » Menaça-t-il.

« Malheureusement, non, je n'en sais rien. Il a pu aller n'importe où. S'il a suivi à la lettre la procédure d'évacuation, son astronef l'a déjà emmené très loin. Et il me semble que cet appareil est indétectable aux radars ordinaires, alors, tu peux me menacer de ce que tu veux, cela ne changera pas grand-chose. » répondit Eyre qui se demandait quand même pourquoi le shérif devenait si discourtois envers elle. Certes, Aléo était parti un peu précipitamment et avait un peu amoché son adjoint mais cela pouvait-il à ce point le faire tomber dans cette attitude des plus irrespectueuses ? Ou bien cela cachait-il quelque chose de plus insidieux ?

Le shérif se ravisa et aida Vince à se relever, ce qui ne fut pas simple. Vince donnait vraiment l'impression d'être passé dans un tambour de machine à laver. Eyre lui avança une chaise et il s'y laissa tomber dans un bruit sourd. La chaise émit un gémissement inquiétant mais tint miraculeusement le coup.

« Comment utilise-t-on ce passage d'évacuation ? » demanda ensuite le shérif.

Eyre lui montra alors le panneau de commande d'ouverture de la trappe et l'actionna. Pour la seconde fois ce soir-là, la trappe s'ouvrit sans bruit, dévoilant le passage secret. Le shérif resta pensif quelques instants devant l'étroitesse relative de ce tunnel. S'il s'y introduisait, ne risquait-il pas de rester coincé ? Voulant éviter une cuisante déconvenue, il se résigna à demander simplement à Eyre où menait ce tunnel. Sans tergiverser, Eyre conduisit le shérif au sous-sol là où débouchait le tunnel. Sans un mot de plus, Eyre emmena le shérif au dehors via le second tunnel, un peu plus large celui-là. Ils ne purent que constater l'absence de l'appareil qui venait de décoller quelques minutes plus tôt.

« Retournons à l'intérieur. J'espère que Vince a repris ses esprits. » marmonna le shérif.

Ils rentrèrent donc dans la maison, remontèrent à l'étage et retrouvèrent là où ils l'avaient laissé le pauvre Vince qui n'avait pas bougé d'un pouce et qui ne semblait guère en meilleur état. Au moins tenait-il toujours sur sa chaise ce qui constituait en soit une petite victoire sur les lois gravitationnelles en vigueur sur cette planète !

Eyre voulu s'occuper des enfants et s'apprêtait à redescendre lorsqu'un crépitement inhabituel dans la chambre détourna son attention. L'ancien Intercom annonçait ainsi l'arrivée d'un message. Le shérif, trop occupé à remettre Vince sur pieds, n'avait rien remarqué. Discrètement, Eyre fit taire le grésillement de l'appareil. Elle aurait bien le temps de consulter le message un peu plus tard. Le shérif ne pouvait pas l'emmener, sous aucun prétexte.

Elle rejoignit les enfants dans le salon. Ils n'avaient pas compris ce qui se passait et étaient terrorisés malgré la tentative d'Eyre de les rassurer. Le plus âgé des deux demanda à sa maman : « il va aller en prison papa ? » - « Mais non mon chéri, ne t'inquiète pas. Ton papa a dû partir pour quelques jours et il m'a dit de vous embrasser très fort. » Eyre dut prendre sur elle pour masquer son inquiétude. Allez, il est tard, c'est l'heure d'aller au lit...

Le shérif et Vince venaient de descendre l'escalier et se dirigeaient vers la porte de sortie. Titubant encore, Vince tenta de sortir un juron, sans succès, il disparut au bras du shérif. En ce qui le concerne une bonne nuit de repos ne serait pas de trop. Le shérif revint deux minutes plus tard.

« Eyre, si tu as la moindre nouvelle d'Aléo, je te prie de m'en faire part immédiatement. Je ne te cache pas qu'il est dans de beaux draps et je ne paye pas cher de sa peau. Plus vite il se rendra, moins il risquera pour sa vie, crois-moi. Attends-toi à avoir des nouvelles de la HAS. » termina le shérif.

Eyre ne voulut pas paraître impressionnée, mais le fait de mentionner la Haute Autorité de la Sécurité faisait cependant son effet. Ces services de renseignements faisaient partie de ce qui se faisait de plus radical dans cette partie de l'univers. Il allait de soi que cette institution, garante de la stabilité des douze mondes, se comportait souvent comme une sorte de police secrète pouvait tout se permettre, ce qui lui valait une très mauvaise réputation. Décidément toute cette affaire sentait mauvais. Aléo avait eu bien raison de fuir. Mais pour aller où . Pour faire quoi et pendant combien de temps ? Ces questions firent frissonner la jeune femme qui avait bien du mal à conserver son sang-froid.

Eyre se souvint du message sur l'Intercom et se rendit précipitamment à l'étage non sans manquer de s'étaler après la dernière marche. Elle appuya sur le sélecteur de message et lu le message d'Aléo à voix haute « Pas coupable. Complot certain contre moi. Te donne des infos dès que possible. Je vous aime. » Au moins, se dit Eyre, nous avons un moyen de communiquer. Instinctivement, Eyre pensa qu'il serait bon de mettre les enfants à l'abri de tout cela. La police risquait de débarquer à tout moment, ou bien la HAS pouvait tout aussi bien l'emmener sans autres manières. Alors, les enfants seraient bien mieux chez ses parents. Demain ce sera chose faite. Eyre en informa son mari par l'Intercom ce qui lui permit également de lui accuser réception. Après avoir annoncé la bonne nouvelle aux enfants, ceux-ci adorent passer du temps chez les grands parents, Eyre les embrassa et les laissa s'endormir. Une longue nuit d'angoisse commençait alors pour Eyre. Rien ne l'avait préparée à une telle situation. Et les ennuis ne faisaient que commencer se dit-elle....

Elle ne croyait pas si bien dire....


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La légende des douze MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant