Chapitre 22 : Weller

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L'atmosphère dans le groupe de Miss Weller n'était pas la meilleure qu'elle ait connue. Personne ne semblait avoir envie de prononcer le moindre mot, ce qui était également son cas. Même si les trois élèves qui l'accompagnaient étaient presque d'une dizaine d'années ses cadets, ils avaient le don de la mettre mal à l'aise.

Miss Weller ne savait pas si c'était leur aisance à assimiler les événements ou bien leur rapidité de réflexion qui la dérangeait le plus. Nancy, Isabelle et Loup semblaient tous trois garder un sang-froid inébranlable, et la stagiaire ne pouvait s'empêcher de trouver leur assurance presque factice.

Face à eux réunis, une personne seule ne pouvait que se sentir inférieure. Dans ces conditions, ce n'était pas si étonnant que M ait choisi de procéder d'une manière qui le laisserait anonyme... Aucun être humain sensé ne pourrait vouloir affronter de face les élèves de cette classe si particulière.

- Scarlett est déjà morte, affirma Loup d'une voix froide, faisant sursauter Miss Weller après le long silence qui planait depuis qu'ils avaient quitté les autres.

- Je sais, répliqua aussitôt Isabelle.

Les yeux du garçon passèrent sur chacune des filles, puis sur la stagiaire, qui se pétrifia presque en croisant son regard bleu magnétique, et il ajouta froidement :

- Je voulais juste vérifier que personne ici ne se faisait d'illusions.

Il lança un regard à Nancy, qui sourit d'un air désabusé. Elle non plus ne semblait pas croire encore à la survie de leur camarade de classe. La stagiaire préféra ne pas répondre. À la place, elle appela le nom de Scarlett qui, évidemment, se perdit dans les salles vides.

Aucun des trois élèves ne prit la peine de lui rappeler que c'était inutile, que la jeune fille ne répondrait pas. Il était dix-neuf heures, et l'un d'eux mourrait à l'évidence chaque fois que la grande aiguille pointerait le douze. Chaque minute qui passait rapprochait un peu plus les prisonniers de l'inévitable.

Aucun d'eux ne le disait à voix haute, mais pourtant chacun redoutait son heure, qui viendrait inéluctablement. Ils risquaient tous de mourir, exactement comme Adrien et Scarlett, et prétendre le contraire ne retarderait pas le moment fatal.

Plusieurs minutes de recherches infructueuses s'écoulèrent encore, avant qu'un petit ricanement amer ne rompe à nouveau le silence.

- Qu'est-ce qu'il y a de si amusant ? demanda Isabelle d'un ton glacial à l'intention de Loup.

- Rien, répondit le garçon aussi sec.

Un rire nerveux ? Miss Weller se demanda si l'adolescent, d'ordinaire si maîtrisé, était en train de perdre son sang-froid. Plus le temps s'écoulerait, plus il était certain que le groupe enfermé dans le musée céderait à la panique, mais la stagiaire n'aurait pas pu imaginer que Loup soit l'un des premiers à perdre le contrôle de ses émotions.

Et pourtant, son regard était différent de d'habitude. Les mois pendant lesquels elle avait pu l'observer en classe lui avaient bien montré l'assurance inébranlable du garçon, et elle avait souvent vu son sourire espiègle agrémenter ses yeux joueurs.

Là, c'était différent. Son rire n'était pas seulement moqueur, il était sombre, poussé par une adrénaline aussi toxique que du poison, et peut-être, un désespoir refoulé.

- Je m'imaginais juste ce que doit penser M en ce moment, s'expliqua Loup. Il doit bien s'amuser, à tous nous manipuler comme ça.

- Si on le trouve, il va payer, approuva Isabelle avec une haine froide qui ne lui ressemblait pas, elle qui paraissait d'habitude si insensible.

L'Art de TuerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant