Chapitre 2

1.7K 89 3
                                    

*

Une semaine que je me traîne ces ecchymoses, ça commence à disparaître. Je camoufle au mieux ce qu'il me reste de cette soirée. Quel connard quand j'y repense et cette petite conne qui m'obsède... J'étais si près du but. Ce soir comme tous les jeudis c'est à mon tour d'assurer le cours proposé par l'association. J'appelle Émilie pour annuler. Au bout d'un quart d'heure de négociations je laisse tomber, il est inutile de continuer elle ne lâchera pas l'affaire et je n'ai pas envie de me prendre le chou plus longtemps. Cette discussion me rappelle à quel point je déteste Bruno dans ces moments-là. Pourquoi m'a-t-il intégrée à cette merde ? En plus il n'y bosse plus. La journée passe et l'heure de me rendre sur place sonne au clocher de la paroisse adjacente à l'association. Dix-neuf heures. J'ai faim, mais non. C'est parti pour 1h30 d'enseignement à des poulettes pour la plupart mal baisées en manque de distraction ou d'autres qui veulent gagner en confiance. Quelques geeks maigrelets sont parfois là mais cela reste rare, en tout cas ils sont plus intéressants. Je troque mon jeans pour un jogging noir tout simple plus adapté pour ce genre de sport. J'entends piailler de mon vestiaire. Je souhaite qu'il n'y ait pas plus de vingt personnes. Je ne cesse de râler à ce sujet pour que ces effectifs soient respectés mais ce n'est jamais le cas. J'ai prévenu Émilie que si je me retrouve une nouvelle fois en surnombre, il ne faudra plus compter sur moi. J'entre dans le petit gymnase, qui sert parfois de salle de danse, en tapant des mains. Le silence s'installe assez vite. En un coup d'œil je constate que ce soir je n'ai à faire qu'à la gente féminine.

- Bonsoir Mesdames. Alors d'après les infos qu'on m'a laissé je suis en présence de dix nouvelles pour dix habituées. Je vous demande donc de vous associer chacune à une personne d'un niveau différent du vôtre.

Je vais poser mes quelques affaires au bureau le temps qu'elles se décident. Je lève le regard et reconnais certaines d'entre-elles. Les groupes sont formés sauf que j'en vois une seule. Je compte bien dix duos. Putain elle me fait chier à rajouter une personne comme ça, je vais devoir m'en occuper personnellement. Je déteste ça. La jeune femme en question me fait dos, je l'interpelle donc.

- Hum, Mademoiselle qui êtes seule là, vous étiez prévue à cette séance?

Elle se retourne tout en répondant.

- Non, mais Émilie m'a dit qu'il n'y aurait pas...

Quand elle me reconnaît sa voix se perd. Je suis très étonnée mais j'aurais pu m'en douter. J'assure un cours de self-défense gratuit, il me semble logique donc qu'elle soit là. Je suis doublement amusée, j'ai envie de rire.

- Mais je vais partir, c'est mieux, je ne voudrais pas déranger.

Elle commence à se diriger vers la sortie. Elle ne prend pas le temps d'enfiler une veste pour arriver au plus vite à la porte. Quelques filles présentes lui demandent de rester quand je rouvre la bouche:

- Ça ira, tu peux rester. Je vais t'encadrer.

Le groupe est heureux de ma décision à ce que je vois. Elle me regarde comprenant le double sens de ma dernière phrase.

- Non mais ce n'est rien, je reviendrai un autre jour, ce n'est pas urgent.

Marie lui retient le bras et j'ajoute :

- Venez ici, vous n'allez pas faire faux bond à vos collègues. Émilie a dit oui, toutes ici vous apprécient apparemment alors allons-y.

Je jubile qu'elle soit coincée de la sorte.

- Tout d'abord nous commençons par une série d'échauffements.

Je dicte, elles exécutent. Lorsque j'estime que l'exercice a suffisamment duré je leur demande de s'asseoir en ronde pour détendre leurs muscles et que les nouvelles puissent exposer pourquoi elles sont présentes à ce cours de self-défense. Pendant que quelques une restent réservées d'autres parlent trop et je les coupe pour passer à la suivante. Vient le tour de ma petite victime.

- Bonsoir à toutes, encore une fois.

Un petit rire gêné suit sa phrase.

- Je m'appelle Amandine, ma venue ici est motivée par une succession d'agressions qui se sont passées ce mois. J'ai donc décidé d'apprendre à me défendre au cas où cette personne revienne à la charge une nouvelle fois.

- Tu n'as pas porté plainte ? Interroge Sylvie.

- Oui, il ne faut pas hésiter à en parler aux autorités compétentes tu sais. Il ne s'arrêtera pas sinon. Renchérit Emma.

- Mon copain s'en est un peu chargé mais je préférerai que ça ne se reproduise pas et surtout être à même de gérer la situation s'il n'est pas dans les parages.

- Je vois mais...

- Mesdames si vous permettez. Maintenant que les connaissances sont plus amplement faites, que diriez-vous de continuer plus tard et de passer à la pratique?

Des sourires se dessinent sur leur visage. Elles n'attendaient que ça sauf peut-être une.

- Amandine, viens près de moi. Les nouvelles vous serez victimes et repousserez votre assaillante. On va commencer par le plus simple.

Je sens ma proie très mal à l'aise pourtant je ne la traite pas différemment d'une autre, je ne la provoque même pas. J'enchaîne les explications en faisant des démonstration à l'aide de ma partenaire. Elles les répètent ensuite, supervisées de leur binôme expérimenté. Elles peuvent ainsi travailler en autonomie et moi de mon côté m'occuper avec plus d'attention de cette inoffensive antilope qui aimerait s'échapper de mes griffes. Je me place derrière elle sans la brusquer et profite de cet instant pour lui glisser à l'oreille:

- Penses-tu que ça va te servir ?

- J'espère.

Elle applique les consignes pour se dégager.

- Mais vu que c'est toi qui fais ce cours j'émets des doutes.

- Pourtant je te dispense exactement le même enseignement qu'aux autres.

Elle enchaîne une prise pour me mettre au sol.

- Tu connais tout ce que tu m'apprends, tu auras toujours l'avantage.

- N'oublie pas de me bloquer sinon tout ce que tu viens de faire ne servira à rien.

Je lui montre comme il m'est facile de la mettre à terre et d'avoir le dessus.

- J'ai tellement eu l'avantage la dernière fois que je le porte encore sur mon visage.

L'ironie est tintée d'amertume. Elle constate alors les marques malgré ma tentative de les dissimuler. Je me relève pour qu'elle en fasse de même et que l'on passe au schéma suivant.

- Continuons veux-tu ?

Elle se met debout et je demande aux assaillantes d'être plus convaincantes dans leur attaque pour que ça reflète un minimum la réalité à laquelle elles pourraient être confrontées.

- Je...

Sans lui laisser le temps de dire un mot de plus je l'attaque de face, je ne veux pas entendre ses excuses ou quoique soit d'autre. Elle a le réflexe de me stopper, c'est bien, on peut dire qu'elle apprend vite.

Self ControlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant