Fantôme

12 3 0
                                    

Avant de mourir, j'ai cherché la définition d'un fantôme. Selon le dictionnaire, c'est une apparition d'un défunt sous l'aspect d'un être réel. Je pensais que c'était ça aussi. Mais plus maintenant.
Les fantômes sont toujours là, autour des vivants. Ils vivent dans cette société où personne ne peut les voir, ne peux les entendre.
Ils errent, cherche un but, puis errent à nouveau.
Chaque fantôme essaie de trouver un nouveau sens, une nouvelle manière de vivre dans la mort, une façon de ne pas disparaître.
Ils essaient de se rapprocher de leurs proches, leurs faire comprendre qu'ils sont là. Ils essaient de faire passer leurs émotions dans le cœur des vivants, pour ne pas se faire oublier.
Ceux qui n'ont plus personne, plus de proche à qui s'attacher finissent par être oublié et par disparaître, comme si de rien était. Leur âme s'échappe, s'envole vers je-ne-sais-où.
Et puis, il y a moi. Moi, je ne peux pas quitter ma maison. C'est là où j'ai vécu, c'est là où je suis mort.
Je ne connaît l'extérieur que de la petite fenêtre de ma chambre qui donnait sur la rue. Si je tente de sortir, je disparaîtrais, car ce n'est pas un endroit connu.
Mes proches sont partis depuis longtemps et m'ont sûrement oublié. Mais je ne disparaît pas. Je reste à errer dans cette maison.
Je dois être une erreur, comme je l'étais de mon vivant.
Parfois, des gens viennent aménager dans ma maison. Mais je n'aime pas les gens, je n'aime pas leur compagnie. Je n'aime pas qu'ils empiètent sur mon territoire. Alors, je les fais fuir. Je pousse parfois des objets, pour qu'ils tombent. Si je crie assez fort, la nuit, ils m'entendent.
Et ils finissent par partir.
Rapidement, les aménagements dans ma maison se raréfiaient, pour finir par disparaître. Ma maison a dû acquérir une réputation de maison hantée.
Mais maintenant, j'étais seul. Parfois, des chats venaient s'amuser dans le jardin. Je les regardais faire. Ils jouaient avec les ombres, chassait des rongeurs. C'était ma seule source de divertissement.
Je ne sais pas combien de temps était passé, peut-être des années, peut-être des décennies. Je n'avais plus la notion du temps. Cette maison était aussi vide que moi, mais je ne pouvais pas disparaître. Quelque chose m'en empêchait.
Et puis, un jour, j'ai entendu la clé tourner dans la serrure, et une famille est apparue derrière la porte d'entrée.
Je m'apprêtais à élaborer un plan pour les faire partir. Mais les parents sont entrés, et, derrière eux, une jeune fille. Elle devait avoir mon âge, enfin, celui que j'avais quand je suis mort.
Et, d'un coup, je n'ai plus eu envie de les faire fuir.
Je voulais en apprendre plus sur la jeune fille, je voulais la connaître.
J'ai commencé à l'observer, à l'épier. Je notais ses moindre fait et gestes dans un coin de ma tête.
Je grandissais, je mûrissais en même temps qu'elle.
Un jour comme les autres où je la regardais, je me suis rappelé d'une scène d'un film que mes parents regardaient alors que je traversais le salon pour aller dans la cuisine chercher un verre d'eau. L'acteur avait dit "je t'aime". Je ne comprenais pas e sens de ces mots à l'époque. Mais après plusieurs mois, plusieurs années à observer cette famille, j'en ai appris beaucoup sur ces mots. Et je pense que je l'aime. Cette fille, qui ne me connait pas, qui n'est même pas consciente de ma présence, je l'aime.
J'ai passé toute ces années à l'observer. Et plus je la voyais, plus mon amour grandissait.
Et, un jour de pluie, elle disparût. Elle n'est pas revenue le soir à la maison. Dans la journée, elle avait fait une valise, et elle était partie. Elle m'avait quitté. Et les parents ne s'en inquiétaient même pas. Leur propre fille avait disparu, et c'était tout à fait normal.
Alors, je me suis inquiété, moi. Je me suis inquiété pour elle, pour combler le manque de ses parents. Je passais toute mes journées devant la porte d'entrée, attendant son retour. Mais elle n'est jamais revenue. Je ne l'ai pas vu pendant plus d'un mois. Alors, j'ai compris qu'elle ne reviendrait pas.
J'ai alors traversé la porte.
Et j'ai disparût.
Mon âme s'est envolée vers le ciel. Et puis, plus rien. Je me sentais vidé de toute émotion. Et c'était mieux ainsi. 

Rayons de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant