D'yeux que pour elle

C'est le bouquet !

Et voilà... nous y sommes !

Tout le monde se revêt de ses plus beaux atours : les enfants sont surexcités, les femmes sont chez le coiffeur, à la manucure et ne font qu'hurler après leur progéniture pour ne pas salir leur tenue avant le dîner et monsieur semble triste de devoir mettre une cravate un jour de week-end. Mais la perspective de pouvoir boire et fumer ce soir sans se faire rouspéter est plaisante.

Le traiteur commence à préparer les mets ; l'organisateur est en briefing avec toute son équipe : musique, DJ, photographe, animation, fleurs en salle et à l'église, météo, voiture, les mariés, les demandes spécifiques, et j'en passe. Tout est passé en revue pour que ce soit le plus beau jour de leur vie. Comme demandé. Comme attendu. Comme promis !

Pour parfaire la star du jour, car oui il n'y a qu'une seule star ce jour-là, nous le savons tous.
L'égalité, la parité, la non-discrimination, tout ça ce sont des conneries !
Lorsque nous entendons « Ils sont beaux ! » ou encore « Ils sont ma-gni-fiques ! »en fait par « Ils » il faut entendre « Elle ».
Tout tient à la mariée, tout repose sur la mariée. Si sa robe ou son maquillage ne sied pas ... « C'était une belle journée mais c'est dommage cette dentelle pas suffisamment fine ... ça contrastait avec le style du mariage ... » Et ça ce ne sont que les paroles les moins sévères et dures à attendre.

La mariée n'a pas le choix : elle doit être parfaite. C'est le plus beau rôle de sa vie. Tout sur elle doit être une évidence, de ses chaussures à ses boucles d'oreilles en passant par ses ongles et sa coiffure. Mais pas que ...

Si la mariée est petite, je ne dois pas être démesuré ; si sa robe est courte, je me dois d'être de la même proportion.
Je suis là pour réhausser l'ensemble de la tenue, parfaire son teint et sublimer son humeur. Mes couleurs sont choisies avec précision pour m'accorder idéalement à elle. Je suis le capitaine de toutes les autres compositions : celles des bancs de l'église, des milieux de tables pour le dîner, du bouton du marié et de la décoration de la voiture.
Les demoiselles d'honneur auront des échantillons portant mes couleurs mais de manière plus discrète pour que je sois le seul qui puisse être remarqué d'emblée.

Le plus dur est de défier les heures de la journée. Une fois entre ses mains, il est impératif de continuer à tenir droit, se tourner vers la lumière pour faire rayonner, ne pas pâlir, ne pas s'affaisser et continuer à parfaire l'ensemble.

Parfois, elle me serre un peu trop fort, surtout en remontant l'allée, ou parfois encore, je suis mis de côté, le temps d'une danse, d'une photo, d'un sourire, d'un souvenir.

Certaines me conservent, d'autres pas. Mais ce n'est pas le plus important car je ne suis pas là pour durer physiquement dans le temps, je suis un refléteur de sentiments, je capte le moment présent, je ressens les émotions et transmet la joie.

Je suis aussi le témoin de scènes dont les invités n'ont pas idée.
J'entends les confidences car les gens ont tendance à croire que je n'existe pas, ne suis pas réel. C'est comme cela que je sais que la tante de la mariée couche avec le mari de sa sœur depuis 2 ans déjà, ou encore que la petite demoiselle d'honneur s'est décrotté le nez et a collé son mickey sur le bas de la robe de sa mère en faisant croire qu'elle jouait à terre.
Les gens pensent vraiment que je ne suis qu'une plante verte ! Mais je suis bien plus que cela ! Finalement la robe ne compte pas ! La mariée pourrait être à poil que ce ne serait pas grave puisqu'elle m'aurait moi !
Cela me fait penser, un mariage nudiste, cela doit être amusant...
JE suis sa plus belle parure ! Et le premier qui me contredit, je le pique, l'allergise et le tâche.

Lorsqu'elle regardera les photos plus tard, elle se souviendra de moi, cela la fera sourire et lui remontera encore plus de souvenirs, de sensations, ... elle se remémorera ses rêves, perdus, effacés, déchus et un peu retrouvés grâce à moi.

Qui suis-je ? QUI SUIS-JE ? Mais vous ne l'avez pas compris ? ...
C'est le bouquet !