Les deux garçons

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Tu étais célibataire depuis quelques mois, et ce garçon était revenu. Tu le voyais toutes les semaines, alors qu'il t'avait abandonné quatre ans. Mais ça y est, il était là.

Tu étais persuadée de lui en vouloir suffisamment pour ne pas le lui pardonner. Et quand tu as appris son retour, tu sortais avec ce gentil garçon de ta classe.

Alors tu as espéré que tout se passe bien. Tu allais lui en vouloir comme tu l'avais prévu, et tu ferais abstraction. Après tout quand il est parti tu  n'avais que 12 ans, et tu ne l'as vu que quelques jours avant son départ pour le Canada.

Mais il est revenu, à 17 ans, son grand sourire et ses grands yeux ne t'ont pas laissé une seconde de doute.

"Samuel. C'est toi."

C'était lui, évidemment. Et il se souvenait de toi, très bien d'ailleurs. Il avait gardé cette photo, prise la veille de son départ. Tu l'avais oublié cette photo. Et tu l'avais sous les yeux.

Mais tu avais ton copain, et tout allait à merveille. Tu te répétais ça pendant des jours. Puis ton copain est parti en voyage, pendant trois longues semaines.

Trois longues semaines où lui, il était là. Il était là avec ses grands yeux et son grand sourire. Et tu ne voulais pas lui dire que tu te sentais mal quand il te demandait comment ça allait avec ton copain.

Tu ne voulais pas lui dire que ton copain, tu t'en foutais. Qu'il ne comptait plus. Qu'à son retour, tu lui demanderais de sortir de ta vie. Tu ne voulais pas lui dire que ça n'allait plus. Tu ne voulais pas lui dire qu'à présent c'était lui que tu regardais.

Samuel.

Tu ne voulais pas lui dire parce que tu ne voulais pas l'admettre. Tu ne voulais pas admettre que chaque jeudi soir, la joue appuyée contre le manche de son violoncelle et les muscles du visage contractés par la concentration, tu le trouvais beau. Tu ne voulais pas admettre qu'il était revenu un peu trop brusquement, un peu trop parfaitement.

Tu ne voulais pas admettre que tu n'étais plus une enfant et que tes amourettes n'en étaient plus.

Tu avais envie d'oublier, et de faire comme les autres. De tomber amoureuse de ton copain.

Mais tu n'as pas réussi.

Puis ton copain est rentré. Tu lui as parlé entre deux cours. Lâchement. Et il a comprit. Il a comprit que le problème n'était bien évidemment pas lui. Que tu avais essayé, enfin... c'est ce que tu lui as dit.

Mais au fond de toi tu te demandes si c'est vrai. Si tu as vraiment essayé ou si au fond tu l'as toujours su.

Tu as voulu sortir avec quelqu'un, te ranger, parce que tu sais que tu es complètement instable. 

Qu'il suffit de grands yeux.

Et d'un grand sourire. 

Mais tu as continué à nier, parce que tu n'avais pas envie de l'admettre.

Samuel. 

La première fois que tu as rêvé de lui, ça ne t'a rien fait.

La deuxième fois que tu as rêvé de lui, ça t'a fait sourire.

La troisième fois, ça t'a fait rire.

La quatrième fois, ça t'a énervé.

La cinquième fois, tu as pleuré.

Alors tu as décidé d'oublier. Ce n'était pas grave après tout, des Samuel il n'y en avait plein. 

Il n'était qu'un Samuel comme les autres. 

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