CICATRICE

Partie 1.

Chapitre un.

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_18 Novembre 2015_

Mon cahier à la main, j'écris encore une lettre, même si je sais qu'elle ne parviendra jamais à son destinataire - ou à ses destinataires. C'est mon quotidien. C'est pour éviter de me sentir seule. Même si il me reste à purger encore cinq ans de ma peine, je m'accroche à un mince espoir que tout finira dès que j'ouvrirai les yeux. J'ai beaucoup changé durant ces cinq dernières années. Quelque chose s'est forgée en moi : la détermination. Je commence à comprendre pourquoi dit-on que la prison ça change et à tout jamais. Ici, ce n'est pas la joie de vivre, ce n'est pas une chaleur qu'on retrouve dans un foyer, ce n'est pas la sérénité qu'on retrouve dans l'amour ou dans une amitié. Pourtant, c'est un lieu comme n'importe quel autre. Seulement, ici il n'y a pas de liberté. Évidemment, car on est emprisonné. Le terme parle pour lui-même.

Qu'est-ce que la liberté en fait? Si moi, j'ai la certitude d'être innocente malgré leurs innombrables preuves trouvées - ou falsifiées - pour me faire porter le chapeau, ne suis-je pas libre en tant qu'un être avec la conscience tranquille? Ou ai-je juste accepté mon sort ? Non. Pas du tout. C'est juste que c'est pas le moment d'agir. Chaque chose en son temps. Mais le temps nous attend t-il lui ? Voilà la question qui se pose. Car le temps il est fugitif. Les gens dehors prennent de l'âge. Notamment, la personne pour qui je pourrai mourir, la seule qui me donne la force de tenir. Ma fille. Elle non plus, le temps ne l'épargnera pas. Elle grandit, c'est une évidence. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, c'est tout autant vrai. Se rappelle t-elle encore de moi ? Qu'est-elle devenue en cinq ans? Rebelle comme moi ou a t-elle pris la beauté de son papa?

Ah! Son papa. Son papa... J'en perds les mots car ma langue se dérobe sous mes pensées et mon cœur saigne. Pas une seule fois, il n'est venu me voir. Pourtant, je le voulais. Je le voudrais. Juste pour qu'il puise dans mon regard toute ma sincérité. Peut-être c'est de ÇA dont il a peur. Ma sincérité. Réaliser que je ne suis pas capable de commettre un acte d'une telle atrocité. Mais n'est-il pas trop tard pour tenter de corriger une quelconque erreur? Serai-je capable de le revoir? Je ne sais pas si je devrais continuer à l'aimer ou commencer à le haïr de ne m'avoir pas fait confiance. Ne le haïs-je pas déjà?

Ma tête n'est pas en mesure de faire le discernement. Mes idées s'embrouillent. J'ai l'impression d'être d'une autre planète. On m'a volé ma jeunesse. Quand je sortirai d'ici, j'aurai quoi, vingt-six ans, vingt-sept ans? Bien-sûr que je le sais. J'aurai justement vingt-six ans et trois mois. Le monde extérieur me paraîtra sûrement comme un univers pourvu d'énigmes et de changements radicaux. Car je suis d'un monde obscur. Un monde de quatre murs, sans soleil, sans lune, sans fête. Avec violence, avec sang, avec amertume. Le monde de la prison.

Les rares fois où je souris, c'est quand je suis en compagnie de ma camarade et colocataire de cellule, Anna. Elle ronfle à ce moment à mes côtés. On est en pleine nuit et le climat commence à changer depuis quelques temps. L'hiver approche. Avec cette petite lampe de chevet pour compagnie et les ronflements de mon amie, je continue d'écrire jusqu'à ce qu'une petite douleur se fait sentir au niveau de mon poignet. Je crois que c'est bon pour cette nuit. Une longue journée nous attend demain. Une journée sans repos. Une journée de galère sans fin.

À six heures, les gardes sont venues nous réveiller tous, notre petit rituel matinal. Je suis sûre que j'ai des cernes horribles. J'ai dormi tard hier nuit. Évidemment que je ressemble à une zombie car Anna n'a cessé de se moquer de moi pendant qu'on nettoyait les toilettes car on est de tour. J'en ai alors profité pour me débarbouiller le visage. Ensuite nous sommes tous partis à la cuisine pour le premier repas de la journée : le petit déjeuner. C'est tout sauf bon mais pour une question d'habitude je pense, on arrive à tout avaler.