9 ~ Heather
Jasper raconte que Rachel et lui se sont rencontrés au lycée en cours de maths, quand elle a accepte de lui donner des cours particuliers pour relever sa moyenne de C à A, car c'était la seule matière dans laquelle il avait des difficultés. En fait, c'est elle qui lui a demandé de sortir avec elle.
Puis ils ont eu leur diplôme, et Rachel a choisi une fac dans le Sud, en Floride, pour se spécialiser enbiochimie. Évidemment, elle a supplié Jasper de venir avec elle.
Il aurait pu y être admis : ses notes étaient suffisantes, et l'université avait un cursus qu'il aurait pusuivre pour obtenir au moins une bourse partielle.
Mais Jasper veut rester dans le Maine. Ou, du moins, il ne veut pas déménager aussi loin. Cette année, il voulait être là pour papa, et il voulait aussi passer du temps avec Max et moi ( NDA : surtout Max kofkof). La balle qui a failli nous ravir notre père m'a aussi privée d'un temps précieux avec mon frère. Même si nous échangions presque tous les jours par e-mail, texto et téléphone, ce n'était pas pareil. Je voulais levoir. Je voulais rentrer à la maison et me disputer avec lui à propos d'un truc débile, comme les tâches ménagères, savoir qui allait préparer le dîner, quel film nous allions regarder. Nos vies auraient pu être différentes si nous avions vécu ensemble toutes ces années. Ce lien entre nous neserait peut-être pas aussi fort, et nous ne pourrions peut-être plus nous supporter. Je n'en ai pas lamoindre idée.Tout ce que je sais, c'est que Jasper n'a pas la moindre idée de ce qu'il veut faire de sa vie. « Je lui ai demandé de me laisser le temps d'y réfléchir. » C'est tout ce qu'il a bien voulu me dire. « Elle veut qu'on prenne un appart ensemble près du campus. » Mais la façon dont il en parle laisse entendrequ'il s'agit là des projets de Rachel, et non des siens.
J'aime à penser que Rachel a compris le besoin qu'a Jasper de prendre une année sabbatique dans le Maine, mais elle est humaine, et une fille dont le copain passerait l'année loin d'elle ne pourrait jamais se satisfaire d'un tel arrangement. Je parie qu'elle est folle de joie à l'idée de venir pendant les vacances.
Je ne comprends pas pourquoi Jasper n'est pas plus impatient.
Il l'était à notre arrivée. Puis l'enthousiasme s'est estompé. En fait, si je ne le connaissais pasmieux, je dirais qu'il redoute sa visite. Il a traîné les pieds pour préparer la chambre d'ami pour elle.(Pourquoi papa pense-t-il qu'ils vont faire chambre à part, je l'ignore. J'imagine que ça le tranquillise.)Et à l'aéroport, ses épaules sont un peu tendues, ses bras croisés, ses mâchoires serrées,comme s'il se préparait mentalement à son arrivée.
Ça me travaille. Le manque d'enthousiasme de Jasper, couplé à son désir de vivre aussilongtemps loin d'elle commence à saper mes représentations de l'amour idéal. Jasper a toujours parlé avec affection de Rachel, même si – et je suis la première à l'admettre – il n'est pas du genre expansif. N'empêche : j'avais l'impression qu'ils étaient heureux. Pourquoi sortir avec quelqu'un pendant un an si ce n'est pas le cas ?
L'avion de Rachel est pile à l'heure. Elle passe les portes, vêtue de bottes, d'un legging et d'unpull blanc, ses cheveux bruns ondulés rassemblés en queue-de-cheval on ne dirait pas qu'elle apassé plusieurs heures dans un avion. Moi, quand je suis arrivée, mes cheveux étaient tout décoiffés,mon maquillage avait coulé, et j'avais de telles valises sous les yeux qu'on aurait pu me compter unsupplément bagage.
Mais elle ressemble à la Rachel que j'ai imaginée. Apprêtée et jolie. En apercevant Jasper , elle lui adresse un large sourire. Mais point de grandes retrouvailles comme celles que j'ai imaginées. Elle s'avance, pose ses bagages à terre et l'embrasse sur la joue.
Sur la joue. Pas d'étreinte ni de baiser passionné. Ça me déconcerte un peu, mais pourquoi pas. C'est peut-être par retenue. Parce qu'elle setrouve dans un endroit public, et que je suis là.Il me semble que l'expression de Jasper s'est adoucie, et son visage s'est éclairé d'un petit sourire.
-Comment s'est passé ton vol ?
-Bien, très bien.
Rachel me décoche son joli sourire.
- Tu dois être Heather. C'est super de te rencontrer enfin.
Elle me serre, moi, dans ses bras, ce qui me surprend, alors je lui rends maladroitement son étreinte.
- Ouais, c'est super.Laisse-moi prendre tes bagages.
Pendant le long trajet de retour, Rachel et moi discutons de façon fluide. Elle me parle de la fac et de ses cours, et moi, je lui donne des nouvelles de notre père. Et, bien sûr, je parle de Max.
Comment pourrait-il en être autrement, quand il passe presque tout son temps chez nous ?Pourtant, quand nous arrivons à la maison et que Max est assis sur le canapé à regarder la télé, Rachel paraît surprise.
Je ne crois pas que la présence de Max ici ait quoi que ce soit de bizarre. Il a attendu parce qu'il voulait la rencontrer.
Il se lève.
La chemise et le pull qu'il porte appartiennent à Jasper et ne sont pas tout à fait à sataille. Ses cheveux sont mouillés, il sort de la douche. Il a fait comme chez lui, comme d'habitude, ce qui nous a toujours convenu. Auparavant, cette situation ne m'avait jamais semblé étrange.
Maintenant, en voyant la tête de Rachel, je me demande l'impression que cela donne aux autres.
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I was not a happy child
General Fiction« Nous avons besoin de toucher ceux que nous aimons autant que de respirer. » Je n'avais jamais compris l'importance de ce contact, de son contact... avant d'en être privé. Un frère et sa sœur vont devoir trouver le moyen de protéger le garçon qu'i...