Il était une fois lui et le reste du monde.

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Harry détestait la vie, c'est vrai. Depuis toujours, sûrement. Il trouvait qu'elle n'avait aucun intérêt. Vivre pour mourir. Quelle idiotie. Vivre pour vivre était bien mieux, mais vivre ici, c'était vivre comment ? Le soir, durant les repas de famille silencieux, il écoutait ses parents parler de quel goût avait été le gigot auquel elle avait pensé à la cuisson toute une journée pour satisfaire ses besoins et les rendre un peu fiers, de bien manger. Son père se plaindre du travail et de la crise, alors qu'eux, au moins, ils avaient un toit. Sa soeur, qui parlait de l'appartement qu'elle avait été visiter ce jour-là. C'était bien, parce qu'il n'était ni trop grand, ni trop petit. En plus, il y aurait eu une chambre pour Mathéo, oui, l'enfant qui n'existait toujours pas, mais dont elle avait déjà pris soin de choisir le prénom. Il avait même une soeur, Malya. Ils ne demandaient jamais, mais s'ils l'avaient fait, Harry aurait sûrement dit qu'il avait, par il ne savait quel moyen, encore survécu aujourd'hui. Harry, il en voulait à tout le monde, mais particulièrement à ses parents. Parce que c'était de leur faute, s'il se retrouvait aussi malheureux. Peut-être que les foetus auraient dû savoir parler, on aurait pu leur demander s'ils voulaient découvrir le monde. Et puis sinon, on les aurait tuer, il pensait. Harry, c'est ce qu'il aurait préféré; mourir lorsqu'il n'avait même pas conscience d'exister. Il n'avait pas le courage de quitter la vie, en la détestant bien même de tout son être. Il attendait quelque chose pour lui venir en aide. Quelque chose qui le frapperait, un coup. Il est anesthésié contre la douleur de toute façon. Ses parents ne le croyaient jamais, mais ils l'écoutaient. Ils l'écoutaient râler contre les choses banales de la vie, ils l'écoutaient dire qu'il survivrait, mais jamais plus d'un quart de siècle. Il ne voulait pas vieillir, Harry. Il était terrifié à l'idée de devenir comme les autres. Il détruisait les petites choses innocentes, il piétinait chaque étincelle qui tentait de scintiller sous ses pieds. Harry, il était du genre à gribouiller des commentaires sur les propres pages des bouquins qu'il lisait. Il n'aimait pas les romans, le fantastique, le policier. Non, c'était juste des poèmes griffonnés par des vieillards, avec une main occupée sur une catin, et l'autre sur un verre de vin. Harry n'était d'aucun genre, finalement. Il était tout seul. Tout seul contre le monde. La mort ne l'effrayait plus, il écoutait même les soupirs de vieilles âmes. Il n'était ni heureux, ni malheureux. Il était là, entre les deux. Il riait, souriait, sans émotions réelles. La beauté était horreur. L'interdit devenait légitime, l'envers son endroit, le noir et blanc ses couleurs. Harry, on aurait pu penser que le jour de sa naissance, quelqu'un l'avait tenu par les pieds, et sa tête ne s'était jamais redressée. Il voyait le monde à l'envers, mais après tout, si cette Terre est définitivement ronde, il était bien quelque part. Quelque part là-bas, trop loin. Harry, il aimait la pluie parce que les autres la détestaient. Il détestait le soleil parce que tout le monde l'aimait. Il aimait le froid, jamais le chaud. Il voulait faire de ses nuits des journées parce que le jour était bien trop occupé. Il faisait vivre ces événements en continuant de penser que tout était mort. Peut-être qu'il voyait trop grand, et que c'était juste là, sous son nez. Peut-être qu'Harry, il avait trop les yeux fermés.

La seule chose qu'il aimait, c'était Louis. Même si parfois il avait l'air un peu stupide, un peu trop comme les autres, il aimait le retrouver dans le creux de ses bras. Mais Harry, comme avec tout ce qui était attaché à lui, il le repoussait, tout en gardant une main dans la sienne pour pas qu'il s'en aille trop loin. Parce qu'Harry, il était bien trop effrayé pour être seul. Il avait besoin des autres, mais pas trop, et pas trop près. Juste assez. Il n'avait pas tellement d'efforts à faire, il suffisait qu'il soit lui. Fermé. Complètement fermé. Évidemment que ses idées effrayaient tout le monde. Mais Louis, tout comme sa famille, il paniquait en silence. Il se disait que ça lui passerait, même si ses mots étaient fatigants. Ils tenaient tous cette porte, pour empêcher égoïstement qu'Harry ne se coupe totalement du monde. Qu'il s'en détache. Mais c'était difficile, de la tenir, cette porte. Harry la poussait constamment. Et Louis, lui, il basculait. Il basculait tout le temps. Il avait un pied dans le vide, et un autre sur Terre. Il ne devait pas laisser Harry l'emporter, mais il ne pouvait pas le laisser partir non plus. Il s'accrochait. Il s'accrochait sans arrêt. Quand les yeux de Louis se retrouvaient dans les siens, Harry il oubliait qu'il existait. Il buvait son regard et mangeait ses lèvres. Il le respirait. Il ne respirait que lui. Harry il tournait autour de Louis quand il était là, mais personne ne voyait ça. Même Louis, ne savait pas. Harry, il était comme ça. Il aimait, mais ne le montrait pas. Parce que l'amour c'était banal, et il ne voulait pas appeler ça de l'amour. Il se persuadait que c'était différent, peut-être moins, peut-être. C'était juste assez pour lui. Il forçait à se dire que si Louis partait, il s'en ficherait, parce qu'il savait que c'est ce que les autres faisaient. Ils abandonnaient. Mais, dans le fond, il ne voulait pas. Et il savait, putain, il savait que jamais il n'aurait tenu. C'était peut-être à cause de ça. C'était sûrement à cause de ça.

Il n'aimait pas plus la vie à cause de Louis, il oubliait juste de la détester. Et c'était beaucoup. C'était beaucoup, mais personne ne savait. Et parfois, Louis, il essayait. Harry traînait dans les tribunes, il marchait sur les sièges, il sifflait. Il n'avait même pas remarqué l'arrêt du jeu de Louis. Il continuait à taper dans ses mains, les bras dans les airs. Les autres joueurs étaient partis aux vestiaires. Louis était encore essoufflé, au beau milieu du terrain. Il était trempé de sueur, il a trouvé bon de s'asseoir à terre. Il faisait un peu froid, ce jour-là, et l'herbe était trempée. Il écoutait Harry crier sans même voir l'absence de jeu, ses lèvres s'arquaient sans vraiment qu'il ne s'en rende compte. Harry ne hurlait pas que pour le supporter, il hurlait pour se libérer, il hurlait parce qu'il se fichait de qui pouvait l'entendre. Il ne pensait pas que quelqu'un le fasse vraiment. Louis, il s'était mis à crier lui aussi, pour faire taire Harry, perché là-haut. Harry qui venait de prendre conscience de l'arrêt du match. Harry qui sautait les marches, comme s'il allait s'envoler et Louis, Louis il se demandait comment est-ce qu'un visage aussi lumineux pouvait être en réalité aussi vide. Il regardait Harry s'approcher, les mains dans son blouson, ses boucles s'élevaient et puis elles retombaient. Le vent les emportait dans son sens, et ça lui cachait les yeux, à Harry. Il s'aventurait vers Louis à l'aveugle, l'ayant assez regardé pour savoir exactement où il se trouvait. Il criait encore.

          Mon petit-ami a les plus belles fesses qui existent ! Whoo !            Le point levé, après ça, il s'était mis à trottiner pour arriver au milieu du terrain plus rapidement et s'étaler sur Louis, les faisant rouler au sol pendant qu'ils s'embrassaient maladroitement.

Harry, il survivait comme ça. Il rendait Louis heureux, et il goûtait au bonheur que ses lèvres lui portaient. Ça avait l'air bien, ça avait l'air ... Pas pour lui. Ils roulaient sur le sol mouillé, ils roulaient parce qu'il s'en fichait. Il se fichait de quelle odeur avait Louis, dans quel état était son corps. Harry aurait pu se baigner dans une flaque de boue avec Louis en l'emmenant au cinéma juste après. C'était ça, que Louis aimait chez Harry. Il se fichait des bonnes choses, mais des mauvaises aussi. Louis, il ne pouvait pas s'empêcher de le toucher, de le serrer contre lui. Parce que cette journée-là encore, Harry était resté. Harry était venu. Harry avait hurlé. Harry était vivant, peu importe comment, il l'était, et ça comptait déjà tellement. Ils se respiraient l'un et l'autre, ils s'appuyaient l'un sur l'autre. Harry était la fin et Louis le commencement. Il ne souriait plus, contre ses lèvres. Dans sa tête, ils avaient quitté le terrain et le temps menaçant. Parce que les mains d'Harry sur lui, ses lèvres entre les siennes, ça l'emportait toujours ailleurs. Et pourquoi, lui, il ressentait quelque chose en sachant qu'Harry pertinemment pas ? Ça marchait dans un sens, mais ça ne lui revenait jamais. Il se demandait comment être assez bien pour faire bondir son coeur.

          Ne me laisse pas.           C'est tout ce qu'il trouvait à chuchoter entre deux baisers. Harry, il n'en disait rien, parce qu'Harry il savait gâcher les bons moments, mais savait aussi les capturer. Louis savait ce qu'il pensait et il était bien trop accroché à ses lèvres pour en parler.

Le coach avait l'habitude. Même lui, ça le rendait heureux, avant de devoir les faire déguerpir de là. Harry il aimait poser ses mains sur les fesses Louis jusqu'aux vestiaires, tirer sur les serviettes des autres. Ces autres qui râlaient de sa présence, pendant qu'il rassemblait les affaires de Louis pour vite se tirer de-là. Parce que ce qu'il préférait, c'était se cacher derrière les camions sur le parking. Harry regardait Louis se changer, s'essuyer. Et ses lèvres s'aventuraient sur les parties de son corps qu'il désirait. Harry il emmenait Louis avec lui dans un monde où ce qui n'était pas permis le devenait. Et rien que ça, ça le rendait vivant. Alors pourquoi ça ne marchait pas des deux côtés ? Harry, il préférait attendre la pluie, marcher lentement pour entendre l'orage gronder et arriver chez lui pour emmener Louis sous la douche entre ses bras. Parfois, ses vêtements, il ne les enlevait même pas. Harry, il prouvait que rien ni personne ne décidait pour lui. Et que ça n'était surtout pas parce que quelqu'un le disait, que c'était vrai. Harry, il se forgeait son propre monde pour survivre.

Harry, il était trop jeune pour détester autant la vie.

je veux vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant