Chapitre VII

88 19 34
                                    

Huit heures moins cinq du matin.

Charlie était réveillée. Encore dans les vapes, mais réveillée. Les lumières étaient toujours éteintes, le réveil n'avait pas encore sonné et elle profitait de ces dernières minutes de répit avant de devoir reprendre le cours de sa vie. Ses draps étaient encore chauds, sa couette lui paraissait horriblement moelleuse et la jeune femme adorait ça. Une seule chose manquait : la présence d'Ezra à côté d'elle. Ses jambes enroulées autour des siennes, son bras droit posé contre son torse et sa respiration lente et profonde contre son oreille. Mais Charlie n'y pensa pas, du moins, elle essaya. Cependant, son visage trempé retint son attention.

Elle n'avait pas pleuré, cette nuit, elle en était sûre. Elle s'était retenue, pour une fois. Mais alors pourquoi ses joues étaient-elles baignées de larmes ? Charlie se redressa, alluma tant bien que mal la lampe de chevet et remarqua le jeune chat au pied du lit, l'air innocent. Son petit ventre rebondi montait et descendait au rythme de sa respiration, et ses oreilles frémissaient légèrement. Etait-ce vraiment Hendrix qui lui avait léché le visage pendant son sommeil ? Cette idée répugna la femme aux yeux bouffis, mais elle n'eut pas le temps de protester ; le réveil se mit à sonner. Le son aigu fit sursauter l'animal, et ses griffes glissèrent sur le sol quand il décampa vers la cuisine.

— Hendrix, c'est seulement le réveil ! s'exclama Charlie en rigolant.

La blonde avait finalement gardé le nom que lui avait proposé Marilyn, et il était vrai qu'elle commençait à apprécier ce matou. Certes, elle avait mis du temps à remettre toute la collection de CD en ordre cette nuit, mais cette boule de poils la faisait rire. Elle ne pensait plus aux atrocités du monde quand elle l'observait. Et ça faisait du bien...

Aujourd'hui, Charlie avait décidé d'utiliser sa matinée de congé pour se rendre chez le vétérinaire, afin de vérifier si ce chat n'était pas attendu par son propriétaire. Mais si elle apprenait qu'il n'avait pas d'identification, elle ne savait pas encore si elle le garderait ou non... C'était un choix difficile...

Dans la cuisine, Charlie chercha une tranche de jambon et l'apporta à Hendrix. C'était malheureusement le seul repas qu'elle pouvait lui servir, en attendant. Elle s'occupa également de son petit déjeuner : une bonne tasse de café, comme à son habitude, et deux tartines beurrées. Alors que celles-ci chauffaient dans le grille-pain, la jeune femme alluma la radio et s'assit à table, sa boisson dans la main.

— ... et tout de suite, la toute dernière playlist "bonne humeur", imaginée rien que pour vous !

Le générique de Radio Matin emplit la pièce, puis, une première chanson du groupe AC/DC se répercuta contre les murs. Ezra aimait bien ce groupe de musique, il suppliait tout le temps Charlie pour le mettre dans la voiture, lors des longs trajets. Elle, elle détestait ça. La guitare électrique et les voix cassées n'étaient pas son fort, elle préférait le jazz ou les comédies musicales. Pourtant, aujourd'hui, ces morceaux de hard rock lui manquaient. Ils lui manquaient atrocement.

Les minutes passèrent, et Charlie décida finalement d'appeler le cabinet vétérinaire le plus proche, qui lui accorda une visite en fin de matinée. Elle s'y rendit vers dix heures, une boîte en carton dans les bras et Hendrix enfermé dedans. La blonde n'avait rien trouvé d'autre, et elle s'était simplement contentée de faire quelques trous sur le couvercle pour que le chat ne manque pas d'air. A l'intérieur du bâtiment, l'odeur d'antiseptique et d'urine piqua le nez de Charlie, et l'animal au fond du carton se mit à gronder. Il ne semblait pas apprécier les canins autour de lui... Heureusement, un vétérinaire s'adressa à eux en peu de temps, et Charlie rejoignit une pièce au fond du couloir, la boîte fermement tenue contre elle.

Un vieil homme au cheveux rares sur le crâne et aux sourcils inlassablement froncés s'occupa de palper Hendrix et de dénicher une puce ou un tatouage. Mais au bout de quelques minutes, le professionnel s'adressa à Charlie de sa voix pâteuse :

Pourtant je t'attends toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant