Comme elle est belle ! C'est la plus belle mariée jamais vu... Sa robe couleur ivoire est, ni trop simple, ni trop compliquée, sans frou-frou comme dit maman. Elle lui va parfaitement et ne lui fait ni ressembler à une meringue ni à un napperon géant. Il y a deux mois, pour le mariage de la cousine de maman, elle a dit que sa robe avait beaucoup trop de dentelle et que, comme elle était déjà un peu enrobée, la cousine ressemblait à un napperon géant. Je pense que ce n'est pas un compliment car après ça, maman et tante Hélène ont éclaté de rire mais un rire un peu méchant, comme quand, Ludovic, mon grand frère, m'embête et me dit que je suis la plus belle quand je joue à me déguiser.
Mais la mariée d'aujourd'hui est magnifique. Sa robe lui va parfaitement : les fines bretelles mettent en valeur ses belles épaules et son cou gracieux, le décolleté se croise sur sa petite poitrine sans aucune vulgarité, pour sublimer le décolleté et éviter la vue d'un sein, un voile de la même couleur que la robe, comme sur le justaucorps des patineuses, semble être posé délicatement sur la peau diaphane, une ceinture, cousue à même la robe, entoure sa taille et enfin le bas de la robe s'évase légèrement pour finir aux pieds de la belle mariée.
Lorsqu'elle marche, on entend un léger bruissement de tissu et de tulle, celle qui est sous le bas de la robe et lui donne un léger gonflant, pas trop, juste ce qu'il faut pour avoir l'impression qu'elle flotte plus qu'elle ne marche, comme dans un rêve. Les quelques accessoires portés n'alourdissent en rien et ne gâchent en rien la robe et le rendu final. Au contraire, ils participent à la mettre en valeur et à en faire l'être le plus doux, léger mais aussi inaccessible de cette journée.
Quelle chance j'ai de pouvoir être la petite demoiselle d'honneur qui va tenir son voile, son long voile.
Mais en même temps, j'ai peur. J'ai peur de faire une bêtise et de tout gâcher. Il ne faudrait pas que je marche sur son voile ou que j'ai les mains sales et touche son voile ou pire ! Que je sois tétanisée et ne sois pas capable de remonter l'allée de l'église... ce serait terrible si son voile se décrochait. Ca arracherait sa couronne de fleurs dans les cheveux et son beau chignon serait défait... Elle pleurerait sûrement et son joli maquillage coulerait. Je me ferais gronder comme jamais c'est sûr ! Et mon frère rigolerait car je serais humiliée et punie pour toute la vie !
Je crois qu'il va falloir que je dise à maman tout de suite que je ne peux pas être demoiselle d'honneur, je ne veux pas. La mariée est trop belle et j'ai peur de ne pas y arriver.Pendant, que j'étais là avec maman, devant l'église, à regarder la mariée sortir de la voiture, j'ai eu envie de pleurer. En voyant ma petite moue, la mariée s'est avancée vers moi, son long voile devant les yeux et recouvrant toute sa tenue. Elle s'est légèrement penchée et m'a demandé :
- Prête ?
- ...
- Moi aussi j'ai peur tu sais, m'avoua-t-elle comme un secret.
- ... !
- Mais ça me rassure de savoir qu'il y a un petit ange derrière moi qui va m'aider, me dit la mariée avec le plus beau des sourires et en me faisant une petite caresse sur la joue.- On y va ? ajouta-t-elle.
Alors je lui répondis par un sourire et un hochement de tête. Elle me fait confiance. Je ne la décevrais pas et serais son ange gardien pendant qu'on remontera l'allée. Moi aussi je serais un très bel accessoire. Et un jour, moi aussi, je serais comme elle, la plus belle de toutes les mariées.
Sans la quitter des yeux, je saisis le voile que maman me met entre les mains. Je n'entends pas ce que me dit maman, je n'ai d'yeux que pour elle, la fée que je dois protéger.
Le plus beau de tous les voiles, je l'ai cherché longtemps. Je voulais qu'il soit parfait, aérien, léger et long, très long, il recouvre mes épaules et toute ma robe pour finir en traîne.
Carine se regarde dans le miroir de sa chambre. Elle attend son père qui devrait arriver d'ici quelques minutes pour l'emmener à l'église épouser Aymeric.
Elle se souvient de ce jour merveilleux où elle a été l'ange de la belle mariée de juin, vingt ans plus tôt. Elle était tellement impressionnée par sa beauté, sa simplicité, ses gestes délicats, tout en elle lui faisait penser à une fée.
Aujourd'hui, c'est elle la fée. C'est elle qui a besoin d'un ange derrière elle pour remonter l'allée.
Elle voulait une robe simple, élégante mais sans fioriture. La robe est couleur ivoire, avec un col bateau permettant d'habiller légèrement ses épaules, le col se terminait en un décolleté sobre s'arrêtant à la naissance de sa menue poitrine. Le buste de la robe est travaillé en drapé, ce qui donne l'impression que la robe est toujours en mouvement, et finit sur un bas évasé soutenu par de la tulle, donnant ainsi une belle démarche flottante.
En s'admirant dans le miroir, pour le plus beau jour de sa vie, Carine croit savoir ce que ressentait la belle mariée ce jour-là. Elle aussi a peur, mais hâte à la fois. Elle veut profiter et vivre intensément cette journée. Elle le sait, sa mère, ses amies déjà mariées le lui ont dit de profiter car cela passe vite, très vite.
Alors avant de commencer le compte-à-rebours, Carine veut savourer les quelques minutes qui lui restent, pour s'aimer, n'aimer qu'elle, se trouver belle, jeune, pleine d'espoirs et de rêves et croire aux promesses. A toutes celles qu'elle dira, qu'Aymeric lui dira, qu'ils ressentiront, qu'ils embrasseront et qu'ils oublieront peut-être. Mais ça, ce n'est pas grave. Pour le moment, l'important est devant elle : son grand jour.
Carine rabat son voile sur ses yeux. C'est encore plus beau de l'autre côté. Elle sourit.
Tout le monde se lève en voyant la mariée entrer. Avant de remonter l'allée, celle-ci tourne son beau visage de profil et sourit à Carine. Toutes deux se font un petit hochement de tête, visible que d'elles, et la marche nuptiale commence.

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D'yeux que pour elle
Short StoryLa mariée n'est pas toujours au centre de toutes les attentions ... Le mariage agit comme un miroir pour chacun: on se sonde, on rêve, on regrette, on pleure... Mais la vraie question demeure: le bonheur sera-t-il le grand vainqueur?