Louis était couché dans son lit simple, regardant le plafond. Il voulait sortir, aller sur le toit. C'était le seul endroit où il était tranquille. C'était un endroit connu de lui seul.
Le jeune homme se leva, ses cheveux en batailles dégringolaient sur son front et cachaient ses yeux verts. Il ouvrit la seule fenêtre de sa chambre, qui donnait sur la cour arrière de la maison, et s'extirpa du bâtiment. Il s'accrocha à la gouttière et à une brique qui sortait un peu du mur.
Louis escalada la façade comme il en avait l'habitude et arriva enfin sur le toit pointu. Il s'appliquait à ne pas glisser sur les tuiles. Il s'assit, appuyant ses pieds sur l'avant-toit. Louis posa son dos sur les tuiles et regarda le clair de lune.
Une étoile filante passa juste à côté du satellite naturel.
Regarde, une étoile filante ! Tu peux faire un vœu !
La phrase qu'il avait prononcé à l'égard de sa petite sœur l'été dernier lui revint en tête. Faire un vœu...
Le jeune homme repensa à ses parents, qui ne le laissaient jamais sortir, qui lui interdisaient tout ce qu'il leur demandait. Il se remémora le jour où il avait refusé, et où il était sorti en cachette. Depuis ce jour, il a une cicatrice à l'arrière de la tête, dû à un coup de poêle de sa mère, au moment où il était rentré. Il passa ses doigts fins à l'arrière de son crâne, sur sa marque de vie. Il laissa ensuite tomber sa main, qui atterrit durement sur les tuiles
Quel vœu je pourrai faire, pensa-t-il, qu'est ce qui me ferai plaisir ?
Il pensa aux gens de son école, qui l'embêtaient, qui le bousculaient. Il se rappela des paroles d'Arthur, le gars le plus populaire de l'école. Cette phrase qui hante à présent ses pensées, qui revient à chaque fois qu'il était seul. Chaque nuit blanche, chaque insomnie, chaque rêve était bercé par cette phrase, par c'est deux mots.
Suicide-toi !
Et, dans un moment d'inattention, elle revient, elle attaque. Elle brise ses remparts, son armure, son cœur. Et il tombe, chute et dépérit.
Louis se mit debout, attrapa la cheminée d'une main et se pencha dangereusement dans le vide.
Faire un vœu, en ai-je simplement le droit ?
Sa sœur arriva dans son esprit. Si petite et si frêle, mais avec tant de force. Sa sœur, qui dégageait toujours un peu plus de bonheur à chaque fois, qui est là quand ça va mal. Son sourire, semblable à un soleil, le tirait vers le haut et le retenait dans sa chute. Il se rassit.
Je pense... je pense que oui.
Il voyait la voisine, qu'il croisait tous les matins, sur le chemin du lycée, qui lui souriait, qui lui disait bonjour, parfois. Il aimerait bien lui parler, une fois, au moins. Juste une fois, lui demander son prénom, ce qu'elle aimait. C'est peut-être elle qu'il écoutait parfois jouer du violon, en été. C'est peut-être elle qu'il entendait chanter de temps en temps, à travers la fenêtre. Dans ces moments-là, il s'approchait de la vitre et l'ouvrait. Il se faisait bercer par les sons, par les notes de musique qui s'échappaient de la maison d'à côté.
Un vœu...
Mon vœu...
J'aimerai commencer à vivre.