Covid-19. Le monde n'a plus que ce mot à la bouche. Il ne passe pas une minute sans qu'on l'entende ou le lise quelque part. Une réalité virale en gros.
Cela fait à peine trois jours que nous sommes engagés dans ce fameux confinement. Des mesures prises par le gourvernement, disent-ils. Notre petit pays compte déjà treize cas déclarés. Comparé à certains pays voisins, beaucoup nous pensent à l'abri. Mais pas moi. À côté de zéro, treize c'est énorme!
Je ne suis absolument pas choquée, lorsque j'écoute des zémidjanmen* prétendre qu'ils sont protégés. Pire, quand ils expliquent cette protection par leur consommation intempestive de sodabi**. Non pas que cela me semble logique. Mais ce genre de mentalités, c'est l'apanage de mon pays.
Mais peu importe. Nous sommes confinés et pas en prison. Et il faut bien qu'on mange dans le pays. Parlant de ceci, la journée n'a pas été de tout repos pour moi. Après l'hôpital, c'était les nombreuses courses à gauche et à droite dans la ville. Supermarchés, marchés, boutiques, épiceries... Je me rends seulement compte que ma tante ne me ménage pas avec les emplettes.
«Comme ça, tu seras une bonne épouse. Nyɔnu nɔn xwlé axi wè(Une femme, ça va au marché)», dixit-elle.
Et comme si ça ne suffit pas, il faut que je fasse un dernier tour à la pharmacie. Heureusement qu'il y en a une de réputée dans mon quartier. Je jette un coup d'œil à ma montre en plastique. Huit heures du soir. Eh bien dis donc ! Le temps ne m'a pas ratée cette fois-ci.
Tout le monde attrape la même poignée pour ouvrir la baie vitrée de la pharmacie. Puis à l'intérieur comme à l'extérieur d'ailleurs, aucun dispositif de lavage des mains ni de désinfection. Tu parles de mesures préventives !
– Bonsoir, m'annoncé-je.
Derrière le comptoir, la dame en blouse lève difficilement sa tête vers moi. Miss teint clair et éclatant, lèvres rouge brique et yeux de khôl. Je n'ai jamais compris pourquoi autant d'aigreur dans son sang. Mais bon, ne suis-je pas habituée? Je lui tends mon ordonnance sans plus tarder. Et alors qu'elle commence à me servir, une voix pique mes tympans.
– Chez le cardiologue hein.
Oh, dites-moi que je rêve ! Il n'est pas en uniforme cette fois-ci. Il a eu le temps de remplacer son accoutrement par un lacoste et un jean. Ses muscles en béton n'en sont que plus saillants. Attends, je rêve ou il a des Nike Air Max noires? Et alors? D'ailleurs, on s'en contrefiche ! Je le toise et me retourne vers la pharmacienne. Après tout, malgré son amertume, elle est plutôt digne de contemplation... Que je suis pathétique.
J'ai rencontré cet idiot ce matin alors que j'allais consulter mon cardiologue.
~
Avec un coup de mascara et une petite couche de glosse, j'étais prête à prendre la route.
Pour nous qui n'avons pas assez de moyens... Ou du moins, pour moi en tout cas, les déplacements ont toujours dépendu des conducteurs de taximoto. Le jour où ces gens là grèveront, je marcherai jusqu'à usure de mes petits pieds.
– Ça y est tata, j'y vais.
– Tu fais attention hein. A toun dɔ nyãvi déɔ ko yi balle perdue azã nεnbidié(Tu sais très bien que ce garçon s'est pris une balle perdue la dernière fois).
– Ah tata, arrête de répéter ça tout le temps. Je ne suis plus une gamine, tu sais.
– Gnan gnan gnan gnan gnan gnan. A o bou a? Kpon adigwé gboun gboun tɔn(Disparais ! Regardez-moi ses grosses fesses).
Je m'esclaffai et déposai un baiser sur sa joue. Ce que je peux l'adorer cette dame.
Mon sac dans le pli du coude, je marchais peinarde vers la première sortie de la rue. Comme toutes les fois, j'essayais de ne pas prêter attention aux regards perçants des riverains. Le plus dur se résumait aux sifflements et aux apostrophes des garçons. Je me demandais bien s'ils n'en n'avaient jamais marre. J'avais beau les ignorer, ces têtus revenaient toujours à la charge. Mais tant pis pour eux s'ils aiment collectionner les râteaux.
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La Première Fois
Short StoryOn a souvent tendance à oublier la magie des premières fois une fois qu'elles sont passées. Et vous, comment avez-vous rencontré votre âme-sœur? Était-ce magique ou était-ce un moment aussi banal qu'un chant d'oiseau? Tentez de vous en souvenir en p...