Les talons de Charlie claquèrent sur le bitume presque en fusion, comme les aiguilles d'une horloge qui tintaient à chaque nouvelle seconde. Les aiguilles accélérèrent, Charlie se mit à courir pour atteindre la porte de l'appartement de Marilyn. Son sac à main avait glissé dans le creux de son coude, elle le sentait qui lacérait sa peau. Quelques gouttes de sueur coulaient le long de son nez et s'étaient logées au creux de sa poitrine ; c'était la fournaise, la blonde avait l'impression de cuire dans un four. Elle compta trois respirations saccadées avant que la porte s'ouvre comme par magie.
La course se poursuivit dans la cage d'escaliers, Charlie allongea les foulées et rajusta son sac contre son épaule. Pourvu qu'il n'ait rien de grave. La jeune femme n'eut pas besoin de sonner, son amie l'attendait déjà de pied ferme sur le paillasson.
— Marilyn ! J'ai fait du plus vite que j'ai pu.
— Ne t'inquiète pas pour ça, p'tit bonhomme. Le mal a déjà été fait, venir deux secondes ou trois heures plus tard ne changerait rien.
— Il est vraiment en piteux état ?
— Disons que ça pourrait aller mieux... Et je crois que j'ai oublié de te dire qu'il...
Charlie ne laissa pas finir Marilyn. Elle lui passa devant, telle une furie, et fit claquer ses talons jusque dans le salon. Ezra s'y trouvait, avachi sur le canapé, une poche de glace à la main. La blonde vérifia rapidement l'étendue des dégâts, avant de prononcer quoi que ce soit. Sa lèvre était éclatée, elle semblait avoir doublé de volume ; son oeil droit semblait salement amoché et une belle entaille fissurait son front en deux. Elle essaya de se souvenir de quelle couleur était son tee-shirt quand ils s'étaient quittés ce matin, il lui sembla qu'il était blanc. Ce qui était certain, c'était qu'à présent, il ne l'était plus... La poussière, le sang, les coups l'avaient transformé en un vieux chiffon.
— Mon dieu Ezra, mais qu'est-ce qui t'a pris ? Agresser un homme dans la rue en pleine journée ! Tu crois que j'ai que ça à faire, de venir te chercher comme une baby-sitter alors que j'ai une tonne de boulot à terminer ? Tu n'es pas un gamin, ni un animal, merde !
— Charlie, glissa Marilyn au bout de la pièce. Il est...
— Je ne suis pas censée partir le matin et me demander si mon petit ami va se retrouver avec la tête de Quasimodo en rentrant ! la coupa la blonde. Et qu'est-ce qui se passera, si cet inconnu porte plainte, hein ? T'y as pensé, à ça, avant de lui coller une droite ? Et si la police était passée par là ?
— Ne parle pas aussi fort, ânonna Ezra en se redressant sur le sofa.
— Ne parle pas aussi fort ? Tu te moques de moi, en plus ! J'ai parcouru toute la ville à pied en plein cagnard pour venir te récupérer chez ma meilleure amie, j'ai le droit de parler aussi fort que je veux !
— Charlie, répéta Marilyn. Il est soûl ! Ezra est complètement à l'ouest.
La jeune femme se retourna vers Marilyn, écarquilla les yeux, redirigea son regard vers Ezra. Si son visage n'était pas déjà cramoisi à cause de la chaleur, il était sûr qu'à présent, elle devait ressembler à une groseille. Une groseille bien plus que mûre... Elle laissa tomber son sac sur le sol et rejoignit Ezra en un quart de seconde. Le pauvre homme n'eut pas le temps d'esquiver la première gifle, ni les coups suivants qui s'écrasèrent contre son torse et ses épaules. Il lui fallut quelques secondes de plus pour réaliser ce qu'il venait de se passer. Après la quantité d'alcool qu'il avait écoulée dans la journée, son temps de réaction était devenu bien plus que médiocre...
— Mais ça va pas ? s'écria-t-il en ramenant ses mains contre lui. Tu me fais mal !
— Et moi, tu crois que tu ne me fais pas mal, crétin ? hurla Charlie en fixant ses yeux assassins sur Ezra.
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Pourtant je t'attends toujours
Non-FictionEzra Bentias, disparu depuis deux mois. Charlie Izaas, désemparée depuis cet instant. Depuis que le jeune homme a déserté les lieux, les jours s'ensuivent et se ressemblent, s'assemblent et se rallongent. Très vite, cette disparition est classée «...